Le fonds photographique de l’IFAN du Bénin (ex Dahomey) comprend aujourd’hui environ 2 000 tirages photographiques – sans les négatifs – conservés au Centre Béninois de Recherche Scientifique et d’Innovation (CBRSI) à Porto Novo, dans l’une des ailes de l’ex-Institut français d’Afrique noire (IFAN)1. Après une action récente de conservation et de documentation par des chercheurs et fonctionnaires béninois, le lieu de conservation comme les tirages d’époque demeurent néanmoins d’une grande fragilité. Plaqués contre des cartons, avec quatre coins contrecollés, chacun de ces clichés porte une légende à plusieurs entrées rédigées soit pendant la période coloniale, soit plus tard à partir des années 1980. Les légendes relèvent de champs d’inventaire jugés essentiels par l’ex-IFAN : « Dahomey, Numéro de la photo, Sujet, Lieu, Cercle, Subdivision, Race, Territoire, Auteur, Date, Observations ». Cette modalité particulière de catégorisation, revient au « centre-mère » de l’IFAN, basée à Dakar et dirigée par le naturaliste Théodore Monod de 1938 à 1963.
Cliché de Clément Da Cruz apposé sur un carton normalisé par quatre coins contrecollés. Tiroir du meuble de photographies de l’IFAN à Porto Novo. Sans date. Avec l’aimable autorisation du CBRSI, cliché de l’auteur le 23 avril 2022.
La création de l’IFAN remonte à 1936, date à laquelle Albert Charton, inspecteur général de l’enseignement, défend sa création, rédige l’arrêté et formule noir sur blanc l’idée d’une science en Afrique, car selon lui « il le faut pour le gouvernement, l’éducation, la tutelle des peuples colonisés, pour nourrir et stimuler de connaissances précises et rigoureuses, de psychologie exacte ce sens humain de l’indigène, ce sens de l’expérience qui est la définition même de l’art de la colonisation » (Charton, 1936, 386). Dans ce contexte, la photographie, comme la photothèque, sert cet intérêt. Documentaires, mais aussi sources d’histoire comme d’émotions, les photographies semblent néanmoins respecter le hors-champ dès qu’il s’agit du monde vaudou qui cultive un sens aigu de la discrétion sur une partie de ses activités. Également hors champ, mais pour un autre motif, le photographe, presque toujours français2, et le personnel colonial restent et figurent parmi les grands absents des clichés. Toutefois, les tirages témoignent de nombreux aspects de la vie du pays comme de son environnement naturel de 1945 jusqu’à son Indépendance le 1er août 1960. La collection, par son ambivalence, sema le trouble dans les années 1970 mais suscite encore un intérêt3.
Femmes au travail, photographiées à distance par Jacques Lombard, région de Lama-Kara, Togo, sans date. Tiroir du meuble de photographies de l’IFAN à Porto Novo. Avec l’aimable autorisation du CBRSI, cliché de l’auteur le 23 avril 2022.
