Les Arts sénégalais au Musée dynamique

Maureen Murphy

« Construit d’abord pour les artistes sénégalais1 », le Musée dynamique est l’une des rares institutions africaines inaugurées au moment des Indépendances pour promouvoir la création contemporaine nationale (fig. 1). « Service public d’éducation artistique et d’échanges culturels, chargé de contribuer au développement des arts sénégalais, le Musée Dynamique a pour mission essentielle de présenter et de mettre en valeur, sous forme d’expositions permanentes ou périodiques, les œuvres des artistes et artisans nationaux2 », stipule le décret de 1966. Au vu de l’histoire des expositions d’artistes sénégalais organisées par ce musée, force est de constater que ces dernières furent pourtant moins nombreuses que les expositions accueillies et organisées par des Institutions internationales telles que l’UNESCO ou des nations amies telles que l’Allemagne, la France, la Suède ou la Suisse, par exemple. Car si le musée fut d’abord conçu pour les artistes sénégalais, ce n’est sans doute pas uniquement en tant que lieu de promotion de leurs œuvres, mais également comme lieu de découverte et de confrontation : qu’il s’agisse des reproductions de dessins de Léonard de Vinci (UNESCO, 1970), de peintures chinoises placées en regard de Paul Klee et Kandinsky (UNESCO, 1970), de l’œuvre de Malcom de Chazal (1973), de Friedensreich Hundertwasser (1976), des expositions consacrées à Picasso (1972), à Alechinsky, Arman ou Zao Wou Ki (Rencontres, 1984), toutes furent conçues comme des sources d’inspiration pour les artistes, des modèles auxquels se confronter. Et si l’éclectisme de la programmation peut surprendre de prime abord, des tendances et des goûts émergent toutefois : dans les années 1960 à 1970, sous l’impulsion du Président Senghor, le Musée privilégie la peinture de chevalet et des œuvres que l’on associe communément à la Seconde École de Paris offrant, de fait, une vision de l’art contemporain qui pourrait paraître décalée par rapport à l’engouement croissant pour l’art conceptuel développé à l’étranger dans les mêmes années, mais qui correspondait aux goûts du Président qui jouait le rôle de commissaire d’exposition et de critique d’art. Dans les années 1980, sous la direction d’Ousmane Sow Huchard, le Musée se rapproche d’une nouvelle génération d’artistes (El Hadji Sy, 1987) et fait place à la performance (Plekhanov du Laboratoire Agit’Art en 1985, 1986, 19873), ainsi qu’à des propositions plus diverses, en lien avec l’histoire coloniale comme nous le verrons avec Alpha Walid Diallo, en 1986. Ousmane Sow Huchard initie aussi un salon annuel de l’artisanat, ainsi qu’un salon annuel des manufactures sénégalaises des Arts décoratifs (les tapisseries). Autant d’initiatives qui témoignent d’un désir d’estomper l’opposition entre beaux-arts et artisanat (héritée de l’époque coloniale) mise en place dans les premières années de l’Indépendance et qui distinguait, d’un côté la création contemporaine exposée au Musée dynamique et de l’autre le village artisanal de Soumbédioune (1961), tandis que les Manufactures de Thiès dédiées à la production de tapisseries étaient créées à Thiès, en 1966. Cette répartition entre lieux de production et lieux d’exposition devait d’ailleurs se compléter par une cité des arts que Senghor avait l’intention de construire autour du Musée dynamique et qui aurait fourni aux artistes des ateliers et lieux de vente, mais qui ne vit jamais le jour4. Sans doute fallait-il donner le temps à toutes ces structures de porter leurs fruits avant de les exposer au Musée dynamique (dont les graines préfigurent d’ailleurs la section « Design » créée par la Biennale de Dakar à partir de 1996). Pendant ses vingt ans d’activité, le Musée dynamique constitua donc non seulement un théâtre mais également un acteur de la décolonisation en mettant en place de nouvelles formes de coopérations (non exclusivement tournées vers la France). De nouvelles formes de créations « modernes » furent valorisées, dans une démarche inverse à celle développée à l’époque coloniale : quasiment exclusivement consacrés à l’ethnographie, les rares musées implantés par les Européens avaient, en effet, pour vocation de collecter les traces des cultures « indigènes » et de les présenter en tant que documents voués à optimiser la colonisation5. Dans ces structures, les artefacts étaient plongés dans un présent atemporel déniant toute temporalité aux cultures représentées6. Clamer la contemporanéité des créations au Musée dynamique, promouvoir l’art vivant en dialogue avec le monde (la France, la Suède, la Suisse, la Chine, l’Argentine ou le Québec ou le Zaïre), relevait d’un défi symbolique, diplomatique et politique. La constitution et la valorisation de nouveaux patrimoines (modernes, contemporains) introduisirent également une rupture avec les démarches passées tout en complétant l’existant exposé à l’Institut fondamental d’Afrique Noire. Nous étudierons dans un premier temps les salons nationaux et les expositions organisées sous la Présidence de Senghor dans un effort de consolidation de l’identité nationale, pour nous intéresser, dans un second temps aux expositions organisées par Ousmane Sow Huchard ainsi qu’à la place des associations d’artistes au sein du Musée.

Fig. 1. Troisième salon d’art sénégalais, musée dynamique, Dakar 1975. Photographie reproduite dans Le Soleil, 7 juillet 1975, p. 3. Droits réservés.

