NuméroIssues 07
Octobre 2024

Au seuil de la conservation

FR - EN

Renversements

Glass Walls and Dark Seas

Rosanna Raymond introduced by Ruby Satele Asiata

No State, no NGOs

Mazen Iwaisi and Jamal Barghouth

Dessine juste !

Emmanuelle Nsunda

Interventions Autochtones

John Moses

Intranquillités

Memory and Hoarding

Rachel Moore

Decolonizing Conservation : Integrating indigenous knowledge into the sustainable preservation of material culture

Johanna Ndahekelekwa Nghishiko-Ndjamba

Une petite grande chose

Jumana Manna

Translucent Trans-Corporeality

Aram Lee and Lotte Arndt

Résidus

Insect « Enemies » and Chemical Legacies: Reflections on archival practice

Lora Angelova and Elizabeth Haines

fr en

La conservation plutôt que la mort

Margareta von Oswald

Tracing Toxicity

Flavia Caviezel

Introduction

Agentivités indisciplinées, souverainetés rétablies et alliances transversales

Le choix de ce que l’on conserve et comment conserver sont des questions éminemment politiques. La conservation-restauration renvoie aujourd’hui à une discipline pratiquée dans les musées et institutions patrimoniales occidentales. Mais le souhait de préserver des artefacts n’est pas nouveau ni restreint à l’Europe. Au contraire, ce désir a existé bien au-delà des conceptions de la science issues du siècle des Lumières et de leur impact sur le domaine des musées. Par ailleurs, la forme de cette discipline, la conservation (entendue au sens large, incluant la conservation-restauration, la conservation curative, la conservation préventive et les pratiques d’exposition) a beaucoup évolué depuis sa création à la fin du 18e siècle. A partir des années 1980, elle a été redéfinie à l'échelle mondiale, souvent sous la pression d’acteurs.ice.s vivant et travaillant dans des pays anciennement colonisés ou de colonies de peuplement. Ils et elles ont réclamé des démarches respectueuses de leurs pratiques, et une représentation de leurs communautés dans les processus de prise de décision. Par la suite, les conceptions et les techniques de la conservation-restauration ont changé selon les contextes. Une pluralité de pratiques et de pensées provenant de différentes géographies ont surgi dans les discussions professionnelles internationales. Les dimensions de genre, de race et de classe au sein de la discipline ont été abordées sous différentes perspectives lors des revendications portées par des groupes aux intérêts divers dans des contextes différents. Cependant, ces évolutions positives ne peuvent détourner l'attention des nombreux problèmes et résistances qui subsistent, tels que la permanence de structures de pouvoir inégalitaires, la prise de décision par des professionnel.le.s en l'absence de personnes et de groupes concerné.e.s par les objets exposés ou conservés, le tokenisme (par exemple lorsque les personnes concernées sont invitées ou recrutées dans les musées pour représenter une diversité mais sans disposer d’un réel pouvoir d’action), la saisie et la privatisation des biens culturels, ou encore la prétendue neutralité des interventions techniques.

Dans ce numéro, nous nous tenons au seuil de la conservation : en ces temps de profondes divisions (fabriquées et entretenues politiquement), nous cherchons à mettre en avant des perspectives situées, qui permettent à des compréhensions alternatives de la conservation-restauration eurocentrée et à des approches résistant à la pression normative des procédés muséaux de survivre ou d’émerger. Parmi les enjeux centraux, il y a celui de ne pas séparer les techniques de conservation-restauration dans les musées des conditions sociales et des réalités de vie des personnes auxquelles les objets sont liés. Comme l'écrit pertinemment la conservatrice-restauratrice et chercheuse Ayesha Fuentes : « Les objets de musée eux-mêmes révèlent souvent la fragilité de cultures humaines irremplaçables, qui est due au colonialisme, ainsi que la vulnérabilité de la nature, elle-même causée par des processus d'extraction non durables. Les musées et le public doivent s'engager dans une conversation plus large sur la préservation du patrimoine fragile et la réparation des relations de l'humanité avec les ressources naturelles d’une part, et, d’autre part, entre les uns et les autres »1.

