Toxicide

Florian Fischer et Sybil Coovi Handemagnon

Version française traduit de l'allemand par Troubles dans les collections

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Version française traduit de l'allemand par Troubles dans les collections

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Introduction

Toxicide de Florian Fischer est une partie d’un texte dramatique en cours d’écriture, intitulé Monte Mortale, que l’auteur et metteur en scène prépare pour une production théâtrale au Schauspielhaus Hambourg (la première se déroulera le 16 octobre 2021). Dans un mouvement permanent, la voix narrative parle depuis le point de vue du poison. Le texte entreprend de comprendre la modernité toxique non seulement comme une situation chimique dont les effets secondaires sont mortels, mais de la mettre en relation avec la toxicité du capitalisme racial et son histoire. Il parle de subjectivités corrosives, du langage lui aussi chargé de violences historiques, de l’indifférence du poison aux corps dans lesquels il opère et qui sont exposés à sa nocivité de manière très inégale.

Des échanges réguliers entre l’auteur, la plasticienne Sybil Coovi Handemagnon et l’éditrice du numéro ont accompagné le processus d’écriture. Pour Florian Fischer, les conversations et les entrelacements qui en découlent constituent le fondement de son processus de travail. Sur cette base, il a non seulement intégré de nombreuses références dans son texte qui a été enrichi de considérations théoriques, mais il dialogue également directement avec le collage photographique de l’artiste plasticienne. En ce sens, de multiples voix sont à l’œuvre dans ce texte.

Tandis que Fischer, en tant qu’auteur blanc en Europe, aborde les toxicides en créant un néologisme par lequel il imbrique le poison agissant dans les corps et ses modes d’action meurtriers, laissant toujours délibérément ouverte la question de l’intentionnalité ou de l’approbation silencieuse de ces dégâts, Coovi Handemagnon, artiste afro-descendante en France, traverse la toxicité des archives coloniales pour se donner les moyens d’écouter les images (Tina Campt, Listening to Images, 2017), c’est-à-dire de créer des généalogies non-linéaires qui résistent à la violence historique pour y puiser une possible voix, toujours en voie d’avènement. Elle scrute les peintures célébrant la « mission civilisatrice » dans la salle pyramidale de ce que fut en 1931 le Palais des colonies à Paris ; elle intègre le moulage de sa propre main dans son collage en se positionnant ainsi dans l’histoire de l’anthropométrie ; elle investie les archives de sa famille, fait face à la douleur, par le biais d’une photographie portrait, forme elle-même ambiguë et liée à l’identification officielle, étatique et policière (Allan Sekula, The Body and the Archive, 1986). C’est en cherchant les résonances de ses traits avec les visages des personnes représentées dans ces lieux publics et de proches, manquants, notamment sa mère, qu’elle affirme les perspectives à venir et les possibles en voie d’avènement.

Alors que les deux œuvres partent d’approches très différentes, elles sont toutes les deux au sens d’Avery Gordon des « matières spectrales » qui opèrent dans les sujets sous forme d’affects : « Être hanté.e nous entraîne affectivement, parfois contre notre volonté et toujours un peu magiquement, dans la structure du sentiment d’une réalité dont nous venons de faire l’expérience, non pas comme une connaissance froide, mais comme une reconnaissance transformatrice. » (Avery Gordon, Ghostly Matters, 2008, p. 8).

Toxicide

Des couches et des strates et des sédiments

Qui se sont accumulés,

Qui ont été retournés

Par les chenilles

Avec leurs pelles de fer et

Leurs jambes en chaînes

Et de ces couches de débris de guerre

Empilés en montagnes

Dépassent certaines pièces

Qui ne peuvent être cachées

Est-ce cela la tâche d’une montagne

De cacher, de dissimuler

De taire

Les morts ?

(Si l’on pense à la Suisse ici

On pourrait alors affirmer haut et fort

cette thèse des montagnes silencieuses, dans lesquelles l’or des comptes nazis se trouve encore bien caché,

dans l’obscurité.

Seulement, les montagnes sont silencieuses,

Mais elles aussi

Créent un écho).

Alors ça s’accumule parce que personne ne parle.

Sauf moi, qui ai mis ces mots dans ma bouche

Qui ne sont pas à moi mais qui sont pourtant dit

Par ma bouche.

Parce que quelque chose a pris possession de moi

Cela s’est infiltré

En moi

Comme dans la montagne

Et parfois, ce n’est pas un morceau de tissu déchiré qui dépasse.

Un buste, un visage

En bronze

Mais un mot, une phrase, une pensée

Qui est recouvert

Et depuis lequel, je vois.

Comme il me regarde

Quand je regarde dans le miroir

A single story

Qui est là vu de l’extérieur.

And I need to be rescued

From the poisonous outside thought

That I only have a single story.