Forger un imaginaire national

Pour consolider l’idée de communauté nationale7, Léopold Sédar Senghor conféra aux arts et à la culture une place centrale, créant les infrastructures et octroyant aux artistes des moyens de se former, de vivre de leur art et d’exposer qui (à quelques exceptions près) n’existaient pas à l’époque coloniale. Au sein de l’Empire français, les Beaux-arts étaient considérés comme une prérogative européenne, tandis que des centres artisanaux furent privilégiés pour relancer une production paradoxalement mise à mal par la colonisation8. La Maison des arts de Bamako (1931) ou le Centre artisanal indigène attenant au musée d’Art et d’Arts appliqués indigènes créés à Abidjan en 1941 constituèrent des modèles voués à être dupliqués en Afrique de l’Ouest9, tandis que les écoles et Musées des Beaux-arts étaient réservés à l’élite métropolitaine et furent plutôt développés en Afrique du Nord (école des Beaux-arts d’Alger, 1843) et en Asie (école des Beaux-arts d’Hanoï, 1931). Dans le paysage dakarois, le Musée dynamique introduit donc une rupture à la fois symbolique et temporelle en valorisant la création contemporaine inscrite dans le registre des Beaux-arts, quand l’Institut français d’Afrique noire (IFAN) était dédié à l’ethnographie et à l’artisanat. Avec Senghor, les hiérarchies (beaux-arts/artisanat, Afrique/Europe) n’étaient fondamentalement pas remises en question, mais elles devenaient plus inclusives et plaçaient sur un pied d’égalité l’art contemporain d’Afrique, d’Europe et d’Amérique et d’Asie. Clamer la contemporanéité des créations européennes et africaines au Musée dynamique, exposer à la fois l’École de Paris et l’École de Dakar ne fut pas chose aisée, comme en atteste l’organisation houleuse de l’exposition Art sénégalais d’aujourd’hui au Grand Palais, à Paris, en 197410. Cette ambition répondait à l’idée d’égalité consubstantielle à la décolonisation ainsi qu’au vœu des artistes eux-mêmes. En 1972, Papa Ibra Tall s’interrogeait ainsi :

« Ne s’est-on jamais demandé pourquoi notre art ancien, sur quoi tout a été dit, continue de faire l’objet d’ouvrages de plus en plus volumineux et luxueux tandis pendant que notre art actuel est entouré du silence le plus complet ? La réponse est facile (…) : l’art actuel dérange par ses velléités d’autonomie. Un fait est éloquent en l’occurrence : l’on accepte d’exposer nos œuvres actuelles en Europe, mais à condition que notre exposition soit cautionnée par la présence de quelques œuvres anciennes. Peut-on seulement concevoir une exposition groupant César, Raysse, Tourlière, Wogensky et d’autres peintres français actuels, validés par un fatras où se mêleraient les statuaires grecques, romaines, romanes, etc. … Trêve de plaisanterie, conclut-il. Que l’on s’occupe un peu de nous, les vivants ! 11 »

Cette critique de la filiation systématique et essentialiste opérée entre création contemporaine et arts du passé pour les artistes africains, aurait pu également être adressée à la philosophie de la négritude institutionalisée au Sénégal par Senghor. Nombreux furent, en effet, les détracteurs de cette théorie souvent qualifiée de romantique, d’essentialiste, voire même de raciste12. Comme l’a montré Elizabeth Harney dans In Senghor’s Shadow, la génération d’artistes formée sous Senghor, façonna tant bien que mal une démarche susceptible de répondre à la fois aux attentes du chef de l’État en termes d’imaginaires liés à la négritude, ainsi qu’à leurs propres aspirations personnelles13. L’éclectisme des styles est d’ailleurs révélateur des différentes directions prises par ces derniers : certains privilégiant l’abstraction (Mor Faye ou Mbaye Diop), d’autres une forme de réalisme soviétique idéalisé comme Abdoulaye Ndiaye ; les uns puisant dans les contes et légendes africaines (Diatta Seck, Amadou Seck), d’autres dans l’iconographie islamique comme Chérif Thiam, par exemple14. Irréductibles à un style que l’on aurait pu qualifier de « national », l’École de Dakar trouve plutôt son unité au niveau générationnel (la plupart des artistes en question sont nés en 1950) ainsi que dans le fait qu’elle fut soutenue et exposée sous Senghor, en particulier à l’occasion des Salons nationaux organisés au Musée dynamique en 1973, 1974 et 1975. Un cycle repris dans les années 1980 par Ousmane Sow Huchard et qui alimenta très certainement le désir de création d’une Biennale d’art contemporain censée promouvoir la création nationale.

Les Salons nationaux au Musée dynamique

La notion même de « salon » renvoie au modèle d’exposition privilégié en France, entre le XVIIème et la fin du XIXème siècle, pour promouvoir, dans le salon carré du musée du Louvre, les artistes formés par l’Académie royale de peinture et de sculpture, puis par l’Académie des beaux-arts15. Passé dans le langage courant, le terme est largement repris après la Seconde guerre mondiale pour désigner des regroupements d’artistes partageant convictions politiques et esthétiques, qu’il s’agisse du premier Salon des peintres témoins de leurs temps (Paris, 1951) marqué par le réalisme, des Salons des jeunes peintres (1950-1962) qui réunit de jeunes artistes sensibles à la peinture figurative ou du Salon des Réalités Nouvelles (de 1946 aux années 1960) plus proche de l’abstraction. À Dakar, dans les années 1970, le contexte est évidemment tout autre, mais le terme conserve sa dimension militante pour valoriser une scène contemporaine moderne, censée célébrer et consolider une identité nationale et panafricaine (fig.1 et 2). À l’occasion du premier salon national de 1973, le journaliste Gabriel J. Gomis écrit : « Ce sont les enfants de l’indépendance. Ceux qui incarnent la Négritude16 (…) C’est le bilan d’une décennie écrivait-il encore. Celle qui prouvera que la culture nègre sénégalaise moderne existe. Ou elle prouvera le contraire. C’est là le mérite d’une telle exposition17 ». Ces quelques lignes donnent à penser que la culture sénégalaise serait née ex nihilo au moment des Indépendances, l’époque coloniale ne pouvant être qualifiée de « moderne » puisque marquée par le joug de la domination. Visant à promouvoir l’idée de rupture et de renouveau associés aux Indépendances, cette vision éminemment politique ne rend pas compte de la diversité des pratiques artistiques développées antérieurement dans la région, qu’il s’agisse des peintures sous verre (suweer en woloff), de la photographie18, de la sculpture ; ou encore de la danse et la musique. Les artistes ne partaient pourtant pas de « rien » (comme en attestent leurs œuvres), mais Senghor décida d’opter pour des structures de formation de type Beaux-arts inspirées des modèles européens tout en privilégiant certains médiums (la peinture, la tapisserie, la littérature), plutôt que des métiers ou des pratiques inscrites dans le registre des arts populaires ou de l’artisanat. Il fallut donc du temps aux artistes pour se former et constituer un corpus d’œuvres susceptible de répondre aux attentes du chef de l’État.