Élargir notre compréhension de la conservation-restauration

Dans de nombreux pays, la conservation-restauration est aujourd'hui une profession structurée autour d'une formation spécifique, qui s'appuie sur la connaissance d'outils historiques, sociaux, techniques, physiques et chimiques. En Europe et en Amérique du Nord, par exemple, les conservateur.ice.s-restaurateur.ice.s de musée sont des professionnel.le.s hautement spécialisé.e.s qui apprécient la complexité des œuvres d'art et des objets dans leur dimension matérielle et immatérielle. Pourtant, la définition, la compréhension, les enjeux et les modalités de la conservation-restauration varient considérablement d'un continent à l'autre ou encore d'un contexte à l'autre, mais aussi au sein d'un même pays ou d'une même institution. Depuis les années 2000, des conservateur.ice.s-restaurateur.ice.s, des chercheur.euse.s, des artistes et des activistes ont reconsidéré de manière critique les conceptions purement techniques (en apparence) de la conservation et ont développé des points de vue alternatifs sur leur profession et son avenir (Sully, 2008). Toutefois, il reste un long chemin à parcourir pour développer des pratiques socialement responsables qui tiennent compte de l'histoire coloniale et remettent en cause la neutralité de la conservation-restauration. Les historien.ne.s de la conservation, les universitaires, les conservateur.ice.s-restaurateur.ice.s et les conservateur.ice.s, et plus largement les institutions et les universités, élaborent des théories sophistiquées sur ce sujet. Elles restent néanmoins souvent complices, plus ou moins activement, de la violence exercée à des fins de conservation : la conservation du patrimoine bâti pour préparer l'exploitation touristique s’accompagne par exemple souvent de l'expropriation ou de l’expulsion des habitant.e.s d’un lieu, et remplacent les économies de subsistance par le salariat. En tant qu’éditrices de ce numéro, chercheuses blanches travaillant dans des institutions académiques occidentales, nous sommes conscientes que nos regards sur la conservation sont partiels et limités. Que nous le voulions ou non, nous participons aussi à consolider et véhiculer une conception de la culture teintée de nos expériences, situées et privilégiées.

Prolongeant cette ligne de questionnement, le projet de recherche Global Conservation (GloCo) dirigé par Noémie Etienne à l'université de Vienne et financé par l'Union européenne (Conseil européen de la recherche) vise à reconsidérer les différentes histoires et épistémologies de la conservation entendue au sens large2. Les chercheur.euse.s, conservateur.ice.s-restaurateur.ice.s et artistes réuni.e.s au sein de ce projet examinent les discours et les pratiques au Sénégal, au Cameroun, au Bénin, au Mexique, en Aotearoa-Nouvelle-Zélande, en Thaïlande, en Autriche ou en France. Depuis 2010 au moins, une sensibilité grandissante pour des questions coloniales et écologiques s’est fait sentir dans les institutions et a mis l'accent sur les processus contestant les approches hégémoniques de la conservation occidentale, ou uniquement centrées sur l'objet. Le rétablissement d’un lien entre les artefacts culturels et les personnes concernées modifie les processus et les structures de pouvoir impliquées dans la prise de décisions à leur égard : modalités de conservation-restauration, pratiques quotidiennes, personnes impliquées, restitutions. Dans cette perspective, les conditions d'accueil, les droits d'accès et la création d'un contexte qui donne la priorité aux publics concernés font partie intégrante du travail, comme l’ont souligné les professionnel.le.s depuis les années 1980.
Parallèlement, les conservateur.ice.s-restaurateur.ice.s occidentales.aux ont lutté au cours des dernières décennies pour obtenir la reconnaissance de leur travail et valoriser leur position sociale. Dans ce numéro, nous rendons compte de ces processus en publiant des travaux qui examinent ces évolutions, en questionnant aussi les rapports de classe et de genre. La conservation muséale, par exemple, est devenue un domaine dans lequel les femmes sont très nombreuses à travailler. Aujourd'hui, cette situation soulève de multiples questions, de l'égalité professionnelle entre collègues jusqu’aux questions de santé reproductive3. Globalement, les professionnel.le.s de la conservation-restauration s'efforcent d'adopter des pratiques plus durables et plus égalitaires. Les fortes demandes de revalorisation du travail qu’elles et ils portent peuvent être mises en parallèle avec les revendications de salaires équitables pour le travail de soin (care work), exprimées par les travailleur.euses du soin et les féministes dans de nombreux contextes à travers le monde. Ces dernières années, cette notion est apparue au premier plan de nombreuses études, reliant précisément les domaines hospitaliers, policiers, et muséaux, soulignant aussi la relation entre soin et domination. Qui prend soin de qui, et à qui ces actions profitent-elles ? (Puig de la Bellacasa 2017, Ndikung 2020).