„Hair that can’t form a pony tail1.“

So I try to décrire who I am

Et de quoi je suis fait

Et je commence à assembler en collages

Les résidus déchirés

Les sortir

de la montagne polluée

En les superposant les uns aux autres jusqu’à ce que

L’image soit juste

Et personne ne me reconnaît

Parce que la complexité a tant augmenté

Et la densité du poison est maintenant si mortelle

Regarde tant en arrière

Jette en arrière

Depuis cette image

Que des yeux bleus ne veulent et ne peuvent plus la déchiffrer

Ils abandonnent, font grève

Retournent à la photo d’identité

A mugshot that is produced

For the regulatory needs of the state

Or the classificatory imperatives of colonization2.

Le long de la rangée de photos, les yeux errent

La rangée qui va en profondeur

Look at me!

Who is gazing?

Iel veut être vu.

Et de retour regarde, only a ghost.

Sybil Coovi Handemagnon, Parce que Hier ne sera pas comme Demain, 2021, collage numérique.

And only an instant later.

I feel

Comme si l’air m’était coupé

Là voilà : la main blanche

Et pas seulement mes yeux

mais tout mon corps

s’accroche à elle

Parce qu’elle veut mesurer

Parce qu’elle veut posséder par la science

Qui ne regarde que vers le bas

Et le poison de son regard

Continue à l’inculquer

Pas seulement dans la projection

Of their gaze3

But just as much

Dans la source, dans elleux-mêmes.

Et donc ils s’empoisonnent eux-mêmes

Et empilent des explications dessus,

Qui taisent

L’essentiel

Et au lieu de déchirer

Les montagnes et se disséquer soi-même

Iels empilent leurs propres montagnes

En images

Avec des couches et des layers et des strates et des croûtes et des coquilles et des revêtements et des thicknesses.

En superposant ce qui va ensemble.

A refusal to engage with the colonial gaze,

the ethnographic stare

The missionary watch.

While all of these are there simultaneously already.

These mountains of images

Layered upon each other.

Make audible both the frictions

Of the visual economies in which these images circulated and

Of those between the mission and its indigenous communities.

The portrait is neither wholly liberatory

Nor only a unilateral instrument of objectification4.

-Look at me!

-Who is gazing?

—Iel veut être vu.e.

Portraits are always already both at once.

Parce que la tentative de ne voir qu’une seule chose en eux,

A single thing

That has just a single story

Of Africa

« of catastrophe »5.

Là où il n’y a pas de possibilité

To be

No possibility of feelings more complex than pity.

Iels doivent donc devenir des images empilées,

qui, comme un massif

trônent devant soi.

Empilées et abandonnées

là dans les paysages

Et dans les gens

Who are worlds.

But what goes out

Must come home.

Now the latest

Is a moment of return.

Raconter les histoires du poison

C’est ce qui nous motive

C’est ce qui nous obsède

Parce qu’elles travaillent en nous

Parce qu’elles nous possèdent

Parce qu’elles dissolvent

les cellules

dont nous sommes faites

Au fur et à mesure qu’elles se déplacent

Se dissolvent

Sans cesse, disseminate in us.

Telling and hearing of the stories

has to offer another way

And its not only about hearing the story

But about listening to it.

Une différence que in my native tongue

Se réduit à un

Préfixe

De « entendre » à

« écouter ».

Its a moment of return,

Because what goes out must come home.

Et il me revient en Allemagne

Sous forme de honte.

Parce que c’est troubling

To accept la violence de sa propre histoire

Parce que comment voir

la violence cachée depuis lors jusqu’à aujourd’hui ?

Quand elle est cachée sous les tas et les montagnes

Du déni

De l’enfermement, coupé

Et puis l’intensité, la densité, la force, l’ampleur et la vitesse

De la honte et la façon dont elle change d’un contexte à l’autre

D’un endroit à l’autre

De personne à personne

Change.

A moment of caution

Holding one’s breath for a time.

Before moving away the mountains of shame

A time to experience shame

And be humiliated by it

Finding a path of humility

Et si ce path est

De faire demi tour ?

Faire demi tour vers où ?

Parce que faire disparaître les montagnes

éloigné aussi de ce que la honte nous apporte6

Le moment qui fait rire à gorge déployée le white savior

Hors de propos, gênant

Ne sachent pas qui il sauve

Mais en fait, lui-même

Pendant qu’il se concentre sur lui

Et est incapable d’écouter

Parce que tant d’affect est retenu dans son corps, tant de couches dans sa peau et sa chair

Dans ses pensées structurées par des langues

Qui ont prononcés des condamnation à mort

qui ont seulement rendues possible de formuler des condamnations à mort.

Alors il rit et devient animal parce que ce n’est qu’une impulsion

si grande….

Un réflexe auquel il ne peut résister

Parce qu’il veut être bon

Et humain

Et enfin renverser cette maudite honte

Et s’en débarrasser

To finally get rid of

And he is so loud in it

While he looks into the mirror

And the images that he obsessively collects

Because he needs them

Because they are everything he is and is so sure of

He is not.

And so loud does he laugh in contempt about these silencing images

That the images

Can’t be heard anymore.

That they seize to speak

Of themselves

And all the chances of

listening to the images

is lost

again.

-Bonjour.

-Je ne te connais pas.

-Parce que je suis fait de toi7.

