« L’univers mental et imaginaire des représentations socio-culturelles négro-africaines si minorées, mériterait l’attention, la considération et le respect des chercheurs africains, surtout, d’abord pour l’intérêt scientifique qu’il pourrait avoir, et ensuite pour la dignité de nos valeurs propres. (…) Ces représentations, pour nous être proches et intimes, n’en demeurent pas moins sans doute pour cette raison aussi, plus difficiles d’accès. (…) La matière existe, qui est à notre portée, (…), toute matière est noble pour l’art comme pour la science. C’est à l’artiste ou au savant d’en être digne. Tout est fonction de cela1».
La relecture des textes d’Ibrahima Sow permet de délaisser une vision du patrimoine culturel réduite à des artefacts figés dans des vitrines. En reconsidérant l’existence de systèmes de croyances très vivaces œuvrant dans la société sénégalaise, et plus largement en Afrique subsaharienne, Sow a contribué à mettre en évidence l’importance des imaginaires culturels qui sont autant de repères spécifiques dans un vaste système symbolique produit par toute collectivité. Ses analyses invitent à prêter une attention plus précise aux processus sociaux et culturels qui structurent les sociétés sénégambiennes, en identifiant des caractéristiques (bienfaits et dérives) de certaines croyances, des façons de penser et d’agir, des valeurs sociales et morales partagées ou encore des reconfigurations du champ-magico-religieux. Se pencher sur son travail, qui s’est développé en plusieurs ouvrages, convie à réévaluer nos champs de savoir et à approfondir les représentations socio-culturelles des publics africains contemporains. Notre propos n’est pas d’examiner ici les sources, les méthodes, les modalités d’enquête, les interprétations sur lesquelles ses travaux s’appuient ou se déploient, cette étude reste à mener2. Il s’agit plutôt de revenir sur les perspectives du Laboratoire de l’imaginaire qu’il a créé au sein de l’IFAN Cheikh A. Diop avec Dominique Hado Zidouemba3 qui concevait l’imaginaire dans un sens actif, dynamique, et l’imagination comme prospective. Au regard de l’attention portée aujourd’hui aux activités de l’imagination inventées par les humains et aux techniques imaginatives, les écrits de Sow ouvrent des hypothèses pour inventer d’autres pratiques muséales tenant compte d’un patrimoine culturel immatériel complexe et en redéfinition.
Ibrahima Sow, Divination, marabout, destin, aux sources de l’imaginaire, 2009.
Le rôle des croyances
Pendant de nombreuses années, Ibrahima Sow a étudié un patrimoine immatériel (techniques de maraboutage et de divination) tout à la fois, culturel, social et mental, se dévoilant dans des pratiques, des gestes inscrits dans le quotidien, souvent ancrés dans des croyances anciennes et dans des traditions au sein des pays de l’Afrique subsaharienne, et au Sénégal en particulier qui « à l’instar des proverbes, des devinettes, des contes et des mythes n’ont pas d’auteurs désignés et connus que l’on pourrait identifier avec certitude ». Par un important travail d’enquêtes sur le terrain, auprès de personnes issues des différents groupes culturels, Haalpular, Sérère et Wolof, il collecta des représentations matérielles ou mentales, des croyances, des superstitions4, incarnées en des récits, des images, des symboles, des signes, des rêves et des manières de faire. Il observa ces « tentatives de rationaliser l’irrationnel, ces mises en forme de l’imaginaire », puis échafauda des analyses, interprétations et commentaires afin de comprendre les mécanismes qui expliquent leurs justifications et sous-tendent leurs motivations.
« Ces superstitions, (…) seraient une sorte de patrimoine immatériel, un héritage de l’imaginaire que l’on se lègue de génération en génération et qui perdure dans des comportements, rituels et attitudes. S’imprimant dans la réalité comme expressions de l’inconscient collectif, consacrant les us et coutumes d’une société donnée et participant, d’une manière ou d’une autre, à l’identité culturelle des populations qui en usent5 ».
« Dans l’aire culturelle sénégambienne, nous retrouvons probablement les mêmes superstitions, bien qu’il puisse exister des particularités ethniques ou professionnelles, de castes par exemple, qui auraient des sensibilités propres pour symboliser ou pour traduire leurs relations avec le monde et avec les autres6 ».
Pour interpréter ces élaborations collectives, Sow souligne la nécessité de connaître les existences culturelles et sociales à l’intérieur desquelles elles sont agissantes, c’est-à-dire le substrat culturel de sa société. Ainsi, par exemple, « le contenu latent des rêves », écrit-il, « demande une herméneutique fondée sur une interprétation traditionnellement éprouvée pour en apprécier le contenu manifeste7 ».
Son livre La symbolique de l’imaginaire, dialectique du faste et du néfaste à partir des présages, superstitions et gaaf (2008) s’ouvre en ces termes :
« C’est à partir du recueil des superstitions, des présages et des gaaf8 qu’est né cet ouvrage. Il y est question de rendre compte de la vitalité et de l’impact de ces représentations chez les individus, avec cependant le double souci de leur description phénoménologique et de leur examen herméneutique. L’importance capitale de telles représentations dans le vécu et dans l’existence quotidienne des individus n’est plus à démontrer. La mentalité collective, qui se nourrit de l’imaginaire qu’elle produit et dont elle s’informe, a besoin de ce conditionnement existentiel de régulation psychique et sociale, autant que l’être humain a besoin d’oxygène pour vivre. (…) L’homme ne vit pas seulement de raison, mais aussi, plus fortement même, d’imaginaire, car la seule raison ne suffit pas à combler ses attentes, ses angoisses et le stress9 ».