Les rapports de force sont omniprésents dans le domaine de la restauration depuis sa création. Au tournant des années 1800, alors que les troupes napoléoniennes s'emparent d'objets d'art et de science dans toute l'Europe, ceux-ci ont été amenés à Paris et intégrés dans les musées à grand renfort de publicité et de propagande. Au début du 19e siècle, lorsque certains de ces objets ont été renvoyés dans leur pays d'origine, les voyages et les interventions de restauration réalisées en France ont parfois été décrits comme destructeurs (Savoy 2003 et 2011; Etienne 2012). Aujourd'hui, de nombreux musées, en particulier dans les sociétés de colonisation interne (settler colonies), ont cherché à intégrer les savoirs autochtones dans leurs pratiques afin de rééquilibrer les dynamique de pouvoir et de réparer les dommages (souvent involontaires) causés ou perpétrés par les musées, quand bien même ils étaient engagés dans la « conservation », le « sauvetage » et la « protection ». Pourtant, ces tentatives se heurtent à des obstacles, ou ne parviennent pas à modifier les structures établies, comme le souligne la contribution du conservateur et actuel directeur du rapatriement et des relations avec les peuples autochtones au Musée canadien de l'histoire de Gatineau, John Moses (membre des nations Delaware et Upper Mohawk, Six Nations du territoire de la Grand River, près de Brantford, Ontario), ainsi que d'autres militant.e.s et professionnel.le.s. En effet, Moses plaide depuis les années 1980 pour que la décolonisation de la conservation-restauration aille au-delà des déclarations ou des collaborations inégalitaires basées sur des consultations extractivistes, et transforme au contraire en profondeur les processus décisionnels. Il souhaite que ce mouvement vise à la réparation du trauma colonial, établisse l'équité sociale et repense les liens entre les personnes, la terre et les artefacts.

La matière de la conservation

Sur le plan matériel, les artefacts ne sont pas stables mais évoluent constamment. Ils sont le résultat de leurs multiples histoires (Etienne 2013, 2018). Leur matérialité (et leur immatérialité) se transforment au fil du temps. Les œuvres d'art et les artefacts sont des objets mais aussi des carrefours en perpétuelle évolution : matérielle, par l’interaction avec leurs environnements et au fil des usages, et culturelle, au gré des appropriations, relectures, recontextualisations. La réversibilité et la lisibilité de ces changements sont des principes déontologiques de la conservation-restauration, prédominants dans les théories de la profession ces dernières décennies. Les gestes de conservation-restauration (et les traces du temps plus largement) créent continuellement un objet qui se transforme silencieusement - parfois de manière plus visible et plus rapide qu'à d'autres moments (par des craquelures, des changements de forme, des modifications physiques). Ainsi, l'objet est actif et activé par une variété de facteurs et processus, de micro-organismes, d'humains et d'autres acteur.ices qui le transforment (Beltrame 2017, deSilvey 2017, Dominguez Rubio 2020, Geismar/Otto/Warner 2022).
Dans cette collection d'essais, nous nous interrogeons sur ces transformations - et sur ce que les tentatives pour les arrêter nous apprennent, en particulier sur les liens entre les personnes, les œuvres d'art et les lieux. En regardant de près les réseaux relationnels qui traversent l'art et les musées, de multiples interconnexions dans des environnements « plus qu'humains » apparaissent plutôt que des oppositions binaires. Nos corps sont des espaces où de multiples infra-agents nous transforment activement. « Les corps sont des lieux », dit l’artiste Aram Lee dans la conversation avec Lotte Arndt qui accompagne son film X-Hale publié dans ce numéro.

Le présent numéro de Troubles dans les collections a un numéro complémentaire, publié dans la revue Museums and Social Issues 4 et daté de 2023. Tous deux sont issus d'une rencontre internationale organisée en décembre 2022 à l'Institut National d’Histoire de l’Art à Paris 5 : il s'agissait alors de réunir des professionnel.le.s, des théoricien.ne.s et des historien.ne.s d'horizons divers pour reconsidérer les conceptions de la conservation au-delà des pratiques dominantes occidentales. Que veut dire “conserver” ? Nous voulions encourager les conversations entre les personnes engagées dans des pratiques capables de déplacer et de transformer le domaine. Parmi les intervenant.e.s de ces rencontres figurent les chercheur.euse.s, conservateur.ice.s et artistes Yaëlle Biro, Flavia Caviezel, Manuel Charpy, Fatima Fall Niang, Léonie Hénaut, Zahia Rahmani, Rosanna Raymond et Chantal Umuhoza. Les conférences, performances et tables rondes sont disponibles en ligne.

Le numéro de la revue Museums and Social Issues rassemble principalement des contributions de collègues de musées, des personnes impliquées au quotidien dans la conservation sur la base de leurs pratiques et de leur réflexion. Il s'interroge sur les compréhensions critiques ou alternatives, et les propositions transformatrices. Le présent numéro de Troubles dans les collections s'inscrit dans cette problématique et se place, quant à lui, au seuil de la conservation : il rassemble des pratiques qui remettent en question les conceptions de la profession et des pratiques de conservation-restauration ou qui proposent des formes expérimentales. Les contributions reconnaissent les effets durables du colonialisme, s'intéressent aux espaces de trouble et d'interrogation, et font de la place aux contestations et aux pratiques expérimentales. En conséquence, le numéro est organisé en trois parties : Renversements, Intranquillités et Résidus.