Rehearsing traumatic encounters

C’est la mise à nu des couches

Le coup de pinceau attentif

de l’archéologue

pour exposer la douleur sans fioritures

Pour que le poison dans sa structure moléculaire

ne réagisse pas complètement

into the soil

That we care about.

Look at me!

Who is gazing?

Iel veut être vu.

Moi, le poison,

Doit raconter ici

une petite histoire du meurtre (des Mordens)

ici aussi, le meurtre et sa violence

sont remplacés, floutés,

démentis à nouveau

par mon autocorrect

qui préférerait

parler d’une petite histoire du matin (Morgens)8.

(Probablement avec de doux chants d’oiseaux et plein de levers et couchers de soleil romantiques et rouges).

C’est ce dont veut parler

stupéfiant

mon autocorrecteur

Et ne pas sur la désagréable histoire de la violence.

Les tactiques d’obscurcissement, de pinkwashing et autres, elles sont là tout le temps. Par exemple, dans les cieux de l’ère romantique,

C’est alors que j’ai commencé à me déguiser.

Dans la période romantique, en Allemagne en particulier, tous les peintres

d’un seul coup tous les peintres ont découvert ce rose du ciel

et pendant quelques années, cela semblait être le seul motif.

Only a single story

de manière obsessionnelle

ils enchâssaient

sur leurs toiles blanches.

Ils ne pouvaient peindre rien d’autre.

-Rose rose rose, rose tout autour.

Tout le monde connaît ces cieux roses.

Alors : pourquoi seulement cette obsession ?

« Gay ou quoi ? »

Ou : Qu’est ce qui s’est glissé en eux,

En a pris possession ?

-Hihi, c’était moi.

Parce que ces couchers de soleil,

si pittoresques, gais, colorés,

étaient un phénomène complètement nouveau

qui n’avait pas toujours été à l’horizon, dans ce monde.

Ce n’est vraiment qu’à cette époque, l’époque romantique, c’est-à-dire autour de 1800,

qui se trouve être aussi l’époque de la machine à vapeur, de son expansion,

et donc du chauffage massif au charbon,

qu’émergeait

pour moi, le rose dans le ciel

par la poussière de charbon,

d’une beauté enchanteresse.

Iels m’ont admirés,

le poison dans l’air

Et lentement, imperceptiblement, je me suis niché,

Dans leurs corps, leurs images, leurs peintures,

et dans innombrables toiles, ils m’ont peints avec des ciels roses,

parce que

j’étais

devenu eux,

parce que ce qu’ils peignaient là, c’était eux

Le poison

Désormais dans ce monde, impossible de l’imaginer sans.

Bien sûr, vous pouvez imaginez

la course lorsque le ciel a su se mettre soudainement non seulement en bleu et gris mais aussi en rose.

Tout à coup, les romantiques ne sont plus seulement lame.

Mais d’une certaine façon assez compréhensibles et basiques.

Qu’ils aient tant kiffés ce seul motif.

Parce que ce qui luit si rose dans l’atmosphère

Ce n’est pas la puissance gay et créatrice de la beauté divine.

Non, ce sont des particules de charbon, pompées dans l’air par les usines,

massivement,

réfractant la lumière dans le crépuscule de la classe ouvrière.

Et ce que les spectateur.ice.s avaient auparavant considéré comme du kitsch…

Et ce qui ne les a même pas fait feindre un sourire,

Leur provoque maintenant une bonne grosse toux à chaque fois

Quand iels voient un basic couple prendre des selfies devant ces cieux.

Et je ricane dans mon coin et je pense

« Cheers,

à votre toxic normativity.

Enjoy the sunset et respirez profondément

et m’inspirez,

en vous, pour que nous puissions être connectés,

pour toujours. »

The air

She belongs to no-one and everyone.

She is yours.

Fight for her.

Defend her.

Maintenant, je ferme le double crochet et je reviens à la pensée que mon correcteur automatique, a essayé de m’empêcher de penser avec lui, ici, à travers lui,

assez fièrement, que je n’ai pas oublié le fil conducteur

celui du meurtre.))

Ne pas me laisser écrire sur la brutalité de la guillotine, de la Kalashnikoff,

des chambres à gaz,

qui ont assassiné

avec de l’air empoisonné,

qui amalgamaient tous des idées

d’instrumentalité et de rationalité,

Un Monte Mortale à lui tout seul,

Rationnel, parce que la mort y advient d’une manière si ‘bonne’, rapide et silencieuse,

Aux gens

Donc mon T9 veut m’empêcher

De poursuivre mon histoire,

De meurtres, de poison

De The publics passion for blood

Qui est satisfaisant à sa manière :

Exécution for satisfaction.

La justice et la vengeance, ici livrés ensemble

Une vieille croyance chrétienne.

Il faut alors regarder

parce que la justice a besoin de ses témoins,

Mais comment cela fonctionne-t-il avec le poison, si ce qui tue ne le fait pas rapidement, pas efficacement, pas dans un seul lieu de spectacle ?

J’étrangle alors cet esprit allemand,

qui aime tant la précision,

Pendant qu’il inspire

Lentement, régulièrement

mes toxines.

