Introduction
Lotte Arndt
Les survivances toxiques des collections coloniales
Dans une séquence du film documentaire Palimpseste du AfricaMuseum de Matthias de Groof (Belgique, 2019) qui suit la mise en réserve de l’entièreté des collections, pour la rénovation à grande échelle du Musée royal de l’Afrique centrale à Tervuren (2013-2018), des travailleur.euse.s nettoient les vitrines vides. Vêtu.e.s d’une combinaison blanche de protection, d’un masque respiratoire et de gants en nitrile, iels ne peuvent accéder aux espaces clos, qui renfermaient pendant plus d’un siècle les objets comme des capsules temporelles, qu’à la condition de porter un important équipement de protection personnelle les abritant des poussières toxiques. Derrière les vitres des dioramas et des vitrines, les artefacts du Congo ont été traités aux biocides pendant des décennies pour éviter leur décomposition matérielle et leur endommagement par des insectes. Ces traitements, administrés afin de prolonger la durée de vie matérielle des artefacts, se sont pour certains sédimentés dans les matières et peuvent y déployer une agentivité. Cette survivance toxique peut alors interférer avec les usages présents et futurs des artefacts, empêcher des pratiques tactiles et demander la mise en place de mesures de protection.
Ce numéro participe d’une recherche en cours (Arndt, à paraître) dont les hypothèses sont ici mises en résonance avec des travaux et des œuvres interrogeant des questions voisines. A partir des collections constituées en contexte colonial, la toxicité est envisagée dans une double perspective. D’une part, elle désigne les conséquences matérielles, politiques et épistémologiques engendrées par certaines méthodes de conservation dans les musées occidentaux, appliquées par la suite dans de nombreux musées du monde. Ces pratiques, qui ont rendus toxiques certains des objets dans les collections (Odegaard/Sandogei 2005), sont ensuite interrogées dans le contexte de la promesse moderne d’un progrès sans fin, d’une vie sans limite, d’une productivité sans bornes, imposée comme horizon unique par les politiques coloniales puis par le capitalisme mondialisé (Ohman Nielsen 2015, Vergès 2017, Alampi 2019).
Les contributions réunies situent les collections muséales et ces pratiques de conservation occidentales dans l’histoire de la hiérarchisation classificatoire des mondes vivants (Boumediene 2016). Elles interrogent la conservation muséale en tant que technique culturelle émergeant en Europe au XIXe siècle (Caple 2000), parallèlement à la structuration disciplinaire des sciences et à la consolidation de l’opposition entre nature et culture (pour une critique, voir Latour 1991, Ingold 2013, Haraway 2016). Cette technique est liée à la transposition des objets dans un lieu permettant de fabriquer des conditions stables de préservation dans le temps. En effet, la muséification a pour objectif la prolongation de la durée de vie matérielle de ces objets périssables et constitués de matières organiques, ce qui a induit de les soustraire aux environnements culturels auxquels ils prenaient part. Il s’agit donc de mettre en perspective les relations entre les pratiques de la conservation muséale, leurs effets tardifs et la modernité chimique portée par la croyance dans le progrès technologique.
The toxic afterlives of colonial collections
A sequence from Matthias de Groof’s documentary film Palimpsest of the AfricaMuseum (Belgium, 2019), which follows the packing and transportation of the entire collection to external storage rooms in preparation of the large-scale renovation of the Royal Museum for Central Africa in Tervuren (2013-2018), shows workers cleaning empty display cases. They are wearing white protective suits, breathing masks and nitrile gloves, a comprehensive equipment that protects them from toxic dust. Behind the glass of dioramas and display cases, which for more than a century had held objects as in time capsules, artifacts from Congo were treated with biocides to prevent material decay and insect damage. These treatments were administered for decades to extend the material life spans of the objects. The substances have for some sedimented into the materials and can still deploy agency. Their toxic afterlives can possibly interfere with the present and future uses of the artifacts, obstruct physical contact and tactile practices with them, and require the implementation of protective measures on several levels.
This journal issue is part of an ongoing research (Arndt, forthcoming) on toxic modernity and museum collections. It opens a dialogue with academic and artistic works engaging with related topics. The issue takes the collections that were constituted in a colonial context as a starting point for discussing toxicity in a double perspective. On the one hand, it refers to the material, political and epistemological consequences generated by certain conservation methods that were elaborated in Europe, and subsequently applied in many museums around the world. The practices that intoxicated lastingly some of the objects in the collections (Odegaard/Sandogei 2005) are then interrogated in the context of the modern promise of endless progress, limitless life, and boundless productivity, that colonial policies and globalized capitalism defined as the sole possible horizon (Ohman Nielsen 2015, Vergès 2017, Alampi 2019).