Les producteurs mentionnés sur les cartons de légende travaillaient pour le Centrifan du Dahomey, dont les bureaux administratifs se trouvaient à Porto Novo mais dont l’essentiel de l’activité se déroulait à Abomey. « Un musée du palais d’Abomey – lieu et collections hérités de l’ancien royaume d’Abomey – avait été inauguré dès 1930, avant même d’être transformé en institution publique en 1945, sous contrôle du centre IFAN du Dahomey » (Suremain, 2007, 158), et c’est là que s’installe initialement l’annexe du Centrifan avec son laboratoire photographique. Déplacé dans un bâtiment nouvellement construit en 1950, l’activité du centre s’intensifie (Mauuarin, 2022). Les photographes et scientifiques se nomment Pierre Verger, André Cocheteux, Gustave Labitte, André Villiers, M. Martin, Jean Dresh, J. Roussi, Raymond Guitat, Jacques Lombard, Paul Mercier et le seul Dahoméen, Clément Martin Da Cruz. Des Dahoméens4 agissent pourtant. Ils accompagnent ces producteurs sur le terrain, traduisent, participent aux opérations de tirages photographiques et inventorient. Notre propos ici porte sur l’un d’entre eux, Baa Bachalou Nondichao. Né et actif toute sa vie à Abomey, Baa Nondichao était âgé de 87 ans lors de l’entretien à son domicile le 10 août 2023. Baa Nondichao est prince, de la lignée royale Kpengla [1774-1789] et dont la branche, Nondichao, est la seule de la famille royale à s’être convertie à l’Islam dès le 18e siècle (Vido, 2019). Son père, Abdou Nondichao – comptable des chemins de fer – assurait la traduction et avait déjà accompagné des chercheurs français, comme Bernard Maupoil5, Jacques Lombard ou Pierre Verger avant que son fils ne prenne la relève auprès de ce dernier. Baa Nondichao, aujourd’hui El Hadj et chef de sa collectivité, tient à se donner le surnom de « Petit Pierre Verger » ou « Fils de Pierre Verger » (Akoha, 2021), soulignant ainsi l’importance de sa rencontre, en 1955, avec l’ethnologue et photographe Pierre Verger (1902-1966)6, qui l’initia à la photographie et auprès duquel il réalisa un travail de photographe et de traducteur dès 1955 (Biton, 2005). Et c’est en Vincent Kinhoue Ahokpe, premier guide du musée et historien traditionnel (Clover, 2000, 159), qu’il reconnaît un maître dans son instruction sur l’histoire du Danhomè. À ces connaissances s’ajoutent celles du terrain qui, au fil du temps, font de lui un historien reconnu. Depuis plus de soixante ans, Baa Nondichao marque par son savoir plusieurs générations de chercheurs nationaux et internationaux7, agissant comme traducteur, informateur et historien. Il anime aussi depuis plusieurs années des émissions de radio à contenus historiques sur Royal FM, à Abomey, sur les stations nationales béninoises de radio et de télévision.
Dans l’entretien ci-dessous, il revient sur son expérience à l’IFAN qu’il intégra comme bénévole de 1954 à 19598, recevant finalement une prime de 700 francs en 1958 et percevant quelques indemnités-repas lors d’enquêtes sur le terrain. Mais c’est enthousiaste qu’il se remémore ces années « d’apprentissage » selon ses propres termes. Cet entretien, relu par ses soins et complété le 10 août 2023, a été filmé par Daniel Abidjo et conduit par moi-même le 29 avril 2022.
Baa Bachalou Nondichao _Capture d’écran de l’entretien filmé par Daniel Abidjo et Gaëlle Beaujean, 29 avril 2022. © Musée du quai Branly-Jacques Chirac. 29 avril 2022 et 10 août 2023, Abomey
Gaëlle Beaujean (GB) – À quand remonte votre découverte de la photographie ?