D’après Sow, ces croyances, qu’il distingue en plusieurs types, servent d’exutoire. Elles permettent de gérer les tensions, ambiguïtés et inquiétudes inhérentes à la vie des individus et des sociétés (et à certaines situations sociales en particulier) en régulant les relations sociales et l’organisation collective. Il décrit des peurs récurrentes qui affectent10 la société sénégalaise, celle des dëmm11, de l’envoûtement, des maladies, des accidents, du mauvais œil, des agressions diverses et également le sentiment d’être constamment menacé. L’idiome de la sorcellerie et du maraboutage permet d’imaginer la part occulte susceptible d’accompagner toute relation sociale.
« Les superstitions sont des réalités figées, voire stéréotypées, d’un code social de bonne conduite, une sorte de modus vivendi fait d’interdictions et de recommandations multiples. Quant aux présages, ils s’informent davantage dans les indications augurales à partir de signes prétendus annonciateurs de ce que l’avenir réserve. Les gaaf, eux, sont des signes plus spécifiquement attachés à des personnes et à des animaux, et même à des lieux d’habitation ou de culture, dont ils indiqueraient le caractère bénéfique ou maléfique12 ».
Sow montre que la société contemporaine sénégalaise est loin de les avoir fait disparaître, bien au contraire :
« Superstitions, présages, gaaf ou encore actes de divination sont de plus en plus accrus et se manifestent en dépit des avancées technologiques du monde moderne ou, peut-être même, à cause d’elles13. (…) Il est vrai que le monde moderne peut aussi susciter de nouvelles représentations mais les justifications et les explications que l’on pourrait en fournir sont alors réadaptées ou acclimatées sur le modèle de celles qui sont anciennes, dont on aurait peut-être même perdu le sens profond qui les animait14 ».
Puis, Ibrahima Sow explore précisément les symboliques qu’ils élaborent, celles du monde animal, du corps, de la mort, de la dévoration, de l’occulte, de la fécondité, les possessions par les djinns, rabs et tuurs15, etc.
L’ouvrage « Le maraboutage au Sénégal » (2013), fruit d’une investigation minutieuse, allie à la fois approche sociologique et anthropologique pour aborder ce fait social. Le texte expose les aspects conceptuels du maraboutage, de la magie et les représentations que les Sénégalais s’en font. Puis sont passées en revue les différentes catégories de marabouts (exorcistes, devins guérisseurs, tradipraticiens, incantateurs) et les formes, les techniques, les lieux, les procédés du maraboutage, dont les pratiques (les offrandes et les sacrifices qui l’accompagnent) et les finalités sont très variées. Sow examine de quelles manières l’exercice du maraboutage crée un environnement social et culturel. Il analyse les principaux domaines qui sont actuellement couverts par ces pratiques, à la fois magiques et religieuses : amour, sport, politique. Son étude montre que ces actions occultes16 se pratiquent aujourd’hui à tous les niveaux de la société. Dans les familles, dans les bureaux des entreprises privées, au siège du gouvernement, dans les villes encore plus que dans les campagnes et jusqu’aux personnages les plus hauts de l’État. Même le monde universitaire et son campus n’y échappent pas. La croyance dans le pouvoir de ces spécialistes rituels est largement partagée, même si elle s’exprime généralement sur un mode ambivalent. Sow met aussi en évidence les dérives du maraboutage dans la société sénégalaise. « Le Pr Ibrahima Sow dénonce dans cet ouvrage l’accélération du phénomène au cours de ces vingt dernières années, et en conséquence l’énorme gaspillage que ces pratiques entraînent pour rétribuer les marabouts aussi avides que sans scrupules17» écrivait Lilyan Kesteloot en 2014. Les pratiques divinatoires sont également suivies par toutes les classes sociales dans les centres urbains « au-delà des apparences qui laissent entrevoir l’occidentalisation, elles y occupent une place aussi démesurée qu’insoupçonnée18 ».
Dans Divination, Marabout, Destin aux sources de l’imaginaire (2009), Ibrahima Sow écrit :
« La société sénégalaise est en pleine mutation tant sur le plan de ses valeurs que sur celui de ses structures sociales, économiques, politiques etc. Ces mutations ont eu pour conséquence le déséquilibre des cellules familiales, la dissolution progressive des repères d’intégration culturelle, l’effritement des traditions et des coutumes, la prise en compte de valeurs et d’idéologies nouvelles, le nivellement des besoins socio-économiques, la sourde compétitivité des individus et des genres, le désir accru d’individualité, la lente corrosion des modèles régulateurs. Le recours au devin affirme un besoin de repères, culturels, éthiques, l’affirmation de soi et la valorisation des repères socio-culturels19 ».
Ibrahima Sow, Divination par le sable, 2009.