The contributions in the present issue situate museum collections and conservation practices developed in Europe in the history of the classification and hierarchization of living worlds (Boumediene 2016). They interrogate modern conservation practices in museums as a cultural technique emerging in Europe in the nineteenth century (Caple 2000), alongside the disciplinary structuring of the sciences and the consolidation of the opposition between nature and culture (for a critique, see Latour 1991, Ingold 2013, Haraway 2016). This technique is developed simultaneously to the transposition of objects into the museum, a place that allows the fabrication of stable conditions of preservation over time. Indeed, museification aims to extend the material life of these perishable objects made of organic materials, which coincided with their removal from the cultural environments they were part of. The journal strives to understand the practices of museum conservation and their unpredictable long-term effects in the broader context of the uses of chemicals in modern times, carried by the belief in technological progress.
Kapwani Kiwanga, Forms of Absence, vidéo, couleur, 6’08 min, 2014 © Adagp, Paris, 2021. Courtesy: l’artiste et la galerie Jérôme Poggi, Paris; Tanja Wagner gallery, Berlin et Goodman gallery, London, Johannesburg et Cape Town. Pour une discussion de la toxicité et des collections coloniales dans le travail de Kapwani Kiwanga, voir Arndt 2021.
Kapwani Kiwanga, Forms of Absence, vidéo, couleur, 6’08 min, 2014 © Adagp, Paris, 2021. Courtesy of the artist and galerie Jérôme Poggi, Paris and Tanja Wagner gallery, Berlin and Goodman gallery, London, Johannesburg and Cape Town. For a discussion of the work’s engagement with toxicity and museum collections, see Arndt 2021.
Plutôt que d’isoler les musées, et notamment les musées dits d’ethnographie et d’histoire naturelle, de leur contexte sociétal, les contributions de ce numéro interrogent les liens des pratiques muséales avec les (re)configurations violentes de la modernité occidentale, coloniale et capitaliste. Bien au-delà des murs des musées, nous proposons de penser ces collections intoxiquées dans le cadre d’un mode de production extractiviste déployé à l’échelle mondiale (Gómez-Barris 2017 ; Bednik 2019) ; un modèle économique qui favorise la maximisation des rendements aux dépens du long travail de maintenance, de soin et d’entretien patient requis par des mondes multiples, peuplés de co-habitations complexes et périssables (Domínguez Rubio 2015 ; Beltrame 2018). Les pratiques de la conservation sont mises en perspectives avec l’exposition inégale des corps aux risques environnementaux et avec la violence physique et symbolique qui fait partie intégrale d’une répartition racialisée et genrée des contaminations à l’échelle globale (Agard-Jones 2013 ; Povinelli 2016 ; Ferdinand 2019).
Cette focale sur les survivances toxiques des collections coloniales réagit aussi à une conjoncture actuelle : suite au Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain (Sarr/Savoy 2018), le débat sur les restitutions s’est intensifié, notamment en Europe et en Afrique. Il se poursuit désormais fréquemment au niveau étatique et diplomatique, mais il est alors souvent déconnecté des acteur.rice.s militant.e.s qui ont préparé et porté ces revendications depuis des longues années. Cependant, l’ambition déclarée depuis peu par un certain nombre de musées de vouloir « décoloniser » les collections et les pratiques ne pourra pas effacer d’un revers de la main les effets tenaces des conséquences de la classification hiérarchique des humains et des mondes vivants, qui ont notamment été établis par les établissements scientifiques et musées. Comme le souligne Sumaya Kassim : « Les héritages du colonialisme européen sont d’une profondeur incommensurable, d’une grande portée et en constante mutation, et la résistance et le travail décolonial doivent donc prendre des formes et des méthodes variées et évoluer en conséquence. » (Kassim 2017)
Dès lors, pour réagir au pouvoir sur les objets exercé par les musées, certain.e.s recourent à des interventions activistes : les militant.e.s regroupé.e.s autour de l’activiste panafricain Mwazulu Diyabanza ont tenté de sortir un poteau funéraire tchadien du musée du quai Branly à Paris (juin 2020), en transmettant en direct par téléphone sur les réseaux sociaux l’échec prévisible de la tentative. Ce dispositif de médiatisation, répété lors d’autres actions dans plusieurs musées européens par la suite, pointe la rigidité de la propriété juridique des artefacts, qui est peu ébranlée par le transfert étatique, au compte-gouttes, de quelques objets choisis comme ‘exception consolante’ (Delahaye 2021). Parmi le grand nombre de gestes symboliques et artistiques à l’égard des collections coloniales ces dernières années (voir par exemple Haeckel 2021), cette action que le groupe appelle la « diplomatie active » a suscité l’indignation de nombreux musées, car elle renverse le pouvoir décisionnaire en demandant qui a le droit de décider des modalités des usages des objets de ces collections.
Rather than isolating museums, and in particular so-called ethnographic and natural history museums, from their social context, the contributions question the links between museum practices and the far-reaching and often violent social and economic transformations provoked by colonial and capitalist modernity. It proposes to go beyond the walls of the museum, and to think of these intoxicated collections in the larger frame of an extractivist mode of production deployed on a global scale (Gómez-Barris 2017; Bednik 2019); an economic model that favors the maximization of profit at the expense of the long, patient work of maintenance and care required by multiple worlds, populated by complex, perishable co-habitats (Domínguez Rubio 2015; Beltrame 2018). The practices of conservation are here put into perspective with the unequal exposure of bodies to environmental risks and with the physical and symbolic violence that is integral to a racialized and gendered distribution of contaminations on a global scale (Agard-Jones 2013; Povinelli 2016; Ferdinand 2019).