Baa Bachalou Nondichao (BN) – Je suis né à Abomey en 1937. J’ai commencé l’école primaire en 1945, c’est-à-dire vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, puis j’ai fait le collège technique de Cotonou devenu aujourd’hui le lycée Coulibaly. Après le collège, je ne pouvais pas aller plus loin car mes parents, vieillissants, avaient besoin de mon aide. Mon père avait rencontré un photographe et historien avec qui il était souvent, pour faire la collecte de l’histoire et photographier : il s’appelait Pierre Verger. De même, un autre cerveau comme Pierre Verger venait voir mon père également. Il s’agissait de Monsieur Jacques Lombard qui était un ami intime de mon père et dirigeait en ce temps le Centrifan. Comme je cherchais un emploi, mon père lui parla de moi. M. Lombard me donna alors rendez-vous à son bureau et appela son agent général qui était chef de la section Centrifan d’Abomey, Clément Da Cruz. Mais il n’y avait pas d’embauche, et je n’étais qu’un écolier sortant. Quelque temps plus tard, en 1954, je croisais Clément Da Cruz dans la ville, qui me proposa de venir le voir dans son bureau et me demanda si je voulais apprendre quelque chose. Je répondais « oui » et il m’apprit que le centre était doté d’une section photographique, qui appartenait à la photothèque de l’IFAN. J’ai alors accepté d’être apprenti et l’ai accompagné voir Monsieur Lombard dans son bureau qui accepta aussi. C’est dans ce laboratoire que j’ai découvert Monsieur Verger, photographe qui venait très souvent à Abomey. Je le connaissais depuis sa visite chez mon père. M. Da Cruz me l’a présenté. Et à partir de 1955, j’ai commencé à le suivre dans ses déplacements. Nous étions dans un véhicule 203 de marque Peugeot, un véhicule bâché 203. On se rendait de village en village, de cérémonie en cérémonie et c’est ainsi qu’il m’emmena dans le couvent suprême du Danhomè, celui du Mivede9. Mais là, les maîtres vaudou ont commencé à m’écarter car je n’étais pas initié, au contraire de Verger. Celui-ci demanda alors ce qu’il fallait faire pour procéder à mon initiation. Ils réclamèrent un poulet mâle et femelle, un cabri, de l’argent et des noix de colas qu’on appelle vi et ahoué. Pierre Verger a donné l’argent nécessaire pour le coût total et les responsables m’ont demandé de venir la semaine suivante. Et nous sommes revenus, Verger et moi, j’ai été initié ce jour-là. Je suis devenu dès cette époque son interprète de couvent en couvent, de temple en temple, de vaudou en vaudou. J’étais son interprète, mais je comprenais que je me cultivais aussi. Je parvenais à mémoriser tout ce que j’interprétais. J’ai beaucoup voyagé, dans les collines jusqu’à Savè, Savalou, Dassa et tous les villages environnants. Nous sommes aussi partis dans le sud-est du pays particulièrement à Adja-Ouéré où nous avons enregistré beaucoup de choses, mais aussi à Ketou, à Sakété, à Pobè10. Porto Novo et ses environs sont aussi des lieux de vaudou que nous avons beaucoup fréquentés, mais les deux capitales du vaudou sont Ouidah et Abomey.
Un peu plus tard, Pierre Verger rentra en France sans m’expliquer le but de son voyage mais il revint avec un magnétophone, de marque Telefunken, pour enregistrer la fête de Tohossou11 qui se préparait à Abomey pour une durée de trois mois. J’étais alors à ses côtés dans les fêtes, dans les cérémonies. Il photographiait, il enregistrait, et je restais assis pour regarder la bonne marche du magnétophone, lui il se déplaçait. Mais notez que son appareil était un appareil à pellicule, de marque Rolleiflex. Quand il finissait une pellicule, il revenait pour recharger l’appareil et, ainsi de suite, il en a utilisé plus d’une dizaine. On a réussi à enregistrer toute la fête de Zomadonou. Il a sorti des disques de 33 tours sur la fête du vaudou et qui ont été vendus à Abomey, Ouidah et Cotonou12. Moi-même, je n’en avais pas car je ne possédais pas d’appareil.
Sinon je travaillais dans le laboratoire, au développement des pellicules. J’ai été initié, le Centrifan disposait de cuves de développement. Avant, il n’y avait pas les cuves, on procédait avec les deux mains dans le révélateur, dans le bain d’arrêt et dans le fixateur pour le développement des pellicules mais ensuite sont arrivées des cuves automatiques, des cuves en spirale pour enrouler la pellicule à l’obscurité d’abord puis le développement se faisait à lumière du jour. Enfin, nous avions un agrandisseur. Lorsque je suis arrivé en 1954, j’ai trouvé une tireuse par contact et un agrandisseur. Avant mon arrivée il n’y avait ni agrandisseur ni tireuse, la copie de la photo se faisait par contact dans un châssis presse. Il s’agissait de photos sur plaque de verre.