Le nouvel intérêt actuel pour l’imaginaire et les activités de l’imagination
La relecture des textes d’Ibrahima Sow peut s’inscrire dans une attention nouvelle portée aujourd’hui aux activités de l’imagination, aux dispositions imaginatives et aux pouvoirs imaginatifs humains. Elle invite à poser cette question : comment les humains se servent-ils de leur imagination au quotidien pour lui donner sens et le fabriquer ? L’activité imageante, les modalités d’imaginer, de reproduire, de renouveler l’imaginaire, de sentir, de penser, de croire varient d’une société à l’autre et d’une époque à l’autre. Le dispositif imaginaire assure à un groupe social un schéma collectif d’interprétations des expériences individuelles, aussi complexes que variées, le codage d’espoirs et d’attentes, ainsi que le creuset d’une mémoire collective, de souvenirs, et de représentations du passé proche ou lointain (vérité, normativité, information, valeur dans le symbolisme, mythes, utopies et idéologies). Il est une des forces régulatrices de la vie collective, il définit les moyens intelligibles des rapports des individus entre eux.
« Mon travail aura permis, je l’espère de mettre en lumière les limites et l’insuffisance de la raison raisonnante, de la raison-instrument logico-déductif-inductif dans la production de sens et de mieux apprécier dans cette production les formidables contributions et vitalité de l’imaginaire20».
C’est ce que cherche à démontrer son intérêt pour les techniques divinatoires (« les méthodes de l’art divinatoire ») et son étude des différents procédés utilisés (coran, bâtonnet, marionnette, livres, calebasse, jets de cauris, chapelet, miroir, sable, listixaar).
En Occident, les « modernes » ont, en général, peu prêté de valeur sociale au rêve. Ils sont en grande partie héritiers d’une tradition philosophique dans laquelle l’imagination et la réalité sont pensées comme deux domaines intrinsèquement séparés. L’imaginaire, « c’est ce qui n’est pas le réel et le réel, c’est ce qui n’est pas l’imaginaire21 », et cette opposition anime bien des analyses des sciences sociales sur les imaginaires collectifs. Ainsi, dans la modernité occidentale, les expériences de vision non sensorielle, par exemple, sont généralement jugées négativement, elles sont regardées comme des illusions éloignant les individus de la réalité. Comme l’écrit l’anthropologue Paul Stépanoff, « Rien cependant d’universel dans cette dichotomie. D’autres sociétés ne dressent pas la réalité et les perceptions non sensorielles dans un face-à face rigide22». Aujourd’hui, un certain nombre de chercheurs reconsidère des manières originales de se relier au monde, d’explorer les subjectivités des animaux, des plantes, en les connectant à de vastes géographies invisibles. Ils observent de subtils savoir-faire mentaux qui parfois ont été balayés ou profondément modifiés par la modernité colonisatrice, bien avant que celle-ci n’ait eu le temps d’en comprendre les principes et la richesse. Leurs travaux convient à explorer les technologies cognitives des différents peuples pour mieux appréhender leur contribution à l’imaginaire humain. Ils constatent, en outre, que dans l’invisible gît la dimension intentionnelle du milieu vivant. Y sont tissés d’autres rapports au vivant : « c’est pourquoi la question de comment une société régule son mode d’accès à l’invisible revêt une dimension écologique cruciale. Les régimes d’imagination, c’est-à-dire les modes de distribution des compétences imaginatives, sont des écologies de l’imagination23». Dans le cas de la tradition onirique, ce qui est transmis n’est pas tant un contenu déterminé que des règles permettant de générer indéfiniment de nouveaux contenus sans chercher à fixer les images mentales24. Ces travaux rejoignent aussi les récentes études en neurophysiologie25 qui montrent que nos affects et notre corps ne traitent pas l’imaginaire comme s’il constituait un domaine séparé d’un autre domaine qu’on appellerait le réel. Face à certaines expériences imaginaires, notre jugement ontologique paraît d’une certaine manière suspendu, comme si la question est-ce réel ou irréel ? cessait d’être pertinente. Et par ailleurs, l’imagination nous permet d’anticiper nos actions futures et d’évoluer dans notre environnement.
Autrement dit, dans ses analyses, Ibrahima Sow révèle une approche de l’imagination qui ne s’oppose pas au réel, mais reconnaît en elle, par exemple, un outil essentiel d’accès aux perspectives d’autrui, humain et non humain et à l’anticipation. En s’intéressant aux techniques de l’imaginaire (les usages d’artefacts, les représentations mobilisées, la visualisation mentale et les analogies suggérées par les conduites et les postures), il a contribué à la mise en évidence du travail de l’imagination et a permis la connaissance de techniques singulières pour explorer l’imagination (le rêve, la divination, la mobilisation des perceptions non sensorielles pour s’immerger dans des situations différentes…). Il concourt à identifier, en s’appuyant notamment sur le travail de Djibril Samb, auteur de L’interprétation des rêves en Afrique noire (La Sénégambie)26, le fait que par exemple dans la plupart des sociétés, les rêves ne sont pas perçus comme des illusions, mais permettent d’accéder à des réalités non moins importantes que celles de la vision oculaire, et loin d’enfermer chacun dans un monde isolé, ils ont notamment en Sénégambie pour rôle d’ouvrir l’individu à une vie sociale avec les vivants, les morts, les esprits et les dieux.
L’activité imaginative apparaît donc comme le moteur de toutes les actions humaines. Désormais envisagée comme idéomotrice (par sa valeur de preenactement27) et considérée comme une technologie cognitive, des chercheurs ont montré comment elle imprègne la totalité de nos échanges avec notre environnement. Et, comme en était convaincu Ibrahima Sow, elle est absolument nécessaire pour agir sur le réel et peut être orientée vers l’avenir.