Renversements

La première partie du numéro met l'accent sur le travail effectué par les artistes, les professionnel.le.s des musées et les chercheur.euse.s qui vont au-delà de la conservation et ouvrent des questionnements visant à restaurer la justice, la souveraineté et la dignité des personnes et des objets. Elles et ils explorent des modèles alternatifs de conservation, s'engagent dans des contextes où la dépossession, l'occupation et les politiques d'assimilation culturelle sont des conditions durables et difficilement contournables dans leurs activités, et cherchent comment résister et inventer d’autres pratiques et espaces.
Dans son travail artistique, performatif, filmique et écrit, montré dans l’image d’ouverture de ce numéro, l'artiste et chercheuse du Pacifique Rosanna Raymond propose une approche de la conservation basée sur le concept de vā (un espace relationnel réciproque et durable) qui perturbe le musée en tant que lieu de représentation coloniale de cultures objectivées, enlevées aux peuples autochtones. Elle s'interroge sur la manière dont les musées et les professionnel.le.s du Pacifique (et d'ailleurs) traitent les modes d'existence autochtones lorsqu'elles et ils travaillent avec les artistes Moana et leur patrimoine matériel. Raymond fait partie des Pacific Sisters, un groupe d'artistes et de performeuses qui remettent en question l'hégémonie occidentale et les continuités coloniales. Elle décrit les musées comme des « mausolées impériaux où les biens culturels sont étouffés et définitivement enchevêtrés avec des histoires coloniales violentes ». Elle revient sur le « vā en tant que pratique incarnée [...] pour garder les biens culturels Moana actifs et connectés à leurs histoires autochtones ».

Pour Troubles dans les collections, Raymond contribue la vidéo de sa performance Glass Walls and Dark Seas qui a ouvert les rencontres à l’INHA à l'hiver 2022. Son travail artistique est introduit ici par Ruby Satele Asiata, également originaire du Pacifique et préparant actuellement un doctorat à l'université de Vienne. Satele Asiata a travaillé pendant plusieurs années avec la collection du Pacifique au Tāmaki Paenga Hira Auckland War Memorial Museum. Elle étudie actuellement les méthodes de soins qui s'alignent sur l'ontologie et la cosmologie Sāmoan.

Le texte rédigé conjointement par Mazen Iwaisi et Jamal Barghouth commence par un titre déclaratif : Pas d'État, pas d'ONG ! L'accent porté sur les musées familiaux en Palestine met en lumière ces espaces à petite échelle, pour la plupart indépendants, en tant que structures défendant l'autodétermination et la mémoire. Les auteurs argumentent que ces espaces sont mieux préparés à transmettre les histoires de ceux qui ont habité ces maisons que les institutions financées par l'État (en l'occurrence un quasi-État, puisque l’Autorité Nationale palestinienne (ANP) a une autonomie toute relative dans le contexte de l’occupation par Israël). Le texte met la focale sur l'expérience des familles en matière de préservation en dehors des structures de l'ANP et des ONG. Il explore la manière dont l'engagement des familles pour protéger et gérer le patrimoine culturel peut transformer leurs maisons en nouveaux espaces spatio-temporels. Les musées familiaux offrent la possibilité de restaurer une forme d'affection, de connaissance et d'expérience, en montrant un héritage culturel vivant. Comme le défendent les auteurs, c'est par la récupération et la réappropriation de ces histoires que les familles restaurent leurs voix réduites au silence. Par conséquent, les musées indépendants peuvent être un outil puissant pour préserver, réhabiliter et défendre le patrimoine culturel.

Ancrer la conservation en tant que geste de soin dans son expérience diasporique noire (et dans une expérience noire élargie) est le point central du texte d'Emmanuelle Nsunda. Son article part de la trajectoire de l'autrice, ainsi que de son engagement fort et de son plaidoyer pour que des contextes adéquats soient offerts aux professionnel.les et aux activistes afro-descantent.e.s. Après sa formation en tant que conservatrice-restauratrice en Belgique, elle a initié et continue d'animer la plateforme en ligne Afrofeminism in Progress, et le podcast Les absent.e.s. Dans son texte elle demande quelles dimensions culturelles et quelles généalogies pourraient émerger si l'on prend soin du panneau n° 8 du peintre congolais Mwenze Kibwanga peint pour l'exposition coloniale de 1958 ? Peut-on penser sa conservation non pas comme la stabilisation matérielle de cet objet, mais plutôt comme la récupération du récit complexe et invisibilisé qu'il porte ? En tenant compte des conditions de sa production sous le colonialisme, des contraintes économiques, des commanditaires, des collectionneur.euse.s et des publics en Europe qui situent sa réception dans un contexte occidental éloigné, comment ajuster (au double sens d'adaptation et de rectification) le récit relatif au panneau peint ? Enfin, les expériences et les connexions transnationales Noires permettent-elles d'entrer en résonance avec les quêtes de réparation culturelle du présent ?