This focus on the toxic survivals of colonial collections also reacts to another current conjuncture: Following the Report on the Restitution of African Cultural Heritage (Sarr/Savoy 2018), the debate on restitution has intensified, notably in Europe and Africa. It is now frequently pursued at the state and diplomatic levels, but it is then often disconnected from the activists who have prepared and carried these claims for many years or decades. However, the recently declared ambition of a certain number of museums to « decolonize » collections and practices will not simply erase with a wave of the hand the tenacious effects of the consequences of the hierarchical classification of humans and living worlds, which were notably established by scientific institutions and museums. As Sumaya Kassim points out, « the legacies of European colonialism are immeasurably deep, far-reaching, and ever-changing, and so resistance and decolonial work must take a variety of forms and methods and evolve accordingly. » (Kassim 2017).
In order to react to the ongoing power over objects exercised by museums, some resort to direct interventions: In June 2020, the pan-African activist Mwazulu Diyabanza, together with a group of allies, attempted to remove a slender 19th-century wooden funerary post from Chad, exhibited at the Quai Branly Museum in Paris, while broadcasting the predictable failure of the attempt live by phone on social media. This mode of mediatization, repeated in other actions in several European museums afterwards, points at the rigidity of the legal ownership of the artifacts, which is little shaken by the state’s piecemeal transfer of a few selected objects as a ‘consoling exception’ (to use Delahaye’s term, coined in 2021 for selective class mobility). Among the large number of symbolic and artistic events relating to colonial collections in recent years (see, for example, Haeckel 2021), this action, which the group calls « active diplomacy », has sparked outrage among many museums, as it actively appropriates decision-making power on how objects in these collections are used.
« Diplomatie active » de Mwazulu Diyabanza et allié.e.s. au Musée du Quai Branly, Jacques Chirac, Paris, juin 2020. Voir pour une documentation des actions : Allan Clarke, Lisa McGregor, « The man snatching Africa’s ‘stolen’ treasures from the museums of Europe », abc net, 8 Sep 2021.
« Active Diplomacy » by Mwazulu Diyabanza and allies at the Musée du Quai Branly, Jacques Chirac, Paris, June 2020. See for documentation of some interventions: Allan Clarke, Lisa McGregor, « The man snatching Africa’s ‘stolen’ treasures from the museums of Europe, » abc net, 8 Sep 2021.
C’est dans ce contexte que la lente prise de conscience de l’intoxication possible ou avérée des objets dans les réserves et les expositions s’immisce au sein des processus de restitution et des interrogations sur un renouvellement des pratiques muséales. Leur séjour diasporique (Peffer 2005) dans les musées en Occident a transformé durablement ces artefacts mais également les sociétés d’où ils sont originaires et celles qui les présentent dans les vitrines. L’interdiction de toucher les objets au musée, et le délaissement de l’implication de ces objets « mutants » (Diagne 2020) dans des pratiques vivantes sont en cause (Deliss 2020), à l’heure où certaines institutions proposent de déplacer la priorité de la « conservation à la conversation » (Snoep 2020).Alors que de nombreux musées décident aujourd’hui de mieux protéger leurs employé.e.s et de mettre en place des méthodes de conservation moins invasives, qui n’altèrent pas durablement la condition matérielle des objets (comme notamment la dite « Gestion intégrée des parasites » qui opère sans usage de pesticides, Pinninger 2015), des tests (ponctuels ou généralisés) sur les objets en cas de suspicion de toxicité et des traitements de décontamination, ce numéro a pour ambition d’explorer certains enjeux épistémologiques et politiques de l’histoire culturelle des poisons utilisés dans les collections. Si le poison est un agent opérant à long terme, s’immisçant de façon imperceptible dans les corps et les relations culturelles médiées par les objets, il peut mettre en garde sur une conception trop technique, trop rapide et trop restreinte des restitutions à venir. Il permet de considérer la puissance transformatrice des toxicités qui agissent (souvent douloureusement) dans les corps en brouillant leurs limites avec l’environnement (Chen 2012). Il s’agit alors d’admettre leur violence, de reconnaître les affects embarrassants qu’elles suscitent (Dibosa 2021), en réfutant une position extérieure et non impliqué.e. L’enjeu est aussi de prendre en charge la responsabilité pour la promesse moderne et sans cesse renouvelée des technologies propres, sans coûts environnementaux et humains, et d’accuser ses conséquences incontrôlables, parfois mortelles et toujours reparties de façon inégale (Alaimo 2016).