Ibrahima Sow, Divination, Marabout, Destin, aux sources de l’imaginaire, 2009, arts divinatoire des Cauris, p. 529.
Le laboratoire de l’imaginaire : discuter les traditions, les réinventer, pour les rêves de demain
A la fin de son ouvrage Divination, Marabout, Destin, aux sources de l’imaginaire28, Ibrahima Sow présente son ambitieux et passionnant projet de Laboratoire de l’imaginaire développé au début des années 2000 :
« Nous partons de l’idée qu’il existe un héritage culturel africain précieux et digne de respect. La philosophie doit recueillir cet héritage, non pas pour l’entreposer dans les caves d’un musée poussiéreux, mais pour le rendre vivant et productif. Pour obtenir ce résultat, le chercheur doit le soumettre à un examen critique (Ndaw, 1997, p. 54). De ce point de vue, relativement à la prospection et à la critique de notre patrimoine culturel immatériel, qui est d’une fabuleuse richesse en péril, une exigence s’impose dans cette ère de mondialisation qui est celle de mettre sur pied rapidement un Laboratoire de l’imaginaire qui prenne en charge, mais réellement dans la pluridisciplinarité, des réalités auxquelles sont inféodés ou sont dépendants nos divers comportements, nos mœurs, us et coutumes pour les observer, les décrire, les étudier, les comparer et aussi sans doute pour leur trouver des solutions possibles concourant à la promotion du changement de mentalités quasi féodales comme il s’en trouve encore sous nos yeux cieux dans tous les milieux sociaux et professionnels29 ».
Cette conception défend l’idée qu’il faut valoriser les traditions pour autant qu’elles permettent une critique constructive, qu’elles procurent des modèles en vue de pratiques émancipatrices30. Et amener à comprendre que la tradition africaine n’est pas univoque, pas plus que celle de n’importe quel autre continent. Une tradition culturelle est toujours un héritage complexe, contradictoire, plurivoque, un système ouvert de choix multiples qu’il appartient à la génération présente d’actualiser partiellement, en valorisant tel choix plutôt que tel autre et en abandonnant nécessairement les autres choix possibles31. Ce choix est l’objet d’une lutte présente, d’un débat sans cesse rebondissant.
Pour Ibrahima Sow :
« Les missions de ce Laboratoire de l’imaginaire ne se limiteraient nullement à l’analyse critique et à la description des seules représentations et perceptions de visions du monde passéistes, mais elles se doivent aussi d’engager dans des interrogations et des perspectives résolument futuristes et avant-gardistes pour informer des dynamiques créatrices, des approches prospectives, de nouveaux horizons qui permettent d’inventer les rêves de demain, de renouveler la réalité du présent, de développer la culture de comportements nouveaux et de regards neufs sur le monde. Il faut donc comprendre et concevoir l’imaginaire dans le sens non pas passif et réceptif mais actif et dynamique qui recouvre aussi l’imagination créatrice pour donner véritablement au Laboratoire sa pleine mesure qui est tout autant descriptive que prospective. Il serait tout aussi bien le lieu où l’on étudierait et observerait les attitudes-fossiles que le creuset où l’on penserait le futur et s’interrogerait sur les mutations en cours. Pour le changement des mentalités, ce Laboratoire pourrait donc rendre des grands services dans beaucoup de domaines et aurait un intérêt scientifique indéniable, dont entre autres, celui de coordonner la pluralité des études et des compétences dans ce domaine des représentations et de l’imaginaire qui pourrait d’ores et déjà être intégré dans des enseignements des écoles doctorales du système LMD en cours dans notre pays32 ».
Et Ibrahima Sow termine en se saisissant des enjeux des techniques divinatoires :
« Djibril Samb écrit très justement, relativement à la temporalité du rêve prémonitoire, mais combien caractéristique pour illustrer celle qui est en œuvre dans la demande divinatoire : « Le passé n’est pas ce qui a cessé d’exister : c’est ce qui est n’étant plus là. Le futur n’est pas ce qui n’a pas d’existence ; il est ce qui devant être là plus tard. Il n’y a pas une succession de temps s’écoulant dans une direction irrévocable, mais plutôt une série de plans temporels qui coexistent dans un présent cosmique circulaire33. C’est pourquoi les événements oniriques se conjuguent à la fois au passé et au futur (Samb 1998 : 172). La demande divinatoire cherche à se mouvoir dans un passé en devenir dans le présent et dans un futur qui est déjà là, c’est pourquoi la divination est mise en vue en tant que, tout à la fois, voyance et prévoyance34 ».
Ainsi, avec son projet de Laboratoire de l’imaginaire, Sow proposait d’appréhender le temps par une compréhension pragmatique de la tradition. En suggérant que se développent des traditions qui sont inventions, créations et choix, il semble aussi partager l’idée de « décolonisation conceptuelle »35 qui s’accompagne de la reconstruction d’une nouvelle tradition africaine. Cet acte reconstructif est une double opération qui consiste à interroger de manière critique les traditions africaines mais aussi les philosophies ou sciences occidentales qui ont imprégné le continent africain pour comprendre sa « schizophrénie éthique ».