GB – Pierre Verger faisait aussi les développements et les tirages ?
BN – S’il le souhaitait. Il le faisait aussi en France. Au Centrifan, je travaillais comme apprenti auprès de Rigobert Allomavo, qui était mon patron et connaissait mieux que moi. Il me guidait, il est déjà un maître photographe car initié avant moi. Dans le laboratoire, j’apprenais donc à développer des films et faire des copies sur papier. Sur le terrain, progressivement, j’apprenais à photographier, puis à filmer. Lorsque j’étais avec Pierre Verger il m’expliquait ce qu’il était en train de faire sur les appareils.
GB – Une fois les tirages réalisés que faisiez-vous ?
BN – Pour celles des photographes de l’IFAN, on les mettait sur un carton. Le carton permet de savoir de quoi il s’agit. Mais pour fixer la photo sur le carton, on plaçait des « coins géants » pour coller les quatre bords.
GB – C’est vous qui remplissiez les légendes sur les photos ? Vous étiez tout seul ?
BN – Non, nous étions trois, les autres n’étaient pas photographes, ils étaient employés. Il y avait Quenum, le secrétaire de l’IFAN – Venace Quenum – et son frère Placide Quenum, qui est ensuite devenu joueur de football. Nous étions trois à écrire sur les fiches.
GB – Qui donnait les informations ?
BN – Elles étaient souvent au dos des photographies. Quand Verger était absent, Lombard, le directeur du Centrifan, se chargeait de légender les photographies au dos.
GB – Qui étaient les directeurs de l’IFAN ?
BN – Le premier directeur de l’IFAN Abomey s’appelait Monsieur Tomassey. Puis Paul Mercier a succédé à Tomassey et a fait construire le bureau de l’IFAN et le logement du directeur [n.d.l’a. : en 1950]. Si le siège est à Porto Novo, le directeur habite Abomey. Puis Jacques Lombard a pris la direction jusqu’à l’Indépendance. Clément Da Cruz était agent général du siège annexe de l’IFAN. A partir de 1960, la direction est revenue à Tidjani Serpos.
GB – Vous étiez rémunéré ?
BN – Je n’étais pas payé, je faisais cela bénévolement car j’étais encore apprenti. Mon père me nourrissait, mais pendant les vacances j’aidais ma mère – Ahawahou Adounwé – comme vendeur ambulant sur les marchés de Djidja, de Tindji et d’Agbangnizoun pour pouvoir avoir un peu d’argent. Je vendais des perles, du parfum, des cigarettes, des plantes médicinales et des pommades. Le soir, je rapportais l’argent pour rendre compte à ma mère. Pierre Verger n’a jamais payé. Mais si on travaille le midi, Pierre Verger mange s’il veut mais il me donne 100 francs pour acheter à manger, ce qui était bien suffisant. Da Cruz et Lombard à partir de 1958 ont négocié pour me donner une prime de 700 francs, ce n’était pas un salaire. J’ai reçu un salaire à partir de 1959 après avoir été embauché comme manœuvre. Après le départ de Verger, j’ai abandonné la photo pour travailler comme manœuvre, enlever les mauvaises herbes dans les jardins, avec une faucille autour des palais de Glèlè et de Ghézo devenus musée. Je travaillais aussi dans le jardin potager de Jacques Lombard.