Dans l’histoire du Sénégal indépendant, les artistes sénégalais exposèrent pour la première fois, en 1966, à l’occasion de l’exposition Tendances et confrontations organisée pendant le Festival mondial des arts nègres19. Contrairement à ce que l’on aurait pu penser, l’exposition n’eut pas lieu au Musée dynamique, mais au Palais de justice ; le Musée dynamique fut donc inauguré par une exposition d’arts « anciens », le contemporain étant sans doute jugé encore trop « jeune ». En 1970, Iba Ndiaye peintre et responsable de l’exposition Tendances et confrontations, écrivait :

« L’intention déclarée des organisateurs du Festival [était que celle-ci] "reflète l’unité et l’originalité du monde noir actuel". En fait, l’exposition de Dakar se caractérisait par une grande hétérogénéité, dont la source n’était malheureusement pas à chercher dans l’originalité des différents courants artistiques de l’Afrique contemporaine ! […] On ne peut pas encore parler d’art contemporain africain ; celui-ci se cherche d’autant plus que le médium privilégié, la peinture sur panneau ou sur toile, conçue pour elle-même, indépendante du cadre architectural […] n’existait pas en Afrique noire et qu’elle y fut importée d’Europe au début de notre siècle20 ».

Le défi posé par l’acquisition (souvent contestée) de modèles importés d’Europe alimente de nombreux débats dans les années 1960, qu’il s’agisse du domaine des musées, des arts plastiques ou de littérature. Il n’est pas anodin de noter, à cet égard, que le premier artiste sénégalais à bénéficier d’une exposition monographique au Musée dynamique, soit Iba Ndiaye, un peintre formé à Paris dans les années 1940 et revenu au Sénégal à la demande de Senghor en 1959.

L’exposition Iba Ndiaye, 1977

Né à Saint Louis en 1928, formé à la peinture en France21 où il réside entre 1948 et 1959, Iba Ndiaye compte parmi les premiers enseignants à l’École des arts de Dakar. Sa renommée internationale (Paris, 1963 ; Dakar, 1966 ; Alger, 1969 ; Lagos, 1977) imposait une exposition monographique à Dakar (fig. 2). Le choix en faveur d’Iba Ndiaye n’en est pas moins paradoxal eut égard au fait qu’il compte parmi les détracteurs de la négritude Senghorienne. Comme bien d’autres (Stanislas Adotevi, Wole Soyinka ou Sembène Ousmane, par exemple22) Iba Ndiaye récusait l’idée d’Afrique développée par ce dernier, le caractère essentialiste de la négritude, ainsi que les risques d’enfermement identitaire qu’elle pouvait revêtir. Également en désaccord avec les méthodes pédagogiques des enseignants de l’école des arts de Dakar, il quittera la capitale sénégalaise en 1966. Les textes des divers auteurs publiés dans le catalogue de son exposition dakaroise sont révélateurs des tensions auxquelles des artistes tels que lui sont confrontés dans ces années-là : entre injonction à incarner une forme d’authenticité africaine23 et volonté de s’affirmer en tant qu’artiste « comme un autre »24. Par son approche culturaliste et ethniciste, l’ethnographie avait contribué à réifier les identités ; héritière de ces classifications, l’histoire de l’art perpétua cette approche en associant une esthétique à un groupe donné, un style à une ethnie25 selon des regroupements faisant fi de toute profondeur historique qui aurait permis de souligner les ruptures, les hybridités, les connexions extra-ethniques. Au moment des Indépendances, les artistes sont tributaires de ces perceptions racialistes et lorsqu’ils n’incarnent pas l’Afrique, il leur est souvent reproché d’imiter l’Europe26. S’il s’inspire de moments de la vie au Sénégal marqués par les fêtes musulmanes (la Tabaski ou le Timis, par exemple) s’il réalise des portraits de ses proches (comme celui de sa nièce Anna, exposé en 1977), Iba Ndiaye est également passionné de jazz, sensible aux courants de l’abstraction, ainsi qu’aux classiques de la peinture européenne et du monde ; il ne souhaitait pas voir son œuvre réduite à l’illustration d’une identité en particulier27. À Dakar, dans les années 1970, il n’en constitue pas moins un modèle de réussite dont les œuvres sont exposées pour inspirer les jeunes générations, la plupart de ses tableaux faisant d’ailleurs déjà partie de collections privées ou d’État.

Fig. 2. Iba Ndiaye à l’inauguration de son exposition en présence du président Senghor et de son épouse, Musée dynamique, 1977. Droits réservés.

Dès 1967, le Sénégal commence à acquérir des œuvres d’artistes qui rejoindront le domaine artistique privé de l’État28. À partir de 1986, quatre cents mètres carrés de la mezzanine du Musée dynamique seront d’ailleurs dédiés à l’exposition de ces œuvres vouées à décorer les lieux officiels du pouvoir tels que les palais nationaux, les édifices publics et les Ambassades du Sénégal dans les pays étrangers. La vocation éminemment politique et diplomatique du Musée s’exprime également dans les coopérations mises en place en son sein : l’exposition d’art afro-brésilien organisée en 1968, fut ainsi non seulement l’occasion de découvrir l’art du Brésil, mais de recevoir un don d’équipements nécessaires à la constitution d’un atelier de gravure à l’école nationale des Beaux-arts de Dakar, en 1974 qui fut réitéré en 198629. Cette dimension officielle du lieu ne pouvait subir aucune entorse sous Senghor, ce que les artistes eurent parfois du mal à accepter.