Pas sans but, on a envie de dire, parce qu’il est assez clairement attribué

Qui est infiltré de quoi :

In those who must die and those who will live

Comme une technologie to regulate the distribution of death

Ce qui est maintenant ma tâche, après la guillotine,

qui, bien que propre,

a toujours causée trop de saleté dans le meurtre.

La guillotine, elle VEUT tuer

est faite pour ça

Mais je suis là

un byproduct

Et comme je m’étale

Dans l’air

J’accepte les morts multiples

Juste comme ça

« Vous ne pouvez pas faire une omelette sans faire tomber …. »

Des morts.

Et je ne sais pas

si j’assassine

C’est plutôt que ça arrive

Et bien sûr, pas partout dans la même mesure

Mais est-ce pourtant moi qui tue ?

Ou est-ce la

Violence silencieuse

Des conditions sociales ?

Parce que moi, nous le savons tous.tes que

Personne ne peut me contrôler.

Bien que lorsque l’on gouverne, on pense :

« La terreur et le meurtre deviennent les moyens pour réaliser

Les buts ultimes, bien connus de l’histoire. »

Comme ma langue maternelle est l’allemand, comme je suis complètement socialisé ici,

Et que je n’ai donc pas d’autre langue,

Un frisson me parcourt froidement à chaque fois

Qu’un mot commence par « Fin » (end) –

Parce que la langue qui a été inventé

par ceux qui ont refusé à tants le droit à la vie tout court..,

m’a empoisonné profondément.

Elle est moi

et je suis donc déjà inséparablement, inéluctablement mêlé à son histoire,

J’ai beau m’éloigner,

dire que ce n’était pas ma faute, que je suis beaucoup trop jeune,

dire que je ne suis pas raciste..,

autant que je le veux.

Donc si on regarde de plus près l’histoire de la terreur, l’histoire de l’Europe centrale

D’un peu plus près

et qu’on réussit à voir au-delà des camps.

On arrive aux plantations9.

Parce que l’esclavage,

Oui, bien sûr

– Je peux les voir rouler maintenant,

Les yeux, les blancs,

pas les têtes.

Parce qu’on parle encore de choses

Pour lesquelles on y est pour rien

« On avait pas de colonies…

longtemps

Et aussi pas d’esclaves ici en Allemagne »

Et donc rien à voir avec ça.

Mais pensez-vous qu’avant l’usage de la betterave à sucre…

Le sucre, l’or blanc, comme on l’appelle aussi.

venait d’ailleurs que des plantations ?

qui étaient pleines de mains asservies

Expédiées menottées à travers l’océan

Des ports qui voulaient charger,

Maintenant, vous pensez immédiatement « Mais pas de celui-ci. »

Pas de, mais vers !

Sans aucun doute, le sucre est venu ici aussi

Sur le chemin du retour des bateaux

Qui à l’aller a vu les gens traités

Comme du fret,

Dans les bateaux qui ont laissé un sillon blanc

Comme un écho des traces d’une souveraineté moribonde.

Traiter les gens comme une chose qui peut être expédiée,

Qui peut être torturé

Dont on peut extraire

ce qui est nécessaire

pour que dans nos ports, les navires n’arrivent que pleins.

Parce que charger il veut et il doit,

C’est le seul sens du port

Et donc,

Sorry,

Tu ne peux pas vouloir du sucre et du sweet

Dans ton thé hanséatique

et dire encore, « Nous ne savions rien.

Tout s’est passé ailleurs. »

Alors là, maintenant

notre regard se tourne vers les plantations,

Parce qu’une histoire de meurtre ne peut être racontée

Sans cet endroit créé par l’Occident

Et qui au plus maintient les personnes qui y travaillent de force

taffent

s’épuisent

tout juste en vie

mais seulement dans un state of injury10.

Dans un monde fantomatique,

qui est un monde d’entre-deux

Un monde empoisonné

Après la perte du « home »

Après la perte de tous leurs droits

Après la perte de la souveraineté et du statut de sujet,

Iels sont maintenant piégé.e.s, tout juste alive

As an instrument of labor, as a property

Whose travail is needed and used.

Parce qu’une vie esclavagisée

Comme une chose peut être possédée

Par une autre personne

Is the existence of a slave appearing

as the perfect figure of a shadow.

Un jeu d’ombres dans l’obscurité11.

Un système parfait qui s’arrête juste à la frontière de la vie

Cela s’estompe complètement dans le système de production des plantations.

Ici, dans les colonies,

Étaient essayées les limites de la cruauté.

C’est ici que nous voyons les premières fusions

entre le massacre et la bureaucratie

La planification logistique précise de

« who deserves to life and who to die »

peut être admirée,

Par manque d’un meilleur mot,

Car comment la comprendre.

Là-bas, dans les colonies,

Se dépliait

Non ! Attend. Stop.

Ça ne s’est pas déroulé tout seul.

Je vais réessayer :

Là-bas, dans les colonies,

_S’_est déclenché un potentiel de violence

Non ! Attend. Stop.

Ce n’est pas ça.

Elle ne se déchaîne pas.

Elle est déchaînée, lâchée, attisée.