De plus, nous avons traduit la conférence de John Moses présentée lors de la rencontre « Conservation divergente » à l'INHA mentionné auparavant (la version anglaise peut être consultée dans « Contested Conservation », Museums and Social Issues 73.1-2; 2023). Moses réunit des préoccupations éthiques, la défense des communautés et l'activité dans les institutions, toutes fondées sur sa vaste expérience personnelle et professionnelle. Il présente une lutte qui s'étend bien au-delà du musée : plutôt, il envisage un programme de justice réparatrice qui inclurait le retour potentiel des objets saisis par la force, la reconnaissance de la souffrance des enfants enlevé.e.s de force à leurs famille et la restitution des terres confisquées à leurs habitant.e.s autochtones. Ces traumatismes continuent d'affecter les sociétés autochtones et entraînent des décès prématurés, des violences multiples ou encore des formes de décomposition sociale. Comme Moses le rappelle, la décolonisation n'est pas une métaphore (Tuck & Yang [2012] 2022), mais une revendication de souveraineté, de restitution et de dignité, qui permet le déploiement de récits et d'épistémologies divers, reliant les habitant.e.s à la terre, les vivants aux morts, les pratiques aux objets, les lieux à l'espace, et le passé au présent.

Intranquillités

La deuxième partie de ce numéro rassemble des contributions qui abordent le musée comme une zone troublée, un espace d'agitation, sous tension. Ici, les collections sont considérées comme vulnérables non pas en raison de leur matérialité propre, mais parce qu'elles ont été extraites des communautés concernées et placées dans de nouveaux espaces, tels que les galeries de musée, les laboratoires de conservation-restauration et les réserves. En effet, nous élargissons le regard à une autre échelle, celle des bâtiments et des institutions. Comme l'œuvre d'art, le musée est un lieu composé de différentes personnes, d'infrastructures et de contingences multiples, et non une entité fixe et stable. Il est en perpétuelle évolution, et un processus en lui-même.

Qu'est-ce qui fait d'un musée un espace culturellement accepté dans le contexte occidental ? C'est ce que se demande Rachel Moore. Pourquoi l'accumulation de milliers d'objets, parfois du même type pour constituer une série, est-elle considérée comme une pratique culturelle légitime, qui permet de stabiliser le sens et d'exercer un contrôle sur les personnes et les territoires, alors que la même activité, lorsqu'elle est pratiquée par des individus, est considérée comme pathologique et traitée comme un trouble (du dit « syndrome de Diogène ») ? Selon l'autrice, voir comment cette pathologie est traitée et mesurer ses effets sur la mémoire peut nous éclairer sur la relation du musée au patrimoine matériel et immatériel. Moore souligne que les objets autochtones ont été pris de force et accumulés dans des espaces qui ne leur conviennent pas. Elle explore les systèmes de savoirs traditionnels comme exemples de construction de la mémoire, sur la base de ses expériences personnelles et de ses observations en tant que conservatrice Hopi dans les espaces muséaux. Selon elle, les Pueblo du Sud-Ouest des Etats-Unis ont préservé leur identité culturelle malgré les injustices et les traumatismes historiques, illustrant un mécanisme d'adaptation qui privilégie les cycles de connaissances plutôt que la permanence matérielle.

Basé sur un travail de terrain à Opuwo, Kaoko dans la région de Kunene en Namibie, l'article de Johanna Ndahekelekwa Nghishiko-Ndjamba s'intéresse à l'intersection entre les connaissances autochtones et les méthodologies de conservation modernes. Se concentrant sur l'ère post-indépendance en Namibie, elle étudie l'importance de l'adoption de pratiques de conservation culturellement pertinentes et remet en question les méthodes héritées de l'époque coloniale. Les traditions vivantes et l'expertise artisanale des Ovahimba attribuent une place importante au cuir pour la fabrication de vêtements, de bijoux et d'outils. Grâce à des pratiques transmises de génération en génération, elles ont mis au point des techniques innovantes de tannage et d'entretien d’objets en cuir. Le texte montre le lien entre la sagesse écologique de la communauté Ovahimba et ses pratiques de conservation. Il met l'accent sur l'utilisation ingénieuse de matériaux d'origine locale et d'approches durables, démontrant ainsi le potentiel des connaissances autochtones, parfois utilisées parallèlement à la conservation muséale classique, pour transmettre un savoir en même temps que des artefacts.