Plusieurs contributeur.ices à ce numéro se questionnent sur leur travail mené dans des structures transnationales entre l’Europe et l’Afrique. Comme elleux, une bonne partie du comité éditorial de la revue Trouble dans les collections est actuellement basée en Europe ; la revue elle-même est financée depuis la France. Les enjeux multiples et complexes pour les chercheur.e.s, artistes, musées et institutions sur le continent africain, en Europe et dans le monde suscités par cette situation demandent d’agir en prenant en compte les nombreux risques de reconduire des structures de domination ou de profit symbolique (voir Liepsch/ Warner/Pees 2018) et requièrent une auto-réflexivité importante. « Demeurer avec le trouble », dans le sens que Tahani Nadim a donné à cette formule harawayienne lors de sa recherche performative dans les réserves du Museum für Naturkunde (Bureau for Troubles, musée d’histoire naturelle de Berlin), ne promet pas de trouver des sorties simples aux asymétries structurelles toxiques et à leurs conséquences mais oblige à repenser les conditions pour qu’un travail collaboratif transnational puisse devenir transformateur.
Ainsi, dans son texte Droits au monde traduit de son livre fondamental Unlearning Imperialism. Potential History (2019), Ariella Aïsha Azoulay insiste sur l’enchevêtrement inextricable des collections coloniales avec les lourdes conséquences sur les sociétés dont les objets émanent : « Si ce que [les archives et les musées] conservent est extrait de mondes vivants, […] leur étude ne peut se limiter à ce qu’ils contiennent, mais doit inclure le rôle qu’ils jouent dans cette entreprise de destruction du monde – dans la production de ce que Hannah Arendt appelle l’absence de monde (worldlessness) » (Azoulay 2019, pp- 19-20). Son film Sans-papiers. Désapprendre le pillage impérial (2019) que nous avons sous-titré en français, revendique le droit des personnes et des populations, qui ont été forcées de se déplacer et dont les biens matériels ont été expropriés, de vivre auprès des traces muséalisées de leur culture – et d’intervenir ainsi dans les relations de pouvoir.
Dans l’entretien « Les dégâts sont irréversibles. Et maintenant, qu’allons-nous faire ? », Jimmy W. Arterberry, ancien administrateur et agent de la préservation historique de la Nation Comanche aux États-Unis, revient sur les rapatriements qu’il a accompagnés dans le cadre de la loi fédérale sur la Protection et le rapatriement des tombes des américain.e.s natif.ve.s (Native American Grave Protection and Repatriation Act – NAGPRA), adoptée en 1990. En dialogue avec les images d’Annette Arkeketa, issues de son film Muh-duu’ Kee: Put Them Back (2004), il constate les dégâts définitifs engendrés par la colonisation et interroge les possibles terrains de reconstruction.
Les deux contributions suivantes examinent, dans une perspective critique, les pratiques de conservation dans les musées occidentaux : dans Les insecticides, témoins silencieux dans les collections du Musée d’ethnologie de Berlin, Helene Tello, restauratrice des collections ethnologiques américaines de ce musée pendant plus que deux décennies et autrice d’une thèse sur l’histoire de l’utilisation des pesticides dans cette institution, retrace certaines pratiques et emplois des produits chimiques de la fin du XIXe au début du XXe siècle dans ce musée. Elle pointe notamment les nombreuses imbrications entre l’industrie chimique et la conservation muséale ayant amené les musées allemands à utiliser en partie des substances produites pour un usage militaire lors de la Première Guerre mondiale. Noémie Etienne, historienne de l’art à l’Université de Berne, se penche quant à elle sur des contentieux au sein de plusieurs musées américains et européens pour discuter les conflits entre l’impératif de la préservation matérielle des objets imposé par les musées occidentaux et les conceptions de représentant.e.s des sociétés d’où proviennent ces artefacts, souvent perçues comme contraires aux standards de la conservation. L’autrice considère la conservation comme « toxique lorsqu’elle s’oppose aux attentes des producteur.rice.s des artefacts ainsi qu’au bien-être des objets » et plaide pour le contrôle des ayants droits sur les objets et leurs usages.
Dans le cadre d’une conférence à deux voix intitulée « Tuer-Conserver-Faire revivre ?i », Lotte Arndt et Samir Boumediene abordent les pratiques de la collecte coloniale et de la conservation muséale qui séparent les objets des environnements toujours en évolution dans lesquels ils ont été collectés, pour les transférer dans des collections qui aspirent à les rendre matériellement stables et durables dans le temps. Iels retracent comment les plantes, artefacts, savoirs et restes humains ainsi réifiés et recontextualisés dans les dispositifs muséaux ont été réduits en objets classés, disponibles pour les sciences de la vie ou l’anthropologie. À partir de leurs recherches respectives, sur les pratiques des artistes au sujet des biocides dans les collections muséales et sur l’histoire de la patrimonialisation de savoirs, iels retracent les reconfigurations de certaines formes de conservation, examinent leurs implications épistémologiques et interrogent les possibilités de faire revivre les objets muséalisés.