Je cherche une tournure, un verbe, un mot, qui ne suggère pas

Que cette violence n’était pas décidée,

Hier comme aujourd’hui

Utilisée activement

Qui ne suggère pas qu’elle est simplement là et humaine, tout à fait normale.

Et peut-être que ce verbe n’existe pas en allemand,

Qui décrit comment la violence

Et un système de pensées autour d’elle

surgit

Lié à des intérêts

Peut-être qu’en allemand ce mot est

« éradiquer »12.

Juste pour gérer la culpabilité,

Pour la redistribuer, loin de l’un,

Parce que sinon, on ne supporte pas la cruauté,

La sienne,

Celle des grands-pères.

Peut-être que ce mot

Celui que je cherche

Dont j’ai besoin pour continuer

de penser

Pour arriver à

A ma propre honte

N’existe pas non plus

En anglais,

Ni en français,

Ni non plus en italien, qui vient du latin.

Parce que toutes ces langues sont impliquées,

Toutes sont empoisonnées

Peut-être que pour ce mot, vous devez passer au créole.

A l’afghan, à une langue bantou,

Abandonner la prétendue pureté de la langue coloniale.

Parce que comment réfléchir en français, en allemand, en anglais, en italien, en latin,

à ce que cette langue elle-même a fait,

Comment pourrait elle penser

qu’elle a rédigé elle-même l’ordre d’extermination

Que c’est à travers et avec et en elle qu’on a tué,

Massive –

atrocement ?

-The degradation of the status of life is a constant, ongoing one.

-And never should we forget that it’s vector has a direction.

Et donc la nature et l’être humain en elle sont

dégradés, parfois aussi élevés au rang de purs

Mais les deux fois seulement pour s’en extraire

Pour la dominer.

Je ne peux que rire de cela,

Parce que leur maîtresse, c’est et c’était moi

Moi, qu’ils ont eux-mêmes créé dans leurs laboratoires de toxines…

Maintenant, je les gouverne de l’intérieur.

Mais parce qu’il est nécessaire de croire au pouvoir

Pour assurer sa souveraineté,

Et la liberté de son être,

N’était même pas noté lors des égorgements,

des massacres des populations indigènes,

Le Murder one committed

Parce que la nature n’est là que pour servir l’humain,

Pour y prendre ce qui est nécessaire pour soi

Qu’il s’agisse de minerai, de pétrole ou du fantasme

D’une nature sauvage et intacte

Extracted

Arrachée d’elle

Pour son propre usage :

Créer des valeurs

Which are not only wealths but values of societies

Et tout cela n’est possible que dans une construction riche en traditions

In which there is a reason why you can take

Without asking

anyone.

Être sauvage,

Qui est ou n’est pas

The Savage

Cela a plus à voir avec nous

And so I,

The poison

Trickle down in you

And you with your values pass me on

Into the other body

Next to you.

Chaque niveau d’impérialisme fostered

Sa propre technologie

Aujourd’hui encore, à l’ère du poison, il en est ainsi.

The Gunboat est arrivé le premier et a jeté à terre, avec fracas et terreur.

La quinine qui a rendu possible pour la première fois

pour les Européen.e.s pâles

de vivre là

Où la malaria aussi,

Et ainsi seulement l’expansion et la subjugation

Of the Empire – if you know what I mean

(—« good evening your royal highness,

Much obliged

So happy to serve your endeavor

Oh absolutely are we entitled to rule over these territories… (waiting for an answer) hahahahahaha! »

(riant comme un de ces aristocrates anémiques de l’époque))

Avancer, en avalant, en buvant cette écorce

Dans de l’eau tonique

Dans la lumière noire, il semble avoir des reflets bleutés, sans odeur,

presque vénéneux

les frontières infâmes de l’empire pouvaient-elles être tracées

Élargies, propulsées

Sans la quinine, la trouvaille médicinale,

elles seraient mortes d’une minuscule piqûre de moustique.

Comme tant d’autres,

dispensable

Encore aujourd’hui.

Donc ils ne pouvaient pas seulement être en bonne santé

Là où d’autres tombaient malades

Mais avoir un monopole sur les moyens

De la guérison

Parce qu’ils avaient assimilées

Parce qu’ils avaient détruits toutes les autres structures

De guérison.

Et c’est ainsi que

La médecine

La médecine moderne,

Qui est une médecine de la pureté

Peut être présentée comme

Amenée par les navires

Dans le « commerce triangulaire »

Sybil Coovi Handemagnon, Car, il est des choses que l’on ne doit plus confondre, 2021, collage numérique

Mais aussi accorder ou refuser l’accès à la santé.

Comme un outil de la domination.

Et donc la quinine, un médicament, est peut-être

aussi importante que

le bateau à vapeur, les câbles télégraphiques au fond des océans,

Ou même le chemin de fer

En tant que technologie

tout aussi important

Pour l’exploitation des continents,

Ceux qui ne sont pas l’Europe13.

Ces territoires qui sont saisis, contenus et contrôlés,

et rendus accessibles.

(Est-ce que cela signifie ici

La construction d’un château

Comme Walt Disney dans son logo du film Pocahontas14.