Accompagnant son film Wild Relatives (2017), le texte Une petite grande chose de Jumana Manna ici traduit en français interroge la « préservation » et la « conservation » dans la longue durée : à travers les lieux et le temps, elle tisse des fils depuis les herbiers et leurs constitution par des botanistes européen.ne.s dans le contexte de la colonisation des XVIIIe et XIXe siècles et de la classification de la nature jusqu'aux banques de semences actuelles au Levant (en Syrie et au Liban) en passant par la chambre forte mondiale des semences aux ambitions encyclopédiques dans les sols gelés de Norvège (sur l'île de Svalbard, un lieu qui rencontre actuellement des transformations profondes dans le contexte du dérèglement climatique).

Dans le contexte de notre numéro, son travail met en lumière un paradoxe qui sous-tend la conservation muséale des collections dites ethnologiques, des collections d'histoire naturelle et du matériel organique classifié et conservé dans les musées, les laboratoires ou les banques de semence. Comme elle écrit au sujet de la conservation et son rapport ambivalent entre sauvegarde et destruction : « La violence coloniale [enregistre en même temps qu'elle efface], et semble rendre la célébration indissociable de l'invalidation ».

L’artiste Aram Lee, quant à elle, présente un film expérimental qu'elle a développé à la suite de sa résidence à la Rijksakademie Amsterdam en 2023. Lorsqu'elle a quitté la Corée pour s'installer aux Pays-Bas, elle a dû passer des examens médicaux avec des équipements technologiques (tels que des images radiographiques) similaires à ceux employés dans la conservation des œuvres d'art. Lee a fait des recherches sur le système de plomberie du Wereldmuseum (connu sous le nom de Tropenmuseum), a retracé l'humidité qui a traversé les murs du musée et a trouvé des organismes vivants dans les gouttelettes d'eau. Brouillant les frontières entre le corps humain et l'environnement, entre soi et l'autre, son film expérimental utilise l'imagerie radiographique de ses propres poumons sur laquelle elle superpose des images de microbes provenant des sous-sols du musée. Aram Lee s'intéresse donc aux collections et à la conservation muséale pour réfléchir aux mécanismes de contrôle biopolitique et infrastructurel des corps colonisés et migrants. Simultanément, sa pratique invente des protocoles spéculatifs pour contourner ou saper ces technologies. Elle met en évidence les instabilités de ce qui est censé rester inchangé, en se concentrant sur la toxicité, les microbes et l'irrépressible porosité du musée. En détournant les images de sa propre poitrine, Lee transforme l'imagerie produite par les autorités étatiques dans un but biopolitique (examens obligatoires pour les maladies pulmonaires contagieuses pour les étrangers, en fonction de leur pays de provenance) en un lieu de co-constitution relationnelle radicale, de vie dépendante de la présence d’autres êtres, aux risques et bénéfices pour toutes les parties impliquées.

Résidus

La dernière partie examine les dommages durablement causés par la collecte coloniale et la conservation occidentale. Les contributions de cette partie se concentrent sur la toxicité, la modernité chimique, l'agentivité des poisons (Arndt 2021, Arndt/Théveniaud 2024, Bangstad 2021), et les enchevêtrements mondiaux de matériaux extraits dans les conditions produites par un capitalisme racial qui expose de façon inégale les sociétés et les individus à la toxicité (Chen 2023). Elles font suite au numéro 2 de cette revue consacré aux questions de toxicité et publié en 2021 sous le titre The Toxic Afterlives of Colonial Collections / Les survivances toxiques des collections coloniales. Il s'agit des « résidus » (MacDonald 2022) de la conservation occidentale, et de la manière dont ils altèrent parfois durablement les relations entre les personnes, les objets et les environnements. La toxicité n'est ici pas considérée comme un état, mais plutôt « comme une forme de relationnalité affective entre les personnes et d'autres sujets, matériels, immatériels et animés, inanimés. » (Nunn 2018).