Les contributions suivantes prennent place au cœur de la toxicité des représentations racistes et du potentiel destructeur d’images, pour ‘demeurer avec le trouble’ (Haraway 2016) et penser à partir d’affects, tels que la honte, la dépression, l’angoisse et la rage. Le chercheur David Dibosa se questionne sur les possibles positions des institutions culturelles au moment de la contestation des représentations impériales par les déboulonnages de monuments de la traite esclavagiste dans l’espace public britannique. Dans son texte, il interroge le potentiel des états d’embarras et de honte pour engager un travail en profondeur sur les institutions culturelles. Envisager l’embarras comme un endroit depuis lequel il devient possible de comprendre, dans sa dimension affective, l’impact fondamental des politiques coloniales et du racisme dans tous les aspects de la société, permettrait d’échapper à des mesures hâtives et superficielles, qui échouent à transformer réellement les structures.
Les collages photographiques de l’artiste Sybil Coovi Handemagnon plongent dans les généalogies des représentations raciales en Occident, qu’elle est douloureusement amenée à affronter et à traverser, pour y mener un travail de reconstruction. Face à l’écrasant poids des collections coloniales et des représentations impériales, elle affirme son regard parmi les interférences aiguës que produisent ces images. Alors qu’elles échappent à son contrôle, elles peuvent devenir « audibles » (dans le sens de l’écoute des images, permettant de les « entendre » à rebours de leur fonctionnalité initiale – photo d’identités, archives policières – proposée par Tina Campt 2017) et participer à une filiation précaire et choisie, telle qu’elle prend forme dans le travail Parce que Hier ne sera pas comme Demain.
Lors de la composition de ce numéro, une résonance inattendue a émergé entre les images de Coovi Handemagnon et le texte dramatique de Florian Fischer, Toxicide, écrit et traduit de l’allemand. Alors que les deux artistes s’investissent dans des projets qui peuvent paraître éloignés l’un de l’autre – la difficile affirmation de sa propre voix face au poids de l’histoire des violences coloniales et de leur vestiges contemporaines, pour l’une ; la mise en récit des dimensions économiques et matérielles de la toxicité en Occident, et ses inscriptions dans la langues et les subjectivités, pour l’autre – leurs travaux entrent en échos, rendent la hantise matérielle et évoquent « cet état animé dans lequel la violence sociale réprimée ou irrésolue se pointe […] quand le ‘chez soi’ devient étranger, et quand le rapport au monde perd sa direction » (Gordon 2008, xvi). A partir d’amples recherches réunissant des scandales industriels, et les sensibilités modifiées des corps par la toxicité, Fischer ancre son récit dans les contaminations par le langage, qui implique le narrateur dans la transmission de l’histoire fasciste et génocidaire. En investissant la charge corrosive de la langue, il scrute les modes de subjectivation, enchevêtre contaminations chimiques et dégâts sociaux.
Résonnant à de nombreux égards avec cette contribution, la théoricienne du cinéma Anaïs Farine questionne des représentations filmiques de la pollution chimique et se penche sur l’explosivité des Archives nitrates. Son texte rassemble des bribes d’événements qui se nouent autour de la nitrocellulose, du nitrate d’ammonium et de leurs différents emplois : des premières pellicules cinématographiques aux engrais hautement inflammables qui ont éclaté au port de Beyrouth à l’été 2020. Son texte regroupe les réflexions préliminaires de son enquête en cours et emploie ce qu’elle appelle les « effets sauterelles » comme une méthode pour interroger des liens entre des désastres qui, à première vue, semblent déconnectés.
C’est par une ouverture sur les luttes sociales et écologiques dans les Caraïbes que se poursuit le numéro. La curatrice Clelia Coussonnet discute la pratique transformatrice de l’artiste Minia Biabiany. Elle décrit la convocation des traumatismes physiques et psychiques dans les œuvres de l’artiste, ainsi que la porosité et la fragilité des corps. Elle revient sur la résistance à la contamination par les pesticides (spécifiquement le chlordécone) transmise depuis le marronnage au travers des générations. L’autrice argumente que la contamination – pas uniquement par les substances chimiques mais aussi par le racisme et les politiques coloniales – est contrée dans les œuvres de et ateliers menés par Biabiany, par des gestes et des mots, pour faire émerger dans les interstices, des potentiels de soin et d’attention contribuant à faire émerger des co-habitations de vies fragiles et interdépendantes.
Le numéro se clôt avec trois contributions autour de l’association et la biennale Picha à Lubumbashi, RDC, qui interrogent la toxicité comme condition d’existence qui a inextricablement affecté les mondes sociaux. Sur la base des discussions du collectif Picha, l’anthropologue Filip De Boeck expose les intentions de la prochaine Biennale de Lubumbashi, prévue en 2022, et intitulée ToxiCité. Accompagné par les images du film Machini de Frank Mukunday et Tétshim (2019) qui reconstitue avec des pierres et des dessins le quotidien minier de la région du Katanga, il connecte l’urbanisation aux industries minières qui produisent le « monde zéro » (Achille Mbembe, 2014) du capitalocène, et dans lequel les dégâts sociaux et mentaux pullulent. Cette biennale proposera une focale sur la toxicité comme point de départ pour l’élaboration collective d’une prise critique et transformatrice de l’environnement social et culturel, à Lubumbashi et dans le monde. Mega Mingiedi Tunga, artiste vivant et travaillant à Kinshasa, insiste sur l’importance de la transmission et sur les effets néfastes de la dépendance économique de l’Europe. Dans son texte, il revient sur la performance Kesho à Lubumbashi, et insiste sur le droit de décider de son propre futur, et de disposer des conditions nécessaires pour le façonner. Lucrezia Cippitelli, directrice artistique des Ateliers Picha, décrit, dans sa contribution Vers la planète symbiotique ?, le travail collectif mené par les artistes réuni.e.s à Lubumbashi entre les différentes éditions de la biennale. Tout en interrogeant la précarité économique d’une association artistique sans financement constant, elle examine le tiraillement entre l’extraversion structurelle qui réaffirme la centralité de l’Europe dans la reconnaissance d’un travail artistique et l’élaboration de pratiques significatives à l’échelle locale.