Vitrine (et incident) diplomatique

À l’époque du premier Président, les expositions étaient généralement inaugurées par le chef de l’État entouré des membres du Gouvernement, du corps diplomatique ainsi que de différentes personnalités publiques aussi bien que privées30. Selon un protocole présidentiel strict, le public et les artistes n’étaient autorisés à pénétrer à l’intérieur du musée qu’une fois le chef de l’État sorti. Mbaye Diop, l’un des artistes associés à l’école de Dakar et remarqué pour son œuvre Les sept génies (un triptyque monumental daté de 1974, exposé dans Art sénégalais d’aujourd’hui et intégré par la suite aux collections de l’État, fig. 3), refusa de se soumettre à ce protocole lors du premier salon national de 1973. Profitant d’un moment d’inattention, il pénétra à l’intérieur du musée et se posta devant son œuvre en attendant le Président. La confrontation entre les deux hommes fut apparemment violente (Mbaye Diop interpellant Senghor au sujet de l’exclusion des artistes) et provoqua un malaise chez le chef de l’État qui dû se retirer. Quant à l’artiste et selon Ousmane Sow Huchard, il fut passé à tabac et arrêté, puis gracié par Senghor qui décida d’inviter les artistes à présenter eux-mêmes leurs œuvres à partir du second salon national. Cette anecdote met en lumière les rapports hiérarchiques instaurés par le premier chef de l’État avec les artistes, ainsi que la valeur diplomatique qu’il accordait aux expositions. À la fois critique d’art, mécène, commissaire d’exposition et chef de l’État, le Président Senghor cumulait toutes les fonctions et laissait peu de place aux professionnels qui officiaient au sein du musée. Un conservateur tel que Salif Diop31, par exemple, organisa la plupart des expositions historiques du musée dynamique, mais il fut peu mis en avant et resta toujours dans l’ombre du Président.

Fig. 3. Vue de l’œuvre de Mbaye Diop, Les Génies imaginaires (huile sur toile, 1974) à l’exposition Art sénégalais d’aujourd’hui, Salle de la rotonde, Grand Palais, Paris, 1974. Droits réservés.

Cette ambition répondait aux visions de Senghor, mais coïncidait mal avec la réalité à laquelle la plupart des Sénégalais étaient confrontés dans les années 1970. À l’occasion du colloque Picasso, Iba Ndiaye cibla cette politique, sans la nommer explicitement :

« Nous n’avons pas à faire des expositions ou organiser des manifestations pour montrer à l’Occident ce dont nous sommes capables. Nous avons à nous mettre une chose dans la tête et être conscients de cela, que nous devons être présents au rendez-vous de l’Universel avec une culture qui nous vient de notre continent … Je pense qu’en tant qu’Africain que la position à prendre est de se ranger du côté du peuple32 ». Droits réservés.

C’est à renforcer cette proximité avec le public et les artistes que s’efforça Ousmane Sow Huchard lors de son arrivée à la direction du musée en 1982.

Le Musée dynamique et la société civile

Formé au Québec pour participer à la création du Musée des Civilisations noires voulu par Senghor, docteur d’une thèse en anthropologie sociale et culturelle de l’Université de Laval, Ousmane Sow Huchard est appelé à diriger le Musée dynamique en 198333, le musée des civilisations noires ne voyant finalement pas le jour. « Très tôt, écrit-il le Musée dynamique devient un temple ésotérique au service des milieux intellectuels et diplomatiques de la capitale sénégalaise34 ». Avec l’association des amis du Musée, Ousmane Sow Huchard tentera de briser cet isolement en renouant à la fois avec le public :

« On voyait des gens devant le Musée Dynamique, de l’autre côté du boulevard, et qui n’entraient pas […] Ils se sentaient rejetés par le musée […] Donc l’Association des amis du musée avait pour fonction d’emmener le musée aux populations du quartier de Fann-Hock […] On a commencé à casser la glace. C’est un travail qui était long et on ne l’a pas fini. C’est le travail de toutes les institutions culturelles de notre pays35 ». Droits réservés.

Nous l’avons vu, le caractère élitiste du musée concernait également le rapport aux artistes. Avec Ousmane Sow Huchard, ces derniers investissent le musée : en 1985, est fondée l’Association nationale des artistes plasticiens sénégalais36 dont le siège est installé au Musée dynamique. Inscrite dans la filiation de l’A.R.P.L.A.S.E.N. (l’association des artistes plasticiens du Sénégal) créée dix ans plus tôt par Papa Ibra Tall pour consolider les liens entre les 150 artistes affiliés et les différentes institutions créées par Senghor (le Musée dynamique, le commissariat aux expositions à l’étranger, les manufactures des arts décoratifs de Thiès, ainsi que les différents centres culturels). Or le dialogue escompté dans les années 1970 n’avait jamais véritablement forme. L’ANAPS, dont Ousmane Sow faisait lui-même partie relance les grands salons nationaux annuels au Musée dynamique. Comme au temps de Senghor, les salons de 1985 et 1986 sont l’occasion d’acquisitions qui viennent enrichir la collection du Musée, l’ambition étant à terme d’encourager le marché de l’art et la constitution de collections privées au Sénégal qui permettrait aux artistes de subvenir à leurs besoins37 en complément des moyens mis en place pour les soutenir : en 1979 avait été créée la cité des artistes plasticiens dans l’ancien centre médico-social de Colobane (quartier populaire de Dakar) qui combinait appartements et ateliers, et accueillait onze artistes membres de A.R.P.L.A.S.E.N. et fonctionnaires de l’État. Cette forme de soutien étatique fut largement remise en question par la génération suivante, qui taxa ceux qui en bénéficièrent d’« enfants gâtés38 » du régime senghorien. En 1977, regroupés autour des figures d’Issa Samb et El Hadji Sy, les membres du Laboratoire Agit Art investissent un camp militaire abandonné, le Camp Lat Dior, pour y installer des ateliers plus informels et non encadrés ou subventionnés. Situé à proximité de l’Institut national des arts du Sénégal, « les deux communautés artistiques se juxtaposent physiquement et socialement39 », comme le fait remarquer Elizabeth Harney. Même si la logique de l’avant-garde et les enjeux politiques opposent les deux communautés, les différents ne sont pas si radicaux qu’ils y paraissent et les artistes partagent bien des combats. Au Village des arts, se retrouvent ainsi cinéastes, photographes, peintres, écrivains, musiciens et acteurs animés par la volonté de redynamiser la création et de la politiser pour renouer avec les questions de société insuffisamment prises en compte, selon eux, par les artistes de l’école de Dakar ou la politique culturelle de Senghor. À propos des activités du Village des arts, El Hadji Sy écrit : « Des tendances nouvelles de l’art contemporain s’y précisaient déjà, en dehors de toute mainmise de l’état et sans subvention et firent de ce beau village un pôle d’extension de l’activité culturelle jusqu’ici confisquée par les institutions nationales et étrangères40 ». Rejoignant les propos d’Issa Samb cités précédemment, Sy visait sans doute le pouvoir accordé aux centres culturels à Dakar, ainsi qu’au mécénat de l’état jugé trop contraignant et sclérosant.