Ou de verrouiller ou déverrouiller

Comme une pièce

Là où maman t’a dit de ne pas aller)

Ces territoires

sur le sol desquels sont peints

les nouvelles règles et lois

Pour l’espace comme pour la société15.

Des hommes qui sont arrivés, là, tout neufs et qui connaissaient tout mieux.

Mais pas seulement,

Aussi des femmes, bien que dans des rôles différents

Jusqu’à ce qu’il s’infiltre lentement dans chaque cellule de la vie.

Le colonialisme engage les lieux, spaces, la terre.

L’espace est divisé et ségrégué

En sections, en zones, au moyen de clôtures et de circonscriptions.

Frontières, lampes, caméras, baraquements

La Ballinstadt est un exemple classique16. Celleux qui voulaient émigrer

ont d’abord été empilé.e.s, entassé.e.s,

Jusqu’à ce que leur santé soit bien testée

Et leur corps ait été déclaré bon pour expédition,

Qu’il pouvait être digne d’un nouvel espace.

Un réseau de frontières intérieures,

Qui me, poison furtif, ne m’arrêtera pas.

Jamais.

Mais qui tient les corps,

les sépare des autres

Et les expose donc à la violence.

Aujourd’hui, les casernes sur la Veddel ne sont plus nécessaires,

Une seule autoroute est suffisante, ou plutôt, trois.

Pour séparer les gens de tant d’autres vies,

Où une spirale commence à tourner vers le bas

Pour percer les couches d’anciennes, d’obsolètes, et pourtant toujours actives visions du monde.

Voici de l’autre côté,

De la route infranchissable,

De la station de train de banlieue après les ponts sur l’eau.

Où l’on pose la question de savoir

who is disposable and who is not

et l’on obtient immédiatement une réponse.

Celui qui vit sur la Veddel,

est déjà plus malade que celle de Blankenese.

D’autant plus mal équipé.e.s pour le virus

Qui est en même temps plus difficile à éviter :

Pas de télétravail ici pour les boulots

des gens de la Veddel,

qui dépendent des transports publics

Les appartements exigus et densément habités.

Là, l’appel se fait entendre qu’une protection spéciale est nécessaire

Pour cette île dans l’Elbe, comme tout autre endroit pauvre.

La pauvreté est, tout simplement, un risque pour ceux qui le sont.

Également pour les cas sévères

Comme si ce n’était pas

assez

vient maintenant s’y ajouter :

Jens Spahn

Un connard notable.

Pas à cause de sa villa de millionnaire

achetée et meublée en plein milieu d’une pandémie

Dans laquelle tant, tant, tant de gens sont morts

Avec un prêt de la caisse d’épargne dont il fait partie du CA,

Non, pas à cause de ça,

La vue sur le lac de millionnaires de Berlin

Je ne lui en veux pas,

Parce que sinon, comment pourrait il apaiser

sa mauvaise conscience abyssale ?

Si ce n’est par la vue sur le lac ?

Un homme comme ça … ne peut pas vouloir être là !?

Avec ce qu’il fait et ce qu’il a fait ?

Alors, il a besoin de la villa, c’est clair.

Mais c’est quand même dégoûtant…

Mais peut-être que ce n’est pas du tout dégoûtant, mais juste sa réponse à la question :

Who is disposable and who is not.

Quand il pensait dans son ministère de la Santé

Où mettre les masques qu’il avait fait acheter pour un milliard

Mais qui étaient défectueuses et défaillantes ?

« Oups. Et maintenant ? Où les mettre ? »

Et puis il a une idée.

« Aux pauvres, aux handicapé.e.s, à celleux qui n’ont pas de toit ».

(Je le répète encore une fois : je ne parle pas de la villa,

Je ne parle pas du manoir dont Jens a essayé de nous interdire de parler,

mais je parle d’un refuge)

C’est à elleux qu’il veut donner les masques cassés.

Who dies early and why,

And for whom is there no infrastructure

Qui promet que tout sera fait pour garder TOU.TE.S en vie ?

Jens qui dit : Il n’y a pas de promesse.

– Nous vivons dans un monde partagé…

– certes pas partagé de manière égale

-. .. mais quand même.

Il y a une confiance que le monde est organisé

Selon des principes to support everyone’s flourishing17

– Mais d’où Jens, bon sang, petit branleur,

D’où est censée venir cette confiance ?

Quand tu donnes dans ton ministère

Dans l’un des pays les plus riches du monde.

Des masques cassés aux gens, merde !

C’est ça ta réponse à : Who deserves to die a little more?

Et voilà que ressort clairement que cette question et ces techniques

ne sont pas morts

Ne sont pas enterrées dans les plantations

Ne sont pas oubliées après les guerres mondiales

Ne sont pas loin

Mais ici.

Mais avec toi.

Mais pretty damn alive

Pensées dans la villa au bord du lac.

Et Jens

Il est ministre.

Il le demeure

Et vous là-haut

Vous me répugnez !

Où est-il ?

The new sense

Of mortality and interdependency?

Vous ne comprenez pas que sans lui

Nous mourrons tou.te.s ?

Après le chemin de fer vient le poison.