C’est aussi une invitation à penser le terme de « croyance ». Quoique ambigu, il est souvent frappé par la pensée dite moderne d’une connotation dépréciative36. Une croyance, qui est un état mental banal concernant un état du monde, peut être vraie ou fausse et associée à des niveaux variables de certitude. D’ailleurs nos connaissances, y compris nos connaissances scientifiques, demeurent un construit social37. Autrement dit, nos croyances modernes sont plus diverses qu’on ne le croit38 et ont beaucoup à nous apprendre sur notre histoire et notre société.
Le laboratoire de l’imaginaire a cessé de fonctionner avec le décès d’Ibrahima Sow39. Pourtant il faut noter que ses préoccupations font écho à l’intérêt, porté actuellement par certains intellectuels, aux fonctions complexes et multiples de l’imaginaire dans la vie collective, à leur appel à la nécessaire invention de nouveaux imaginaires (Felwine Sarr40, Bruno Latour41) – pour faire face aux bouleversements mondiaux présents et à venir – qui induit de considérer leur idéomotrice. Par ailleurs, il est intéressant de constater que le projet d’Ibrahima Sow (sans qu’il soit toujours mentionné) semble aussi trouver des développements chez des artistes, notamment sénégalais, de la nouvelle génération, telle par exemple l’initiative Kenu lab’Oratoire des Imaginaires42 du musicien Alibeta à Ouakam. Ces propositions invitent à reconsidérer des traditions sous la forme d’un détour par et non d’un retour à. Elles cherchent à trouver la dynamique, qui portée par l’intelligence de la tradition, peut venir nourrir la création actuelle.
Appréhender les objets des collections comme des dispositifs matériels de l’imaginaire
Ibrahima Sow, Divination, Marabout, Destin, aux sources de l’imaginaire, 2009, arts divinatoire des Cauris, p. 528.
Le travail d’Ibrahima Sow et son projet de Laboratoire de l’imaginaire qui conduisent à penser en d’autres termes les héritages culturels (notamment ceux de l’Afrique subsaharienne) amènent aussi à s’interroger sur les conditions d’exposition des objets des collections coloniales. Comment les musées en Afrique, ces lieux où nous conservons des images fixées dans des supports matériels, peuvent-ils rendre compte du fait que les objets des collections coloniales sont liées à des imaginaires, qu’ils soient utilitaires, rituels ou cultuels et de quelles manières, si ces fondements ont généralement disparu, peuvent-ils être réinterprétés par les multiples strates des représentations et des croyances actuelles ? Comment donner à voir ceci ? Voire même comment accueillir des pratiques culturelles bel et bien persistantes pour éviter d’ « entreposer dans les caves d’un musée poussiéreux » ces héritages, mais « pour les rendre vivants et productifs » ? Et devenir ces musées métaboliques ainsi que le conçoit Clementine Deliss43 ?
Ainsi, par exemple la collection du musée T. Monod de l’IFAN possède des objets variés comme des gris-gris, amulettes, talismans, etc. liés à des croyances anciennes, réactualisées, transformées, qui affectent souvent les publics africains. Dès lors, la sortie de l’ombre de ces objets, leur apparition au sein du musée, demande certainement des soins particuliers.
L’appel d’Ibrahima Sow à mieux appréhender le rôle de l’imaginaire et des techniques cognitives dans les sociétés humaines, et à les concevoir comme actives et dynamique, peut inciter à montrer comment certains des objets des collections ont été (ou sont encore) des dispositifs matériels de l’imaginaire (de « stockage externe »), tels les tam-tams qui ont été conçus comme interface imaginée avec le cosmos, comme objet vivant et agissant intégré à un réseau de gestes, de chants et d’effets visuels et sonores, facilitateur des relations dyadiques entre humains et/ou non humains. Les textes de Sow nous convient à reconsidérer les modalités pragmatiques de l’efficacité de ces objets, les rapports entre images mentales et images physiques, la complémentarité entre les signes linguistiques et les signes iconiques, le rôle de l’exhibition du corps humain en action comme support d’interférences, des problèmes qui intéressent autant la psychologie de la perception que l’esthétique, la pragmatique de l’action que la théorie du langage. Cela mène à analyser ces objets comme des agents dotés d’une intentionnalité sociale déléguée44 et à examiner leurs effets sur leur environnement, notamment la manière dont ils impliquent des opérations cognitives. Finalement, Ibrahima Sow, sans le dire par ces termes, leur crédite une autonomie intentionnelle, une capacité à agir par leurs propres moyens, liée à des techniques d’activation et de désactivation45. Il montre aussi que l’intention sociale (spirituelle ou religieuse) déléguée à ces objets n’a pas disparu. Certains d’entre eux restent donc de possibles intercesseurs de présences, des objets chargés, médiateurs dans les processus sociaux, au sein de traditions qui sont en mouvement et se transforment. Dès lors, comment donner une présence à des forces suprasensibles dont ces objets sont les intercesseurs, qui sont des manières d’enchâsser notamment le cosmique dans le quotidien (tel par exemple l’espace du xamb46 créé dans le jardin du musée T. Monod depuis 2019) ? Toutefois, il ne s’agit pas de délaisser la complexité des relations actuelles à ces objets marquée par « l’aventure ambiguë47 » du continent, dès lors comment montrer également la pluralité ontologique de ces objets ?