Sous Abdou Diouf, les investissements en faveur de la culture furent bien moindres et de nombreuses structures créées par Senghor furent détruites ou reconverties dans la précipitation41 : qu’il s’agisse du Musée dynamique brutalement évacué en 1987 ou du Village des arts dont les artistes furent expulsés en 1983. C’est donc dans un contexte bien différent que les Salons nationaux revoient le jour en 1985 : à la fois dans l’idée de tourner la page de l’époque senghorienne (la filiation avec les premiers salons est rompue, du moins dans les titres) et pour tenter de donner une meilleure visibilité à la création. Le « premier salon national des arts plastiques du Sénégal », eut lieu du 28 mai au 20 juin 1985 avec un caractère résolument tourné vers le public dakarois. Contrairement à ceux organisés dans les années 1970, il fut le théâtre de conférences et d’ateliers organisés par les artistes avec le public. Le second salon eut lieu du 23 mai au 23 juin 1986 sur le thème de « L’art contre l’Apartheid ». Inaugurée par Abdou Diouf, président en exercice de l’Organisation de l’Unité africaine, il réunit les œuvres de 77 artistes et précède la troisième performance du Laboratoire Agit’Art, Plekhanov III42. Il est également l’occasion d’annoncer la création d’un Festival panafricain des arts et cultures initié par Pathé Diagne et annoncé pour la fin de l’année 1986. « Notre souhait est que le Fespac soit, non seulement un grand forum d’affirmation des cultures africaines et de la Diaspora, mais aussi un grand rendez-vous de toutes les cultures du monde43 », affirmait le président Diouf en mai 1986. Ce festival n’aura finalement pas lieu, tous les événements prévus au Musée dynamique étant annulés fin 1987 et le musée évacué brutalement. Outre les salons nationaux, des salons annuels de l’artisanat et des manufactures sénégalaises des arts décoratifs, plusieurs expositions des collectives et monographiques furent organisées44 (fig. 4), parmi lesquelles celle consacrée à Alpha Walid Diallo du 26 octobre au 16 novembre 1986 (fig. 5).

Fig. 4. Vue extérieure de l’exposition El Hadji Sy – Les Œuvres récentes, Musée dynamique, Dakar, 1987. Archives El Hajdi Sy. Droits réservés.

L’exposition Alpha Walid Diallo en 1986

Né en 1927, ce dernier fait partie de la première génération des peintres sénégalais qui bénéficie d’un logement et d’un atelier à la cité des artistes plasticiens de Colobane, entre 1958 et 1983. Agent commercial de la Société occidentale africaine (SOA), il décide de se consacrer pleinement à la peinture en 1958, suivant les encouragements de L. S. Senghor qui remarque ses talents de dessinateur. Peintre diplômé du ministère de l’Enseignement technique en 1961, il développe une œuvre renouant avec la tradition des peintures d’histoire et qui retrace les grands événements et personnages de l’histoire du Sénégal dans un désir de préservation du patrimoine sénégalais. S’il illustre des manuels d’enseignement historique, des bandes dessinées, des contes, ainsi que des récits biographiques tel que celui consacré à Lat-Dior par Thierno Bâ en 197545, Diallo est surtout connu pour ses tableaux exposés lors des Festivals panafricains de 1969 (Alger), 1971 (Lagos), aux Salons nationaux à Dakar, ainsi qu’à Paris Art sénégalais d’aujourd’hui, 1974). Ses toiles circulent lors de la Semaine sénégalaise au Cameroun (1969), en Tunisie (1972 et 1973), aux Antilles en 1976 ainsi qu’au Koweït, qu’au Maroc en 1981, au Zaïre en 1987 et au Nigeria en 198746. Autant de manifestations qui attestent de l’importance conférée à la démarche de l’artiste, ainsi qu’à l’intensité des relations diplomatiques établies par le Sénégal à l’international, via les arts et la culture.

Fig. 5. Alpha Walid Diallo, « La bataille de Daraay Kadd », huile sur toile, 90 x 150 cm, 1986. Collection Jom-Dakar. Droits réservés.