En 1960, au lendemain de l’Indépendance, j’ai été intégré dans le corps de l’IFAN comme manœuvre. J’étais recruté pour désherber, pour nettoyer les places de l’IFAN mais aussi pour la photographie. À partir de cette date, j’ai commencé à apprendre l’histoire du Danhomè et à devenir guide pour le musée, puis en 1965, je suis devenu chef des guides et documentaliste en histoire et en tradition. Nous ouvrions à partir de cette date un centre de documentation à côté du laboratoire photo. Afin de mieux équilibrer ma charge de travail et pour que je me concentre sur la documentation, je me chargeais uniquement des visites officielles et des visites scolaires. À partir de 1965, aussi, les chercheurs commençaient à venir me voir. Après ma retraite (en 1990), personne ne m’a remplacé au centre de documentation et le centre IFAN a fermé en 1995 sans accorder d’importance ni aux appareils, ni aux produits, ni aux photos qui étaient restés là. J’ignore ce qu’il s’est passé pour les appareils, je ne sais pas pour les photos, j’étais déjà à la retraite.
GB – Et les photographies sur carton, elles étaient encore à Abomey ?
BN – Je n’ai pas rempli les cartons qui accompagnent les photographies après le départ des Français. Tout a été rempli pendant la présence des Français, sous le contrôle des Français. Quelqu’un d’autre a peut-être complété après mais ce n’est pas moi. Tout a été ramassé par les agents de l’IRAD (n.d. l’a. : devenu ensuite CBRSI) et c’est parti. Ils m’ont appelé, ils m’ont posé des questions et proposé un salaire et je leur ai répondu « un homme ne peut pas être né deux fois. Je suis né une fois, j’ai travaillé une fois, j’ai pris ma retraite une fois et ce que je peux vous offrir c’est vous aider un peu, vous pouvez me louer. » J’ai un peu aidé.
Baa Bachalou Nondichao indiquant le sujet (« femme du Nord ») sur la plaque de verre photographique IFAN. Capture d’écran de l’entretien filmé par Daniel Abidjo et Gaëlle Beaujean, 29 avril 2022. © Musée du quai Branly-Jacques Chirac.
GB – Avez-vous des photos de l’IFAN chez vous ?
(Baa Nondichao sort alors des plaques de verre de l’IFAN)
BN – Celles-ci ont été faites avant moi. Je les garde précieusement. Quand le Dahomey a changé de nom avec la révolution vers 1972, l’Etat voulait mettre tout ce qui pouvait rappeler l’époque coloniale en vente aux enchères. Tout ce qui a un caractère européen n’était pas accepté à cette période. Moi, je me suis débrouillé pour acheter quelques plaques. Par exemple, cette plaque avec une femme du nord du Dahomey. Celle qui est cassée : c’est une photo de Cotonou. J’en ai acheté plusieurs.
[Sur une boîte AGFA, le contenu est décrit : « Porto Novo – vues Bas-relief – marché d’Adjarra – palais du roi Toffa – Féticheur d’un Zangebto »]
En fait ce sont les fiches, je garde ces boîtes pour conserver les négatifs en « plastique ». Pendant la révolution, on ne veut plus entendre parler de la France ou d’un pays européen. J’ai caché ça chez moi jusqu’au retour de la démocratie.
GB – Avez-vous conservé des souvenirs de Pierre Verger ?
BN – Pierre Verger m’avait donné son plus vieux Rolleiflex 6×6, qui ne fonctionnait plus. J’avais besoin d’argent et j’ai demandé à Marlène Biton de le revendre pour moi, mais je ne sais pas à qui. Le responsable de la fondation Verger voulait l’acheter mais je l’avais déjà vendu.
Quand je suis allé à Salvador de Bahia, sur l’invitation de la fondation Pierre Verger, j’ai acheté sa table de chevet, le cendrier que j’ai trouvé par terre, je l’ai ramassé, je ne l’ai pas acheté.
GB – Avez-vous continué les prises de vue sur le terrain après son départ ?
BN – Après le départ de Pierre Verger, c’est moi qui suis dans les couvents pour photographier. Je deviens un petit Pierre Verger juste pour le Bénin, pas pour l’international. Mais dans les couvents, où se déroulent les initiations et les préparations avant la venue des vaudou, on m’a cassé mon matériel quand j’ai voulu prendre des photos.