Dans leur contribution commune, la chimiste Lora Angelova et l'historienne Elizabeth Haines réfléchissent aux défis conceptuels et pratiques auxquels leur travail d'archiviste a dû faire face suite à la découverte de résidus insecticides toxiques sur des documents des anciennes administrations coloniales britanniques conservés aux Archives nationales de Londres. Contrairement aux cas de poisons tels que les pigments à base d'arsenic dans les livres qui avaient été utilisés dans un premier temps sans connaître leur toxicité, les poisons appliqués à ces « archives migrées » (amenées à Londres par les administrateur.ice.s coloniales.aux à la veille des indépendances pour cacher les crimes coloniaux) avaient été utilisés délibérément. Du point de vue de leurs pratiques respectives, les autrices discutent des implications éthiques et politiques de cette découverte, y compris la restriction de l'accès aux archives empoisonnées tant que les effets dangereux potentiels sur les employé.e.s des archives et le grand public ne sont pas déterminés.
L'anthropologue Margareta von Oswald propose une étude ethnographique basée sur ses visites dans les réserves du musée ethnologique de Berlin (Dahlem) et sur ses échanges avec Hans-Joachim Radosuboff, qui a été le responsable des réserves du département Afrique pendant plus de vingt ans. Von Oswald se concentre dans son texte sur la vie des réserves. Elle décrit les collections comme « conservées plutôt que mortes ». Elle propose de comprendre le musée comme un espace peuplé, qui n’est ni homogène, ni neutre. En mettant en avant la voix d'un employé de musée qui travaillait principalement dans les coulisses, son texte souligne comment le personnel du musée contribue, résiste et produit le musée. Elle discute des formes d'agentivité dans les réserves et du changement de statut des pièces de collection. Les séquelles des traitements chimiques apparaissent comme une composante des modifications constantes dans la collection. Le musée devient parfois un espace pour l'invention de protocoles par un gestionnaire individuel, au-delà de consignes et de normes provenant de la direction.

Dans le prolongement de sa précédente enquête sur les voitures anciennes de la collection d'une fondation suisse (Caviezel 2022), Flavia Caviezel dresse une carte associative qui se concentre sur l'amiante et les composants en caoutchouc contenant ce produit, tous deux présents dans les voitures exposées à la fondation. En suivant dans sa recherche artistique les traces de ces matériaux, elle ouvre son enquête à des contextes relationnels d'écologies plus qu'humaines qui offrent un aperçu des enchevêtrements entre les industries d'extraction, de transformation et de commerce. Caviezel revient sur le traçage en tant que méthode capable d'aborder des écologies transnationales fragmentaires, pour tisser les récits multivocaux, multilocaux et multisensoriels qui constituent ces réseaux. Elle redessine aussi les liens entre les fragments multiformes liés aux objets de la collection et les différentes géographies impliquées en dialogue avec le graphiste Cédric Rossignol Brunet.

Ainsi, au moment où nous écrivons ces lignes, il nous semble important de ne pas séparer la conservation muséale de ce qui se passe en dehors des musées, dans de nombreux endroits du monde : l’anéantissement (délibéré ou toléré) de personnes, la destruction d’écosystèmes, d’habitats, d’archives, ou encore de systèmes de soin et d'éducation (avec une violence particulière actuellement en Palestine, au Liban, en République démocratique du Congo, au Soudan, en Ukraine et au-delà). Historiquement, la conservation est souvent liée à la spoliation et la destruction de contextes sociaux et culturels, l’idée de protéger ou garder les traces matérielles de ce qui est menacé - souvent par l’action de politiques de modernisation, de la colonisation, des guerres (voir récemment Hanna 2023, Savoy et al 2023, Adjei/LeGall 2024). Avec d’autres, les artistes Michael Rakowitz (en référence à l'Irak), Emily Jacir (à partir de la Palestine), Abderrahmane Sissako (parlant du Mali) ou Akram Zaatari (dans le contexte du Liban) ont examiné comment la destruction de sociétés et la protection des biens culturels ont historiquement souvent opérées ensemble. Paradoxalement, la saisie des terres a été rendue possible de façon répétée par des récits invoquant la protection du patrimoine. Ceux-ci se déploient autour d’un argument utilisé par certains acteurs étatiques et privés depuis des siècles : l'incapacité présumée d'une société donnée à prendre soin de ses membres et de sa culture. Selon ces récits, l'intervention étrangère (souvent destructrice) est présentée comme un geste humaniste, une contribution à la préservation des peuples, des espèces, des artefacts et des lieux, visant leur transformation en réserves naturelles et culturelles (Schuylenbergh 2016 ; Blanc 2020).

Ce numéro partage et amplifie des voix d’auteur.ices avec des sensibilités multiples, rassemblant des positions parfois divergentes. Dans leur ensemble, elles partagent la mise en crise de normes universellement applicables, hors contexte, et la multiplication des conceptions et des pratiques de conservation dans des situations différentes. Nous valorisons l'expérimentation et les engagements avec les lieux, les personnes concernées et les environnements impliqués. Nous souhaitons mettre en lumière les actions de celles et ceux qui sont impliqué.e.s dans des pratiques transformatrices, qui réclament et construisent la souveraineté de communautés lésées et qui résistent à leur dépossession. Nous mettons l'accent sur l'espoir suscité par l’expérience de se réunir, d'échanger et de publier ensemble. Il s'agit de petits gestes mais ils sont fondamentaux dans l'adversité du temps présent.