Les traductions ont été réalisées par Mariquian Ahouansou, Lotte Arndt et Sophie Provost. Les relectures par Emmanuelle Chérel et Sophie Provost (anglais). Nous remercions chaleureusement les autrices et auteurs, les artistes pour leurs contributions, tou.te.s les ami.e.s qui nous ont accompagné pendant l’émergence de ce numéro, et Marie-Pierre Groud pour la mise en page, le travail graphique et l’assistance technique. En opposition à l’usage normatif du masculin, toutes les contributions du présent numéro sont éditées en écriture inclusive.
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NOTE
i – La conférence a eu lieu dans le cadre du Festival des Gestes de la recherche, conçu par Simone Frangi et Katia Schneller, entre le 23-26 novembre 2020, à l’ESAD Grenoble. http://pratiquesdhospitalite.com/events/festival-des-gestes-de-la-recherche-2020/
It is in this context that the slow awareness of the possible or proven intoxication of objects in storerooms and exhibitions is interfering with the processes of restitution and the questioning of a renewal of museum practices. Their diasporic location (Peffer 2005) in European museums has lastingly transformed these artifacts, but also the societies from which they originate and those who present them in the display cases. The prohibition of touching the objects in the museum, and the neglect of the involvement of these « mutants » (Diagne 2020) in living practices are at issue (Deliss 2020), at a time when some institutions are proposing to shift the focus from « conservation to conversation » (Snoep 2020). While many museums are now deciding to better protect their employees and implement less invasive conservation methods that do not permanently alter the material condition of objects (such as the so-called « Integrated Pest Management » that operates without the use of pesticides, Pinninger 2015), testing (one-off or generalized) of objects for suspected toxicity, and decontamination treatments, this issue aims to explore some of the epistemological and political issues at stake in the cultural history of poisons used in collections. If poison is an agent operating in the long term, imperceptibly interfering with bodies and cultural relations mediated by objects, it can warn against an overly technical, too rapid and too restricted conception of future restitutions. It allows us to consider the transformative power of toxicities that act (often painfully) in bodies by blurring their boundaries with the environment (Chen 2012). It is then a matter of admitting their violence, of recognizing the embarrassing affects they provoke (Dibosa 2021), and of refusing an external and uninvolved stance. The issue is also to take responsibility for the ever-renewed, modern promise of clean technologies, without environmental and human costs, and to blame it’s uncontrollable, sometimes deadly and always unevenly distributed consequences (Alaimo 2016).
Several contributors to this issue self-critically interrogate their work conducted in transnational structures between Africa and Europe. Like them, most of the editorial board of the journal Trouble in the Collections is based in Europe; French institutions provide the little funding that the journal perceives. The multiple and complex issues for researchers, artists, museums, and institutions on the African continent, in Europe, and around the world raised by this situation require to take into account the many risks of re-conducting structures of domination or symbolic profit (see Liepsch/Warner/Pees 2018) and calls for self-reflexivity. « Staying with the trouble », in the sense that Tahani Nadim gave to this Harawayian idea during her performative research in the storerooms of the Museum für Naturkunde, Berlin (Bureau for Troubles, Museum of Natural History, Berlin), does not promise simple solutions for structural asymmetries and their consequences but forces to rethink the conditions of transnational collaborative work so that it can become transformative.
Therefore, in her paper Worldly Rights from her fundamental book Unlearning Imperialism. Potential History (2019), Ariella Aïsha Azoulay insists on the inextricable entanglement of colonial collections with the heavy consequences on the societies from which the objects emanate: « If what (archives and museums) preserve is taken from living worlds, (…) their study cannot be limited to what they contain, but must include the role they play in this enterprise of world destruction – in the production of what Hannah Arendt calls worldlessness » (Azoulay 2019, pp- 19-20). Her film Undocumented. Unlearning Imperial Plunder (2019), here subtitled in French, claims the right of people, who have been forced to move and whose material goods have been expropriated, to live near the musealized traces of their culture.
In the interview The damage is permanent. Now what are we going to do? Jimmy W. Arterberry, former administrator and historic preservation officer for the Comanche Nation in the United States, reflects on the repatriations he accompanied under the federal Native American Grave Protection and Repatriation Act (NAGPRA), passed in 1990. In dialogue with Annette Arkeketa‘s images from her film Muh-duu’ Kee: Put Them Back (2004), he notes the definitive damage caused by colonization and questions the possible grounds for reconstruction.