Tout ceci soulève de nombreuses questions et différentes pistes de travail. La notion d’autonomie intentionnelle des objets et leur fonction agissante sur le réel apparaît, par exemple, pour Sow dans la dimension magique de certains objets qui servent aux actes de maraboutage ou de divination.
« Les charmes et les gris-gris relèvent de stratégies de pouvoir magique ». (…) « Dans la religion on prie le dieu, dans la magie on lui donne un ordre » (Gorce, Mortier 1948 : 261). Le pouvoir, en Afrique noire, est souvent lié à la parole, à l’écrit et à la magie – celle-là relevant aussi de celle-ci, qui permettent à l’homme de s’allier les forces à son service, en les condensant dans des allumettes, des charmes, des nœuds et des incantations48. (…) Le gris-gris est un terme générique, qui désigne indifféremment le talisman qui exerce une influence magique active bénéfique susceptible d’apporter la fortune ou le succès à son possesseur, et l’amulette qui a la vertu de préserver des malheurs (Pauwels 1953 : 120) possède la propriété magique (« passive » de protéger son possesseur contre les puissances maléfiques) (…) Le signe n’est pas seulement le signe de ce qui doit arriver mais il est souvent représenté comme la cause de ce qui arrive. C’est là un principe de base de la magie sympathique49, qu’un « mal peut être guéri par un objet qui pressente analogie ou similitude avec lui. Il n’en était pas autrement dans nos pays d’Europe. (…) La distinction dans la mentalité magique qui est quasiment nulle et fantaisiste entre « prédire et produire, savoir et pouvoir » étant entendu, la demande magique d’amulettes et de gris-gris qui est sollicitée pour canaliser les angoisses individuelles et pour résoudre les problèmes relationnels permet, il me semble, d’atténuer plus qu’elle ne les vivifie les conflits et les tensions qu’engendrent les compétitions, les relations et les alliances socio-professionnelles et familiales. (…) Les amulettes qui protègent doivent être aussi protégées, pour garantir leur efficacité, mode d’emploi et utilisation50 ».
Dès lors, une hypothèse s’offre à nous, le recours à la pensée magique qui rompt le principe de causalité, pierre angulaire de la rationalité occidentale, en rendant sensibles d’autres interactions possibles entre les êtres et les choses, d’autres principes actifs au cœur du réel, pourrait-il permettre aux musées de créer des initiatives pour (re)penser les conditions de l’expérience des visiteurs et visiteuses ? Pour inventer des propositions (activation des objets, performance, invocation, construction d’histoires, de liens, de récits…) conduisant à la mutation de nos relations aux collections mais également aux savoirs qui ont été négligés et malmenés ? Pour construire des projets reposant sur la considération des effets et des affects générés par/avec les objets ? De quelles manières concevoir des situations où les objets soient activement investis, afin d’accomplir autre chose, au delà de leur matérialité particulière, et d’entretenir leurs relations avec les êtres qu’ils invoquent ? Comment travailler leur dimension transitionnelle, c’est-à-dire le fait que leurs sens et leurs valeurs, notamment d’usage, ne soient pas figés mais situés et rejoués dans un contexte précis ? Comment ces objets, attracteurs culturels autour desquels se reconfigurent des récits (textuels, oraux et performatifs), peuvent-ils contribuer à des formes de résilience et des mutations, en étant accompagnés par de nouveaux modes de présentation et d’effectuation ? En d’autres termes, comment permettre leur apparition en créant des conditions particulières, en montrant leur dimension d’objet affecté, engagé – comme le récit qui engage.
Ces perspectives pourraient également contribuer à reconsidérer les implications voire les pouvoirs des œuvres contemporaines dialoguant avec ces collections ou leurs héritages, en considérant par exemple la notion de talisman dans le champ de l’art. Comme le dit Olivier Marboeuf, « accompagner l’apparition d’une forme artistique – en lui conférant un potentiel magique – et la situation qu’elle déploie, c’est sentir précisément qu’une série de gestes y dessinent une zone de trouble, de nouveau ‘que quelque chose se passe à cet endroit’, quelque chose que l’on sent nécessaire, mais dont on ne cerne pas forcément la forme51 ».
En conclusion temporaire, la perspective d’Ibrahima Sow engage incontestablement une relecture des infrastructures intellectuelles et muséales sur le continent africain dont elle élargit les approches et les possibilités en interrogeant leurs pratiques et leurs concepts, en révélant des savoirs anciens dont elle exhume les potentialités. Le musée en étant attentif aux écologies de l’imagination peut se définir comme un lieu ouvrant une « perspective futuriste et avant-gardiste », essentielle pour initier des dynamiques créatrices, prospectives, et des rêveurs mobilisant des scénarios renouvelés, afin de faire apparaître « le rêve prémonitoire entre voyance et prévoyance », de remanier la réalité du présent et d’élaborer les métaphores de demain. Il reste désormais à poursuivre l’invention de passes magiques, à réinventer des dispositifs de partage d’expériences imaginatives, où les objets peuvent assumer le rôle d’amorces de l’activité imaginative collective et permettre une imagination exploratoire et agentive mobilisant particulièrement la capacité à produire de l’action.