L’intérêt porté à l’histoire par l’artiste se nourrit d’une amitié nouée avec l’archiviste Omar Bâ qui le guidera dans les collections des archives nationales dont ce dernier est responsable : des revues telles que Le Tour du Monde (1860-1914), des photographies, gravures, archives des XIXème et XXème siècles (courriers, cartes, documents administratifs) constituent autant de sources d’inspiration pour ses tableaux illustrant batailles, défaites et portraits de figures illustres47. Parmi les sources mentionnées dans les catalogues figurent parfois des objets ou costumes, tels que le costume de guerrier et la selle du Bour Sine Coumba N’Doffène Famack provenant des collections du Musée dynamique et qui put inspirer à Alpha Walid Diallo le portrait d’un chasseur qu’il réalise pour le Théâtre Daniel Sorano en 197248. Le fait que ce costume ait été conservé au Musée dynamique pourrait surprendre, la majorité des œuvres acquises relevant de l’art contemporain, nous l’avons vu. Or dans les années 1960, Salif Diop tente de développer un cycle d’expositions historiques49. L’acquisition du dit costume se fit sans doute dans ces années-là. En 1986 au Musée dynamique, le désir d’histoire initié par Salif Diop est réactualisé à l’occasion de l’exposition des œuvres d’Alpha Walid Diallo dédiées à Lat Dior (1842-1886). Ce n’est pas la première fois que Diallo illustre la vie d’une figure de la résistance anticoloniale. En 1977, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort du fondateur du mouridisme, Oumar Bâ avait organisé une exposition intitulée « Ahmadou Bamba face aux autorités coloniales (1889-1927) » avec Alpha Walid Diallo et sous l’égide de l’union culturelle musulmane du 15 au 22 juillet 1977. En 1986, l’exposition réactualise cette démarche ; la vision du patrimoine s’élargit pour entrer en résonnance avec les revendications de la société sénégalaise et inclure à la fois l’histoire coloniale et la culture musulmane. Présent dans la région dès le IXème siècle, l’Islam joue un rôle culturel et politique fort au Sénégal où il est constitutif de l’identité et de la culture nationales. Dans les années 1970, le projet de musée négro-africain envisagé par Senghor se vit ainsi conditionné à la construction d’un musée d’art islamique50 pour finalement ne pas voir le jour. Et parmi les artefacts valorisés et demandé à la restitution depuis les années 1970, par le Sénégal, figure le sabre d’El Hadj Omar Tall saisi par les Français en 1892 et restitué au Sénégal en 2023.

En conclusion, envisager l’histoire du Musée dynamique au prisme des expositions d’art contemporain sénégalais permet de souligner les évolutions de l’institution dans ses rapports à la société et à la culture au sens large. En rupture avec la tradition ethnographique, résolument orienté vers la création moderne et contemporaine nationale et internationale, ce musée avait pour ambition d’inscrire le Sénégal sur la carte des institutions culturelles africaines et mondiales. Sa courte vie ne lui permit pas de déployer tous les projets envisagés et au lendemain de sa fermeture (ainsi que de la reconversion brutale du Village des arts), les artistes se mobilisèrent pour demander la création d’un lieu, d’un événement dédié à la création contemporaine nationale. Déjà en 1976, un artiste tel qu’Amadou Seck, alors directeur de l’Association nationale des artistes sénégalais créée en décembre 1975, militait pour la création d’une biennale en citant l’exemple des peintures du groupe arabe qu’il avait rencontré au nom de l’Association sénégalaise, à l’occasion du 8ème Congrès de l’Association internationale des arts plastiques patronnée par l’UNESCO et qui regroupait des représentants de pays d’Afrique, d’Asie, d’Europe et des Amériques à Bagdad51. La Biennale Dak’art peut finalement être considérée comme le fruit de la mobilisation des artistes sénégalais qui depuis les années 1960 militent pour la création de lieux de création, d’exposition et d’échanges internationaux. Il ne fallut donc pas attendre les années 1990 et le tournant global pour que les scènes africaines se « mondialisent » au sens où elles se seraient « enfin » connectées à l’Europe et aux États-Unis via la plateforme de la Biennale. Les échanges ont toujours existé ; seuls les modes opératoires, les rythmes, les enjeux et les œuvres diffèrent.


  1. Léopold Sédar Senghor, Préface du catalogue de l’exposition Iba Ndiaye, Musée dynamique, Dakar, 1977, p. 2.  

  2. Décret n°66-123 du 19 février 1966.  

  3. Voir le texte d’Emmanuelle Chérel publié dans ce numéro.  

  4. Voir à ce sujet le texte de Lucia Allais dans ce numéro.  

  5. À propos des musées créés par les Européens, en Afrique, à l’époque coloniale, voir entre autres, Anne Gaugue, Les États africains et leurs musées : la mise en scène de la Nation, Paris, l’Harmattan, 1997 ; Marie-Albane de Suremain, L’IFAN et la « mise en musée » des cultures africaines (1936-1961), Outre-mers, revue d’histoire, 356-357, pp. 151-172 ; Julien Bondaz et Francis Gnoleba Tagro, « De l’ethnologie coloniale à la diplomatie muséale. La nationalisation du musée d’Abidjan (Côte d’Ivoire, 1942-1978) », Gradhiva [En ligne], 34 | 2022.  

  6. Voir Johannes Fabian, Le Temps et les Autres. Comment l’anthropologie construit son objet, traduit par Estelle Henry-Bossoney et Bernard Müller, Anacharsis, 2017.  

  7. Voir Benedict Anderson, L’imaginaire national. Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme. Traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat. Paris : La Découverte [1983] 2002.  

  8. Voir de l’auteure « Fonder un art national », in Pierre Singaravélou (dir.) Colonisations. Notre histoire, Paris, L’univers histoirique (coll.), Le Seuil, 2023, pp. 176-179.  

  9. À propos de la politique coloniale en matière d’artisanat, voir entre autres, Sidney Littlefield Kasfir, African Art and the Colonial Encounter: Inventing a Global Commodity, Bloomington, Indiana University Press, 2007, p. 190–91 ;Victoria L. Rovine, « Crafting Colonial Power: Weaving and Empire in France and French West Africa », in Noémie Etienne et Yaelle Biro (dir.), Rhapsodic Objects, De Gruyter, 6 décembre 2021, p. 171-194 ; Hamid Irbouch, Art in Service of Colonialism. French Art Education in Morocco 1912-1956, London, Tauris Academic Studies, 2005. Voir aussi de l’auteure, L’art de la décolonisation, opus cité, pp. 88-93.  