The next two contributions examine, from a critical perspective, conservation practices in Western museums: in Insecticides as Silent Witnesses in the Collections of the Ethnological Museum Berlin, Helene Tello, conservator of the museum’s American ethnological collections for more than two decades and author of a dissertation on the history of pesticide use in this institution, traces certain practices and uses of chemicals from the end of the nineteenth to the beginning of the twentieth century. In particular, she points out the numerous entanglements between the chemical industry and museum conservation, which led German museums to use in part substances produced for military use during the First World War. Noémie Etienne, professor of history of art at the University of Bern, examines controversial cases in several American and European museums. She discusses the conflicts between the imperative of material preservation of objects imposed by Western museums and the conceptions of representatives of the societies from which these artifacts originate. The author considers conservation to be « toxic when it opposes the expectations of the producers of the artifacts as well as the well-being of the objects » and advocates for the control of the producers and their heirs over the objects and their uses.
In a two-part lecture entitled Killing-Conserving-Bring Back to Life?i, Lotte Arndt and Samir Boumediene address the practices of colonial collecting and museum conservation that separate objects from the ever-changing environments in which they were collected, and transfer them to institutions that aspire to make them materially stable and durable over time. They trace how plants, artifacts, knowledge, and human remains thus reified and recontextualized in museum settings have been reduced to classified objects available for life sciences or anthropology. Drawing on their respective research on artists’ practices regarding biocides in museum collections and on the history of the patrimonialization of knowledge, they trace the reconfigurations of certain forms of conservation, examine their epistemological implications, and question the possibilities of reviving museumized objects.
The following contributions take place at the heart of the toxicity of racist representations and the destructive potential of images, to ‘stay with the trouble’ (Haraway 2016) and think from affects, such as shame, depression, anxiety and rage. A scholar in museum studies and reader at the University of the Arts, London (UAL), David Dibosa questions the possible positions of cultural institutions at the time of the contestation of imperial representations through the debunking of monuments of the slave trade in British public space. In his paper, he interrogates the potential of embarrassment and shame to engage in depth with cultural institutions. Considering embarrassment as an affect from which to understand the fundamental impact of colonial policies and racism on all aspects of society, it could allow to avoid hasty and superficial measures, which fail to truly transform structures.
Artist Sybil Coovi Handemagnon‘s photographic collages delve into the genealogies of racial representations in Europe, which she is painfully led to confront and traverse, in order to carry out a work of reconstruction. Faced with the crushing weight of colonial collections and imperial representations, she asserts her gaze amidst the acute interferences that these images produce. While they escape her control, they can become « audible » (in the sense of Listening to images, allowing them to be « heard » in reverse of their initial functionality – ID photos, police archives… – outlined by Tina Campt 2017) and participate in precarious chosen filiations, such as they take shape in the work Parce que Hier ne sera pas comme Demain [Because Yesterday Won’t be like Tomorrow].
During the editing of this issue, an unexpected resonance emerged between Coovi Handemagnon’s images and Florian Fischer‘s dramatic text, Toxicide, here translated from German. While the two artists are involved in projects that may seem far apart – the difficult affirmation of one’s own voice in the face of the weight of colonial violence and its contemporary vestiges, for one; the narration of the economic and material dimensions of toxicity in Europe, and its inscriptions in languages and subjectivities, for the other – their work echoes with each other, renders the material haunting and evokes « that animated state in which a repressed or unresolved social violence is making itself known […] when home becomes unfamiliar, when your bearings on the world loose direction » (Gordon 2008, xvi). Based on extensive research bringing together industrial scandals, and the altered sensibilities of bodies through toxicity, Fischer anchors his narrative in the contaminations through language, which involves the narrator in the transmission of fascist and genocidal history. By investing the corrosive charge of language, he scrutinizes the modes of subjectivation, entangling chemical contamination and social damage.
Resonating in many ways with this contribution, the film theorist Anaïs Farine questions filmic representations of chemical pollution and looks at the explosiveness of the Nitrate Archives. Her text gathers snippets of events that are knotted around nitrocellulose, ammonium nitrate and their different uses, from the first cinematographic films to the highly flammable fertilizers that exploded in the port of Beirut in the summer of 2020. She brings together preliminary reflections from her ongoing investigation and employs what she calls « grasshopper effects » as a method for interrogating connections between disasters that, at first glance, seem disconnected.
The issue continues by opening up on social and ecological struggles in the Caribbean. Curator Clelia Coussonnet discusses the transformative practice of artist Minia Biabiany. She describes the convocation of physical and psychic traumas in the artist’s works, as well as the porosity and fragility of bodies. She returns to the resistance to pesticide contamination (specifically chlordecone) transmitted since marooning through generations. The author argues that contamination – not only by chemicals but also by racism and colonial policies – is countered in Biabiany’s artistic work, by gestures and words, carried out in interstitial spaces and opening up potentials of care and attention that enable co-habitations of fragile and interdependent lives.