  1. Ayesha Fuentes, « Reconsidering Fragility in Museums-and the World », Sapiens.org, 23 février 2023, https://www.sapiens.org/archaeology/museums-climate-fragility/  

  2. Le projet comprend actuellement Noémie Etienne (PI), Manon Fougère, Cécile Mendy, Maeva Pimo, Renée Riedler, Ruby Satele et Honoré Tchatchouang Ngoupeyou. Voir : www.heritagestudiesvienna.com 

  3. De fait, la question de l’emploi de produits toxiques et de leurs résidus a été souvent portée par des femmes, enceintes, ou conscientes des conséquences repro-toxiques potentielles d’un travail quotidien dans des collections contaminées.  

  4. Les auteur.ices de ce numéro de Museums and Social Issues, intitulé “Contested Conservation”, comprennent John Moses, Lotte Arndt et Ariane Théveniaud, Eléonore Kissel et Ellen Pearlstein, Rachel Meriembe, Isabel Garcia Gomez, Isabel Hufschmidt, Neha Khetrapal, Emilie Magnin, Gala Porras-Kim et Annika Svendsen Finne. 

  5. “Conservations divergentes - Préservation et transmission des collections de provenance coloniale en débat”, Institut National d'Histoire de l'art (INHA), Paris, 12, décembre 2022, https://www.inha.fr/_resources/AGENDA/2022-2023/2022_INHA_Rencontre_GAP_Conservations%20divergentes_web.pdf

Bibliographie +Bibliography +

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Lotte Arndt (Paris) est maîtresse de conférences au centre de recherche Histoire culturelle et sociale de l’art (HiCSA) à l’université Paris 1, Panthéon-Sorbonne. Entre 2021 et 2025, elle travaille dans le cadre du projet de recherche international` `Reconnecting Objects. Epistemic Plurality and Transformative Practices in and beyond Museums, au sein de l’équipe de Bénédicte Savoy à l’Université technique de Berlin. Elle mène une recherche sur les collections toxiques, l’extractivisme, et les antinomies de la conservation dans les musées dites ethnographiques et d’histoire naturelle. Plus largement, elle accompagne le travail d’artistes qui questionnent le présent postcolonial et les antinomies de la modernité dans une perspective transnationale.

Noémie Étienne est professeur en histoire de l'art et du patrimoine à l'université de Vienne. En 2023, elle a reçu une bourse ERC Consolidator Grant pour son projet intitulé *Global Conservation : Histoires et théories. Avant de rejoindre l'université de Vienne, elle a été titulaire d'une bourse postdoctorale Mellon à l'Institute of Fine Arts-NYU, d'une bourse postdoctorale au Getty Research Institute de Los Angeles, et d'un poste de professeure assistante à l'université de Berne, où elle a dirigé un projet de recherche portant sur l'invention de l'exotique en Europe entre 1600 et 1800. Son expertise porte sur la culture matérielle, la conservation, les moulages, le patrimoine et les études muséales, avec un intérêt particulier pour les 17e et 18e siècles.

Lotte Arndt & Noémie Étienne

Crédits images :Credits images :

Rosanna Raymond dancing during her performance Glass Walls and Dark Seas, shown at the Divergent Conservation Conference, INHA, Paris, December 2022.

1st stage of renovating Mazen Iwaisi’s Traditional House in 2014 (courtesy Monther Iwaisi 2014)

Emmanuelle Nsunda et Sarah van Lamsweerde, deux membres de l’équipe de recherche artistique de Tracer, regardant le « Panel no. 8 » de Mwenze Kibwanga, une peinture qui a servi de pièce scénographique, avec 32 autres œuvres de mêmes dimensions, dans la performance interdisciplinaire Changwe Yetu : notre fête à tous. Peint à Lubumbashi, puis à Elizabethville, vers 1956. Photo : Raoul Carrer.

Aram Lee: X-Hale, 2024. Film Still.

Artefacts associés aux pratiques spirituelles autochtones traditionnelles, pour les cérémonies du calumet, du tabac et de la purification. © Government of Canada.

Hoarding Disorder cognitive and behavior model developed by Dr. Staketee. Identity and memory highlighted by the author to show their central location to the cognitive-behavior cycle. ©Oxford University Press

A Himba woman stitching pieces of leather materials together, that belong to a child. This process is referred to as okuyatata, remedial conservation. (Photo: JN Nghishiko, 2022)

Réfugiées syriennes travaillant dans les champs de la station de recherche de l'ICARDA, Terbol, vallée de la Bekaa, Liban. Arrêt sur image de Jumana Manna, Wild Relatives (2018).

The National Archives record FCO 141/13421

Hans-Joachim Radosuboff’s wagon with a red bucket containing camphor, photograph: Hans-Joachim Radosuboff.

The muffler gasket sample viewed throught electromicroscopy © Analysis Lab Bern 2021/2022