  10. L’exposition fut accueillie à contre cœur à Paris, les experts français ayant peu confiance en la qualité des œuvres. Le titre dut également être modifié : initialement qualifiée d’« art contemporain sénégalais », l’exposition dut être renommée « d’aujourd’hui ». Voir à ce sujet Coline Desportes, L’Exposition itinérante « Art sénégalais d’aujourd’hui » : le regard de la France sur l’École de Dakar, mémoire de Master 1, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, 2016 et Maureen Murphy, L’art de la décolonisation, opus cité, p. 229-238.  

  11. Papa Ibra Tall, « Situation de l’artiste négro-africain contemporain, in Art nègre et civilisation de l’Universel, actes du colloque, Dakar, Les nouvelles éditions africaines, 197, p. 87.  

  12. Voir en particulier Issa Samb, « Critique de la représentativité », in Anthologie des arts plastiques contemporains du Sénégal, Friedrich Axt et El Hadji Moussa Babacar Sy (éd.), Francfort-sur-le-Main, 1989, p. 125-127.  

  13. À propos de l’École de Dakar, voir Elizabeth Harney, In Senghor’s Shadow: Art, Politics and the Avant-Garde in Senegal, 1960-1995, Durham, Duke University Press, 2004 ; Joanna Grabski, African Art, Interviews, Narratives: Bodies of Knowledge at Work, Bloomington, Indianapolis, Indiana University Press, 2013; Joshua Cohen, The “Black Art” Renaissance: African sculpture and modernism across continents, Oakland, University of California Press, 2020.  

  14. Voir à ce sujet de l’auteure L’art de la décolonisation, p. 154-163.  

  15. Voir à ce sujet Claire Maingon, Le Salon et ses artistes : une histoire des expositions du Roi Soleil aux Artistes français, Paris, Hermann, 2009.  

  16. Gabriel J. Gomis, « 140 toiles pour le premier salon des artistes sénégalais », in Le Soleil 6-7 janvier 1973, p. 5. 

  17. Idem.  

  18. Voir Giulia Paoletti, Portrait and Places. Photography in Senegal, 1840-1960, Princeton University Press, 2024 et Jennifer Bajorek, Unfixed. Photography and Decolonial Imagination in West Africa. Durham and London: Duke University Press, 2020.  

  19. L’exposition Tendances et confrontations regroupa les artistes noirs du monde entier par pavillons nationaux, dans l’esprit des Exposition Universelles ou des Biennale. Au sujet de l’exposition, voir Cédric Vincent, “Tendencies and Confrontations: Dakar 1966”, in Afterall: A Journal of Art, Context and Enquiry, 2017, n°43, p. 88-101 ; John L. Underwood, « Tendances et confrontations : An Experimental Space for Defining Art from Africa », in World Art, vol. 9, n°1, 2019 et de l’auteure, L’art de la décolonisation, opus cite, p. 163-175.  

  20. Iba Ndiaye, « La jeune peinture en Afrique noire, quelques réflexions d’un artiste africain », in Œuvres africaines nouvelles. Recueillies au Nigeria et dans l’Est de l’Afrique. Collection Ulli Beeier et musée Náprstek, Paris, Musée de l’Homme, 1970, p. 34. 

  21. Iba Ndiaye est d’abord formé à l’école des Beaux-arts de Montpellier, puis inscrit à l’École des Beaux-arts de Paris. Il participe à l’Académie de la Grande Chaumière, à l’atelier Zadkine et devient chef d’atelier de la Grande Chaumière.  

  22. Voir à ce sujet Jules-Rosette Bennetta, Black Paris: The African Writer’s Landscape, Urbana, University of Illinois Press, 1998.  

  23. Senghor écrit dans la préface du catalogue : « À la recherche de l’authenticité, il parvient toujours à une symbiose entre les valeurs ancestrales, qui constituent la négritude, et celles de la modernité ». Voir Senghor, préface au catalogue Iba Ndiaye, Dakar, 1977, p. 3.  

  24. Michel Leiris écrit par exemple : « Je pense comme Iba Ndiaye que les nouveaux artistes africains doivent se dire qu’ils sont des artistes comme les autres, placés en face des mêmes problèmes. Ce n’est pas en s’appliquant à se faire un style africain mais en suivant leur impulsion personnelle qu’ils découvriront des modes d’expression susceptibles d’enrichir le patrimoine universel », Michel Leiris, extrait de « L’Afrique aux cents cultures », in France Observateur, 19 novembre 1964, publié dans Iba Ndiaye, catalogue de l’exposition organisée au Musée dynamique en 1977, p. 12. Cette approche clivée prévalut longtemps à l’appréciation de l’œuvre d’Iba Ndiya. Voir à ce sujet Elizabeth Harney, Iba Ndiaye, “The densities of Modernism”, in South Atlantic Quartely, vol. 109, n°3, 2010. 

  25. Voir Sidney Littlefield Kasfir, “One Style, One Tribe? Paradigms in the Historiography of African Art”, in History of Africa, vol. 11, 1984, p. 163-193.  

  26. Cette appréciation clivée ressort fortement dans la réception critique de l’exposition Art sénégalais d’aujourd’hui. Voir à ce sujet de l’auteure, L’art de la décolonisation, op. cit., p. 232-237.  

  27. Cette approche clivée prévalut pourtant longtemps. Voir à ce sujet Elizabeth Harney, Iba Ndiaye, “The densities of Modernism”, in South Atlantic Quartely, vol. 109, n°3, 2010. 

  28. La collection d’œuvres d’art d’artistes sénégalais (peintures, sculptures, dessins, tapisseries), relevant du domaine artistique privé de l’État est créée par le décret 67-034 du 11 janvier 1967.  