Que l’on peut laisser opérer tout seul,

Il suffit de se retirer et de ne pas protéger

Ça suffit

Pas de persécution

Pas de police

On peut être beaucoup plus soft

Parce qu’il fait son travail sans contribution active

« Absence d’action » est la nouvelle façon de tuer.

Chaque inspiration de mauvais air

Comprend un peu moins de vivacité

Un peu plus de la mort

C’est dans le poison.

Et donc notre montagne est stratégique

Monte Mortale

qui se trouve à tes pieds !

Il est enchaînée à toi

Car où irait-il ?

Les gens de la Veddel

Iels restent avec toi et pauvres

Parce que la maladie rend pauvre et la pauvreté rend malade.

Monte Mortale

Où seulement pourra aller le poison qui coule de toi ?

Lentement, il s’infiltrera dans les corps

Qui le répandent ensuite partout.

Monte Mortale

Aie pitié de nous.

Nous ne l’avions pas voulu.

Tout reste, seul le soin n’arrive pas.

Mais comment est-il censé y arriver ?

Le Care?

La miséricorde (qui, en tant que mot et concept, n’est utilisé que au sens chrétien)

Les Soins (qui ne sont destinés qu’aux malades)

La préoccupation (qui ne pense qu’au chagrin)

Dont tout le monde a besoin

N’a pas sa place

Dans le langage fasciste

qui ne tourne

que autour des corps en bonne santé

aux gens entrainé.e.s.

Il n’y a pas de mot pour dire care.

Sur les ponts en acier, il pourrait venir

Sur les autoroutes

Les voies ferrées

Dans le tonnerre des camions

Qui coupent la Veddel du reste de la ville mère.

Iels pourraient venir.

Mais ces routes ne sont pas construites pour les gens

Elles sont faites pour la guerre

La guerre qui accomplie tout

Ce qui reste impossible avant et longtemps après.

En 1812, il y a le premier pont

Construit en bois par Napoléon

Mais il relie l’île dans la rivière

avec le reste de la vie,

Crée une vivacité que la guerre

Et les troupes en marche

Balayent immédiatement comme la peste misérable.

Mais il prouve cependant que c’est possible

De créer un accès,

De libérer les gens de

The third zone

Où iels sont coupé.e.s

de la vie.

Seulement 70 ans plus tard, il y a un chemin

qui relie à pied l’endroit de notre montagne

Avec

Les opportunités de l’autre côté du monde,

Car chaque rivière est une frontière et contient

Par-delà un autre monde.

15 000 personnes s’écoulent alors à travers la rivière

Et deviennent un courant elleux-mêmes

Chaque jour.

Avec un grondement cruel, la circulation se poursuit

Le long de la Veddel

Et ne laisse se reposer

Plus personne. Constamment exposée aux bruits battants

Dans les oreilles, le luxe du silence

Est sacrifié à la guerre

Ou au commerce, à l’économie

Mais une fois encore, ne pas de la même manière pour tout le monde.

Organisation of space n’est pas apolitique,

Pas seulement de la logistique

Un moyen de sacrifier what is disposable and what is not

Pendant que je suis assis ici

je regarde

comment il s’infiltre

le poison

dans les pores

de la terre

dans les cellules

de ta peau.

Its a splintering occupation.

Characterized by a network of

Fast bypass roads, bridges and tunnels

That weave under one another

in an attempt to maintain.

Exclusivity,

Ce qui est le contraire de l’accessibilité.

Et cette pensée, elle arrive déjà

A l’automobiliste qui klaxonne

Parce qu’il pense qu’iels doivent être foux.lles

De traverser la route ici

Ces fous, ces sauvages

Celleux qui ne devraient pas

Celleux qui n’ont pas le droit

Celleux qui ne connaissent pas

le code de la route (quel concept si parlant),

Parce que là d’où iels viennent, ça n’existe pas,

Il pense.

Et pense qu’iels devraient rester de l’autre côté de la route.

Et il

klaxonne et gesticule hors de lui, sauvagement

Mais elleux,

Iels rentrent de leur travail salarié

Sur le seul chemin

Qui permet

D’atteindre leur home,

Qui ne leur coûte pas 2,70 pour le billet.

Pris sur leur « salaire » de cinq euros sans sécurité sociale,

Et pour cela iels traversent la route mortelle,

Ce qui leur laisse,

en plus du bruit

Et la pollution des voitures

Aussi la rage des claxons.

Et les prive à chaque passage

Un peu plus de leur dignité.

Qu’est-ce qu’on pourrait leur prendre d’autre

sauf leur travail mal payé,

ce qui le rend encore plus précieux,

Pas pour elleux

Mais pour nous ici.

Pas seulement pour l’entreprise,

mais toute la société en profite

dans son ensemble.

Voici la continuité

De la pensée et de l’action

Qui a peut-être commencé dans les plantations

Qui y a été perfectionné, en tout cas.

Qu’est ce qu’il faut leur prendre

Pour fermer l’avenir

Au lieu de s’ouvrir ?

Peut-être un point de repère, peut-être du confort,

peut-être leur prendre

the feeling of

appartenance

au nom de l’infrastructure.