J’ai ensuite eu une formation en audiovisuel dans les musées. Vers 1979, j’ai reçu celle de Porto Novo qui m’a permis de décrocher le diplôme national, puis de mars à décembre 1986 en Tunisie où j’ai étudié pendant neuf mois pour obtenir un diplôme international en audiovisuel et en 1988, la photographie documentaire à Bamako.
J’ai ouvert un studio photo de 1990 à 1993 après ma retraite, car je n’avais plus de salaire, je continuais néanmoins à accompagner les chercheurs. En 1994, j’ai commencé à avoir le rappel de pension et dès ce moment j’ai arrêté la photographie et j’ai travaillé avec beaucoup de chercheurs, j’ai collectionné leurs cartes de visite que je conserve encore.
G. Vous êtes allé à Salvador de Bahia, avez-vous vu les photos de Pierre Verger là-bas ?
N. Oui, ils m’ont montré les photos de Pierre Verger mais il manquait les légendes. J’ai légendé tout, cela représente plus de 4 000 photos. J’ai été ensuite décoré. Ma décoration est ici. Le chef suprême du vaudou de Salvador a autorisé la décoration. Ils m’ont offert un chapeau du chef vaudou qui, si vous le portez, oblige tous les adeptes à se mettre à genoux, ils m’ont offert des perles vaudou de tous les vaudou du Brésil et les perles de Shango. Ils étaient contents de moi.
Baa Bachalou Nondichao sortant sa coiffe offerte à Salvador de Bahia, après avoir légendé les 4 000 clichés de Pierre Verger. Capture d’écran de l’entretien filmé par Daniel Abidjo et Gaëlle Beaujean, 29 avril 2022. © Musée du quai Branly-Jacques Chirac.
Daniel Abidjo – Est-ce que vous savez en quelle année la photographie est arrivée à Abomey ?
BN – Je ne sais pas exactement. Le premier photographe dont je me souviens s’appelait Agbessadi, il faisait des plaques. Adjanohon Henri était aussi un photographe. Le troisième s’appelait Akodji Zocri Ibrahim. Tous étaient là dans les années 1940.
-
En décembre 2022, le conservateur Abdoulaye Imorou retrouve un fonds complémentaire dans une caisse à Abomey. ↩
-
Il s’agit de Clément Da Cruz. ↩
-
cf infra Olibé, Alphonse, https://troublesdanslescollections.fr/2024/01/09/06_05/. ↩
-
Aucune femme n’a été mentionnée dans les équipes, française comme dahoméenne. En revanche, les Béninoises (ex Dahoméennes) figurent sur les clichés photographiques. ↩
-
Bernard Maupoil était administrateur colonial (très mal noté) et ethnologue, sa thèse publiée à titre posthume est devenue une référence sur les système géomantiques et philosophiques dans le sud-Bénin : Bernard Maupoil, La Géomancie à l’Ancienne Côte des Esclaves,Paris, Institut d’Ethnologie, 1943. ↩
-
A son sujet, voir Souty, Jérôme, Pierre Verger : du regard détaché à la connaissance initiatique. [nouvelle édition]. Paris : Maisonneuve et Larose – Hémisphères éditions, 2020. ↩
-