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Ibrahima Sow, Divination, Marabout, Destin, aux sources de l’imaginaire, Dakar, IFAN UCAD, 2009, p. 486. ↩
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Comme le souligne Julien Bondaz, dans « L’onirothèque de l’IFAN.Collecter les rêves à la fin de la période coloniale », les relations du travail de Sow aux études produites durant la période coloniale (usage de certains termes, sources, données empiriques, concepts, références) sont à analyser tout comme la manière dont il les déplace, effectue des ruptures et nourrit ses recherches avec d’autres sources, matériaux et références. https://troublesdanslescollections.fr/2021/12/17/article-2-2/ ↩
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Il fut bibliothécaire et chef du service des publications de l’IFAN UCAD. ↩
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Sow reprend ce terme aux textes écrits en contexte colonial qui dévalorisaient les croyances des populations colonisées. Mais Sow ne le charge pas systématiquement d’une connotation péjorative mais l’aborde dans sa dialectique. ↩
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Ibrahima Sow, La symbolique de l’imaginaire, dialectique du faste et du néfaste à partir des présages, superstitions et gaaf, Dakar, editor Ibrahima Sow, 2008, p. 18. ↩
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Op. cit., p. 18. ↩
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Op. cit., p. 13. ↩
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Gaaf, en wolof, signifie un fluide de bonne ou mauvaise influence qui peut affecter l’être dont il émane ou son entourage direct. ↩
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Op. cit., p. 11. ↩
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Sur les affects, voir Gregory J. Seigworth, Melissa Greg, Affect Theory Reader, Londres Durham, Duke University Press, 2010. ↩
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Dëmm, en wolof, signifie un individu qui est doté du pouvoir maléfique de dévorer « l’âme » d’autrui. Sur les sorciers anthropophages, voir Filip de Boeck, “’Le deuxième monde’ et ‘les enfants-sorciers’ en RDC”, Politique africaine, n°80, 2000, p. 32-57. https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2000-4-page-32-htm ↩
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Op. cit., p. 13. ↩
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Op. cit., p. 15. ↩
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Op. cit., p. 17. ↩
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Dans la religion traditionnelle des Lébou, il existe trois esprits : les Tuur (les âmes des ancêtres), les Rab (des forces occultes, souvent propriétaires d’un lieu, dont personne ne connait l’histoire) et les Djinns. ↩
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Voir la notion d’économie occulte, John L. Comaroff, Jean Comaroff, « Occult Economies and the Violence of Abstraction : Notes from the South African Postcolony », American Ethnologist, vol.26, n°2, 1999, p. 279-303. Selon ces auteur-rice-s, l’essor actuel des formes d’économie occulte est en rapport direct avec l’idéologie néo-libérale propre au capitalisme contemporain. ↩
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https://africulturelle.com/2018/02/04/hommage-au-pr-ibrahima-sow-le-philosophe-de-limaginaire/. ↩
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Voir l’analyse de Julien Bondaz et Julien Bonhomme, L’offrande de la mort – Une rumeur au Sénégal, Paris, CNRS Editions, Bibliothèque de l’Anthropologie, 2017, qui historicise le fonctionnement d’une rumeur d’offrande de la mort aujourd’hui, ses implications symboliques et morales et identifie une crise contemporaine du don (c’est à dire des pratiques de redistribution) au Sénégal induite par les mutations politiques, économiques et religieuses du pays en révélant les contradictions des normes de charité religieuse et la part occulte de la socialité. La rumeur analysée est comme une dénonciation des riches, qui font semblant de redistribuer aux pauvres, et qui désigne le fait que le capitalisme prédateur ne s’inscrirait plus dans les limites moralement acceptables de l’islam. Elle est liée à des transformations sociales profondes : reconfigurations du magico-religieux et de la sorcellerie, sociabilités urbaines, rapport aux étrangers, crise de la masculinité, logiques médiatiques, appropriation des nouvelles technologies, violence et ressorts de la justice dite populaire. ↩
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Ibrahima Sow, Divination, Marabout, Destin aux sources de l’imaginaire, Dakar, IFAN, 2009, p. 21. ↩
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Op. cit., p. 488. ↩
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Paul Stépanoff, Voyager dans l’invisible, techniques chamaniques de l’imagination, Paris, Les empêcheurs de tourner en rond, La Découverte, 2019, p. 27. ↩
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Op cit., p. 14. ↩
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Op. cit., p. 18. ↩
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Cette conception évite les apories d’une classification des imaginaires humains (notamment selon leur conformité au réel), pour plutôt distinguer différents modes d’engagement des sujets par rapport à leur propre activité imaginative. ↩
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Alain Berthoz, Claude Debru (dir.), Anticipation et Prédiction. Du geste au voyage mental, Paris, Odile Jacob, 2015. ↩
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Djibril Samb, L’interprétation des rêves en Afrique noire (La Sénégambie), Bruxelles, Ediphis, 2004. Il écrit que les “cultures onirologiques de l’Egypte ancienne, gréco-romaine, judéo-chrétienne et islamique, sont problablement venues se greffer sur les vues sénégambiennes donnant naissance à une culture onirologique à la fois composite et originale, ouverte mais profondément enracinée” (p. 9). Ce travail est lui aussi à étudier. ↩
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Alain Berthoz, Claude Debru (dir.), op. cit. ↩