Finally, three contributions around the association and biennale Picha in Lubumbashi, Democratic Republic of Congo, which interrogate toxicity as a condition of existence that has inextricably affected social worlds, closes the issue. Based on the discussions of the Picha collective, anthropologist Filip De Boeck outlines the intentions of the next Lubumbashi Biennale, scheduled for 2022, and entitled ToxiCité. Accompanied by images from Frank Mukunday and Tétshim‘s film Machini (2019), which reconstructs with stones and drawings the daily mining life of the Katanga region, he connects urbanization to the mining industries that produce the « zero world » (Achille Mbembe, 2014) of the Capitalocene, and in which social and mental damage abounds. This biennial will propose a focus on toxicity as a starting point for the collective elaboration of a critical and transformative take on the social and cultural environment, in Lubumbashi and in the world. In his contribution, Mega Mingiedi Tunga, an artist living and working in Kinshasa, insists on the importance of inter-generational transmission and on the harmful effects of the economic dependency of Europe. His text claims for the right to decide on ones own future, and for the conditions to render this possible. Lucrezia Cippitelli, artistic director of Ateliers Picha, closes the section. In her contribution Towards the symbiotic planet?, she describesthe collective work carried out by the artists gathered in Lubumbashi between the different editions of the biennial. While questioning the economic precariousness of an artistic association without structural funding, she examines the thin line between the extraversion that reaffirms the centrality of Europe in the recognition of artistic work and the elaboration of significant practices on a local scale.
Translations: Mariquian Ahouansou, Lotte Arndt and Sophie Provost. Proofreading: Emmanuelle Chérel (French) and Sophie Provost (English). We warmly thank the authors and artists for their contributions, all the friends that generously accompanied the issue along the way, and Marie-Pierre Groud for the graphic design and technical support.
BIBLIOGRAPHY
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Anna Lowenhaupt Tsing, Nils Bubandt, Elaine Gan, and Heather Anne Swanson (dir.), Arts of Living on a Damaged Planet: Ghosts and Monsters of the Anthropocene, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2017.
i – The conference took place in the frame of the Festival des Gestes de la recherche, conceived by Simone Frangi and Katia Schneller, 23-26, November 2020, at ESAD Grenoble. http://pratiquesdhospitalite.com/events/festival-des-gestes-de-la-recherche-2020/


Ariella Aïsha Azoulay

Ariella Aïsha Azoulay

Et maintenant, qu’allons-nous faire?
Jimmy W. Arterberry et Annette Arkeketa (images)
The damage is permanent.
Now what are we going to do?
Jimmy W. Arterberry and Annette Arkeketa (visuals)

Helene Tello

Repenser la conservation-restauration
Noémie Etienne

Samir Boumediene et Lotte Arndt

David Dibosa

Florian Fischer et Sybil Coovi Handemagnon (images)
Toxizide
Florian Fischer and Sybil Coovi Handemagnon (visuals)

Représentation, pollution, explosion
Anaïs Farine

Clelia Coussonnet et Minia Biabiany (images)
FOCUS PICHA

Filip de Boeck, Collectif PICHA
TOXICITY: Presenting the Lubumbashi Biennale 2022
Filip de Boeck, Collectif PICHA

Mega Mingiedi Tunga
Kesho: Nobody will invent the future for us!
Mega Mingiedi Tunga

Lucrezia Cippitelli
Ateliers Picha: Towards the Symbiotic Planet?
Lucrezia Cippitelli

Crédits images sommaire numéro # 2: Free Renty, Affiche © Shonrael Lanier. Sans papiers © Ariella Aïsha Azoulay. Cimetière national Comanche à Fort Hood, Texas © Annette Arkeketa: Muh-duu’ Kee: Put Them Back, Hokte Productions 2004, Filmstill. »Lusknäppen », système de fumigation au Musée nordique de Stockholm. © Archives photographiques du Musée nordique de Stockholm. Emplacement actuel du totem près du village de Kemano, Kitlope valley, actuelle Colombie-Britannique. © Photo : Tony Sandin, 2014. Licence : Creative Commons. Capture d’écran de la conférence vidéo tuer, conserver, faire revivre, de Lotte Arndt et Samir Boumediene, canal-u.tv, dans le cadre du festival des gestes de la recherche 2020, image « Extrait du codex De la Cruz Badiano ou Libellus de medicainalibus Indorum Herbis », présentation de Samir Boumediène, 2020. The Rex Whistler restaurant, Rex Whistler The Expedition in Pursuit of Rare Meats 1927 © Tate photography. Parce que Hier ne sera pas comme Demain, 2021, collage numérique © Sybil Coovi. Dawson City: Frozen Time , 2016 © Bill Morrison. Machini, 2019, 10’, Arrêt sur image © Frank Mukunday et Tétshim. Musa, Minia Biabiany, still, vidéo HD couleur, 14 min, 2020. Mega Mingiedi Tunga, Kesho, Performance, à l’ouverture de la Biennale de Lubumbashi, 2019.