Et là, je tombe dans

‘Eux et nous’

Cela semble si clair

Qui est qui ?

Et voilà le danger

De cimenter

Dans l’esprit, les images

Alors que le poison les décompose

Parce que ça durcit les oppositions,

Que le poison traverse indifféremment

Parce que ça ne fait que confirmer

La construction

que le poison est capable de faire s’écrouler.

Parce que le ‘Eux’ et le ‘Nous’ s’effondrent dans le poison,

dans une montagne de gravats dans laquelle sont enterrés les cadavres de demain.

J’ai besoin

Du poison et de ses fantômes

Pour être capable de penser

Que ce n’est pas moi and the other

Sondern how different we are

And how closely tied together.

-Hello

-Je ne te connais pas.

-Parce que je suis fait de toi.


  1. – Chimamanda Ngozi Adichie, „The danger of a single story“, https://www.ted.com/talks/chimamanda_ngozi_adichie_the_danger_of_a_single_story 

  2. – Dans son livre Listening to Images (2017), Tina Campt écoute si attentivement les fréquences du quotidien qu’elle rend visibles les multiples formes de présence de l’appareil étatique de contrôle. 

  3. – Avery Gordon, Ghostly Matter. Haunting and the Sociological Imagination, London, University of Minnesota Press, 2008. 

  4. – Tina Campt, Listening to Images, Durham and London, Duke University Press, 2017. 

  5. – Chimamanda Ngozi Adichie, “The Danger of a Single Story“, op. cit. 

  6. – David Dibosa, Exhibiting Embarassment, 2021, voir sa contribution en français dans ce numéro, et la version anglaise, https://www.harun-farocki-institut.org/de/2021/03/01/exhibiting-embarrassment-journal-of-visual-culture-hafi-48/ 

  7. – Mel Y. Chen: Animacies: Biopolitics, Racial Mattering, and Queer Affect, Duke University Press 2012. 

  8. – Autocorrect Word Microsoft Office, 6. Juli 2021. 

  9. – Les considérations suivantes proviennent d’Achille Mbembe, et sont discutées par lui sous le terme de nécropolitique. En grec, νεκρός (nekrós) signifie  » mort, cadavre « . 

  10. – Et encore Achille Mbembe. 

  11. – Toni Morrison, Playing in the Dark. Whiteness and the Literary Imagination, Harvard University Press, 1992. 

  12. – Dans son ouvrage linguistique LTI (Lingua Tertii Imperium), Victor Klemperer a répertorié et examiné les néologismes des nationaux-socialistes. « Ausmerzen » (éradiquer) était à l’origine un terme agricole, provenant de l’élevage de moutons. En mars (anciennement Merz), les moutons faibles étaient éliminés par sarclage avant que les prairies ne germent. En 1904, Ernst Rüdin, de la Société allemande d’hygiène raciale, écrivait : « Chez les humains aussi, une sélection sévère a été nécessaire pour que les aptitudes des races les plus élevées puissent se développer et perdurer. Ce n’est que par l’élimination constante des inaptes physiques, mais surtout des inférieurs intellectuels et des individus socialement inadaptés, inutiles ou nuisibles, c’est-à-dire par l’élimination constante des faibles valeurs héréditaires ou des dispositions génératives inférieures, qu’une race pourrait s’affirmer contre les autres dans la lutte pour l’existence et s’élever à un niveau supérieur ». Sous le national-socialisme, le terme « éradiquer » a ensuite été utilisé précisément dans ce sens pour la politique eugéniste, ce qui justifiait l’interdiction du mariage, la stérilisation forcée et la destruction de la vie. 

  13. – Dans l’ancien Palais des colonies à Paris, la médecine est peinte comme une allégorie sur le mur, tout comme la justice, la science, la technologie…. aux côtés des grands voiliers qui apportent tout cela aux colonies. Le palais était l’entrée de l’exposition coloniale de 1931, et abrite aujourd’hui le musée de la migration. L’aquarium tropical, comprenant des crocodiles, se trouve toujours au sous-sol. 

  14. – Il convient de noter ici la (re-)construction récente du palais prussien au centre ville de Berlin, projet à forte charge révisionniste. La discussion en cours est bien résumée ici : https://ccwah.info/de/

  15. – Et encore Mbembe. 

  16. – Ballinstadt est un complexe de camps construit par Albert Ballin, un armateur de la Hapag à Hambourg. Tou.te.s les émigrant.e.s devaient y subir un contrôle sanitaire et une quarantaine. Le séjour dans le camp n’était ni gratuit ni luxueux, mais inévitable dans un réseau d’obligations étatiques et de stratégies d’enrichissement individuel. 

  17. – Judith Butler : Mourning Is a Political Act Amid the Pandemic and Its Disparities https://truthout.org/articles/judith-butler-mourning-is-a-political-act-amid-the-pandemic-and-its-disparities/?utm_campaign=Truthout+Share+Buttons&fbclid=IwAR0JLEP6RUrg0i2tqC_18rmPOvIiiuZ1u7sz3ksTOSM61TlN-DTAb1ka43Q