  29. Voir à ce sujet Kalidou Sy, « Atelier de gravure », in Anthologie des arts plastiques contemporains du Sénégal, Friedrich Axt et El Hadji Moussa Babacar Sy (éd.), Francfort-sur-le-Main, 1989, p. 149.  

  30. L’incident est évoqué par Ousmane Sow Huchard, opus cité, p. 388.  

  31. Salif Diop (1931-2001) est formé à l’école supérieure d’arts appliqués aux industries d’ameublement et de l’architecture intérieure Boulle dans les années 1950 à Paris, il revient au Sénégal au moment de l’Indépendance et participe à la préparation du FESMAN. Il effectue ensuite un stage de formation au Musée ethnographique de Neufchâtel entre 1963 et 1965 et deviendra le premier conservateur du Musée dynamique en 1966.  

  32. Ibrahima Ndiaye, in Art nègre et civilisation de l’universel, actes du colloque dédié à Picasso, Dakar, nouvelles éditions africaines, 1975, p.97.  

  33. À propos de la réouverture du Musée, Ousmane Sow Huchard écrit : « le Musée dynamique ouvre ses portes, sur la demande de la Coopération française, afin d’abriter une grande exposition itinérante, en décembre 1984 ». Il s’agit de l’exposition « Rencontres » présentant l’œuvre de 13 artistes résidant en France : Pierre Alechinsky, Nicolas Alquin, ARMAN, Pierre Buraglio, Gérard Fromanger, Michel Haas, Roberto Matta, Georges Noël, Jean Hélion, Jacques Pasqiuer, Jean-Paul Riopelle, Otto Schauer, Zao-Wou Ki . Une exposition présentée par le ministère des Relations extérieures avec l’Association française d’Action artistique. Voir à ce sujet Ousmane Sow Huchard, La culture, ses objets-témoins, opus cité, p. 379. 

  34. Ousmane Sow Huchard, op.cit., p. 355.  

  35. Entretien avec Ousmane Sow Huchard par Judith Rottenburg, publié dans ce numéro.  

  36. L’Association nationale des artistes plasticiens sénégalais est présidée par El Hadji Sy, secondé par Viyé Diba au titre de secrétaire général.  

  37. Du 4 au 22 mars 1986 est organisée l’exposition « Chefs-d’œuvre des collections privées sénégalaises » qui réunit 300 œuvres provenant de 26 collections privées sénégalaises au musée dynamique.  

  38. Issa Samb, « Analyse de la situation sociale et matérielle des peintres de l’École de Dakar », in Anthologie des arts plastiques contemporains du Sénégal, opus cité, p. 115. Issa Samb écrit aussi dans le même texte : « Aujourd’hui, les peintres sont touchés par le professionnalisme, cette « dénaturation » de l’esprit créateur non fonctionnarisé et non mendiant. Cette situation ambiguë est le symptôme aussi pénible que manifeste qui fonde le mépris de tout effort de recherche et de tout art libre étranger à l’État. L’État qui donne l’illusion de rendre des services et qui, en vérité, à défaut de pouvoir le faire, mène une lutte d’hyène et d’âne qui conforte les artistes peintres dans un comportement de mineurs qui exclut le dévouement total à la peinture et le don de soi à une nouvelle génération socialement apte à la liberté qu’exige l’art ».  

  39. Elizabeth Harney, « Le laboratoire Agit’Art », in Senghor et les arts : réinventer l’universel, catalogue d’exposition, catalogue Senghor, Paris, musée du quai Branly, 2023, p. 130.  

  40. El Hadji M. B. Sy, « La cité des artistes plasticiens et le village des arts », in Anthologie, opus cité, p. 106.  

  41. À propos de la politique culturelle d’Abdou Diouf voir Momar Coumba et Mamadou Diouf, Le Sénégal sous Abdou Diouf. Etat et société, Paris Karthala, 1990.  

  42. Voir le texte d’Emmanuelle Chérel dans ce numéro.  

  43. Abdou Diouf cité par Ousmane Sow Huchard, dans La culture, ses objets-témoins et l’action muséologique (Sémiotique et témoignage d’un objet-témoin : le masque kanaga des Dogons de Sanga), Dakar, Le Nègre International, 2010, p. 413.  

  44. Voir la chronologie publiée dans ce numéro.  

  45. . Voir Lat-Dior : en couleurs, d’après la biographie établie par Thierno Bâ dans Le chemin de l’honneur, Dakar, Abidjan, Nouvelles éditions africaines, 1975.  

  46. Ces informations sont extraites du Curriculum Vitae de l’artiste conservée dans les archives de la collection Jom. L’auteure remercie vivement Bassam Chaitou d’avoir partagé ces informations au sujet de l’artiste.  

  47. Parmi les batailles représentées dans les tableaux d’Alpha Walid Diallo, figurent la bataille de Samba Sadio (1875) ou la bataille de Ngouye Diouli (1862). Diallo réalise les portraits du Roi Amari Ngoné Sobel (Roi du Kayor entre 1549 et 1593), du Brack Couly Mbaba (brack du Walo entre 1810 et 1816) ou du Serigne Kokki au XIXème siècle, par exemple. Bassam Chaïtou fut d’une aide inestimable pour retracer et documenter ces œuvres. Qu’il en soit vivement remercié.  

  48. Ces portraits font aujourd’hui partie de la collection Jom à Dakar. Voir le texte l’auteure consacré à l’artiste dans Bassam Chaïtou (dir.), Jom Collection (ed.), Roots and Wings, 60 Years of Senegalese Contemporary Art, Catalogue d’exposition, Dakar, à paraître en 2025.  

  49. Voir le texte de Magali Ohouens publié dans ce numéro.  

  50. Voir Le musée négro-africain de Dakar. Témoin de l’art nègre, Boulogne et Dakar, Delroisse et Nouvelles éditions africaines, 197 ?  

  51. I. Gaye, « Après le congrès de l’AIAP : Amadou Seck : Les peintres d’Afrique noire doivent s’organiser, in Le Soleil 28 mai 1976.