L’historien Arthur Vido (2019, 12-13) recense une liste non exhaustive de chercheurs et personnalités ayant eu recours aux savoirs et aux traductions de Baa Nondichao : « Joseph Adrien Djivo, Abiola Félix Iroko, Joseph Adandé, Adolphe Houénou, Romuald Michozounnou, Joseph-Brice A. Sossouhounto, Jérôme Alladayé, Didier Marcel Houénoudé, Patrick Effiboley, Odré Prosper Yete, Virginie Laure Agbehunkpan, Paul Akogni, Christelle Atchamou, Franck Komlan Ogou, Justin T. Avolonto, Orden Alladayé, Sylvanus Bocovo, Klaus Randborg, Suzanne Preston-Blier, Dominique Juhé-Beaulaton, Edna G. Bay, Giovanna Antongini et Tito Spini, Clover Jebsen Afokpa, Claude-Hélène Perrot et François Xavier Fauvelle, Roberta Cafuri, Gaëlle Beaujean-Baltzer, J. Cameron Monroe, Gaetano Ciarcia, Marlène Michèle Biton […] Sa majesté Dedjalagni Agoli-Agbo, Guèdèhouguè Sossa, Michel Loucou dit Alèkpéhanhou, Muriel Maalouf, Albert Tingbé-Azalou, Sylviane A. Diouf, Junzo Kawada […] ». ↩
-
Marlène Biton complète, au sujet du choix du bénévolat par le directeur Jacques Lombard qu’il s’agissait d’une « substitution au service militaire. », Biton, Marlène, « Discussions avec Nondichao Bachalou… art.cité. § 6. ↩
-
À Abomey, la royauté du Danhomè a mis en place des vaudou royaux, les Tohossou Zomadonou, depuis le règne d’Agadja [1711-1740 ?]. Le chef se nomme Mivede. ↩
-
Il ajoute au sujet du roi de Pobé : “Le roi de cette ville était infirmier avant de prendre sa charge, il sort à cheval”. ↩
-
Cette fête où sortent les vaudou royaux Tohossou Zomadonou ont longtemps été qualifiées dans la littérature occidentale comme fête des « Coutumes ». ↩
-
Un disque existe en effet, édité en 1955 mais enregistré en 1952 soit trois ans avant la rencontre entre Nondichao et Verger. Il parait sous le titre de « Dahomey : musique des princes : fête des Tohossou » sous la direction de Gilbert Rouget, avec Pierre Verger et Jean Koroma, Paris : musée de l’Homme, 1955. Notice et lien pour l’écoute : https://archives.crem-cnrs.fr/archives/collections/CNRSMH_E_1955_008_001/ ↩
BibliographieBibliography +
Akoha, Arnaud, Nondichao : le fils de Pierre Verger, Documentaire de 52 minutes, Cogi’Arté Productions, Bénin, 2021.
Biton, Marlène, « Discussions avec Nondichao Bachalou, assistant de Pierre Verger à Abomey », décembre 2005, Fondaçao Pierre Verger, Salvador de Bahia, https://www.pierreverger.org/br/pierre-fatumbi-verger/textos-e-entrevistas-online/depoimentos-sobre-verger/accompagner-pierre-verger.html
Charton, Albert, « Création de l’Institut français d’Afrique Noire », Bulletin du Comité d’études historiques et scientifiques de l’Afrique occidentale française, Volume 19, 1936, p. 383-388.
Clover Jebsen Afokpa, Daxome Retold: Collective Memory and the Historical Museum of Abomey. Thèse de doctorat, Université de Pennsylvanie, 2000.
Mauuarin, Anaïs, « Les collections photographiques de l’Institut Français d’Afrique Noire. Ressaisir la géographie d’un patrimoine dispersé ». https://troublesdanslescollections.fr/2021/12/17/article-3/
Maupoil, Bernard, La Géomancie à l’Ancienne Côte des Esclaves, Paris, Institut d’Ethnologie, 1943.
Perlès, Valérie, Un roman dahoméen : Francis Aupiais et Bernard Maupoil, deux ethnologues en terrain colonial, Montreuil, Ed. B42, 2023.
Suremain Marie-Albane (de), « L’IFAN et la « mise en musée » des cultures africaines (1936-1961) », Outre-mers, tome 94, n°356-357, 2e semestre 2007, pp. 151-172.
DOI : https://doi.org/10.3406/outre.2007.4289
www.persee.fr/doc/outre_1631-0438_2007_num_94_356_4289
Vido, Arthur, Biographie du roi Kpengla du Danhomè [1774-1789], Paris, L’Harmattan, 2019.