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Ibrahima Sow, Divination, Marabout, Destin, aux sources de l’imaginaire, op. cit., p. 479. ↩
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Op. cit., p. 479. ↩
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Fabien Eboussi-Boulaga, La crise du Muntu : authenticité africaine et philosophie, Paris, Présence Africaine, 1977, p. 151. ↩
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Paulin Hountondji, Sur « la philosophie africaine », critique de l’ethnophilosophie, Paris, Maspero, 1977, p. 228. ↩
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Op. cit., p. 486. ↩
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La conception du temps en Afrique est largement discutée par les philosophes, voir notamment les travaux de Souleymane Bachir Diagne et Kawi Wiredu. ↩
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Op. cit., p. 485 : « Comme l’écrit assez justement Valabrega, « le destin c’est littéralement – le futur antérieur. Non pas c’est, ou ce sera, mais le futur contenu et retourné, renvoyé dans le passé, le révolu. C’était écrit ». (Valabrega 1988 : 33). (…) ce qui montre dans la conception wolof par exemple, que l’efficience du ndogalu yàlla ne se concrétise qu’à partir de la réalité du nattu, et c’est pourquoi le destin est aussi un renversement des temps verbaux : passé, présent et futur ». ↩
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Kwasi Wiredu, A Companion of African Philosophy, malder Oxford, Blackweel publishing, 2004, p. II. ↩
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Qualifier de croyance une opinion, une idée ou une thèse, c’est en général vouloir lui ôter toute crédibilité et présupposer l’incertitude voire le manque de sérieux. Le mot ‘croire’ est pourtant fortement polysémique. ↩
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Yann Schmitt, « L’épistémologie des croyances religieuses au prisme des sciences sociales », Archives de sciences sociales des religions, n°169, 2015, p. 157-178. ↩
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Gilbert Rist, Le Développement. Histoire d’une croyance occidentale, Presses de Sciences Po, Paris, 2001. ↩
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Le laboratoire a été reconnu par l’IFAN, raison pour laquelle il était implanté à l’intérieur de l’Institut. Cependant, à l’instar de d’autres laboratoires qui ont été créés après le Décret qui donne à l’institut ses attributs, il n’y figura pas officiellement et disparu avec le décès de Sow qui était son principal protagoniste. ↩
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Felwine Sarr, Afrotopia, Paris, Philippe Rey, 2016. ↩
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Bruno Latour, Où suis-je ?, Leçons du confinement à l’usage des terrestres, Paris, Les empêcheurs de tourner en rond, La Découverte, 2021. ↩
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Le Lab’Oratoire des Imaginaires est un espace culturel né en 2020, sous l’impulsion de l’artiste Alibeta qui a rassemblé́ un collectif composé de plusieurs structures. « Autour du centre de ressources s’articulent les activités de formation, d’intermédiation, de production-diffusion et de recherches. Enraciné dans les arts, la culture et l’oralité, Kenu a pour mission d’explorer les imaginaires, les pratiques sociales et savoirs traditionnels de la société ouakamoise. Inspiré par les méthodes de recherche-action, le Lab’Oratoire utilise des outils appartenant tant aux sciences sociales et à l’éducation populaire qu’au monde artistique en vue d’expérimenter de nouvelles manières de faire-ensemble pour produire de nouvelles formes d’actions collectives au service de la communauté et révéler les potentialités actuelles des imaginaires ». ↩
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Clémentine Deliss, The Metabolic Museum, Berlin, Hatje Cantz, 2021. ↩
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Dans « La double des images » in Emmanuel Alloa (dir.), Penser l’image II, Anthropologies du visuel, Dijon, Les presses du réel, 2015, p. 131-143, Philippe Descola a écrit : “une intentionnalité agissante peut être attribuée par les humains à une entité non humaine pourvu que l’on puisse inférer en elle, par abduction, une capacité à agir intentionnellement analogue à celle des humains ». ↩
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Alfred Gell, L’art et ses agents. Une théorie anthropologique, Dijon, Les presses du réel, 2009. Les attitudes que nous avons face à ces objets doivent être comprises en les rapprochant des systèmes de causalité propres à la sorcellerie : nous inférons à travers l’objet d’art la présence d’une personne disséminée. Cette théorie déplace doublement les termes de l’esthétique occidentale (dont le concept de style) car il s’agit non seulement d’abolir les frontières théoriques entre l’art « ethnographique » des musées et celui, bien vivant, qui est produit et circule dans les sociétés, mais aussi de trouver la trame cognitive commune à La Joconde et aux proues de navires mélanésiens. ↩
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Xamb, en wolof : pour habiter un lieu où vit un rab, il fallait chez les Lébou des rites et cérémonies religieuses afin d’établir une harmonie entre la communauté et les forces de la création. ↩
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Cheikh Hamidou Kane, L’aventure ambiguë (1961). ↩
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Ibrahima Sow, La symbolique de l’imaginaire, op. cit., p. 128. ↩
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Un concept qui a été largement discuté. Voir Frédéric Keck, « Les théories de la magie dans les traditions anthropologiques anglaise et française », Methodos, n. 2, 2002, https://doi.org/10.4000/methodos.90. ↩
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Ibrahima Sow, La symbolique de l’imaginaire. Op. cit., p. 129. ↩
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Entretien — Artistes en résidence, Parler l’ombre, Une conversation entre Ana Vaz et Olivier Marboeuf, Khiasma, 2018, http://www.khiasma.net/magazine/parler-lombre/ ↩