Maamo Maam

Mamadou Khouma Gueye

Maamo Maan, extrait 1
Maamo Maan, extrait 2

Tels des portraits fragmentaires, des shorts stories, le film Maamo Maam de Mamadou Khouma Gueye convie à une rencontre avec quelques artefacts de la collection du musée Théodore Monod. Sortis des réserves, mortier, canari, poupée, tam tam sont parlés. Ils génèrent les narrations de l’écrivaine Aminata Sow Fall, du linguiste Souleymane Faye, des ndeup tekat Aïssatou Gaye Pouye, El Hadji Abdoulaye Ndiaye, du salbè du kassak, Modou Faye M’baye Kaasal, où se rejoignent savoirs, éléments d’analyses, histoire personnelle et mémoire collective. Ainsi, chacune de ces personnalités par le biais de connaissances, de chants, d’énonciation des pratiques, d’histoires réelles, vécues, croisées, oubliées donne voix à ces artefacts, aux langues et aux récits locaux. L’éthnobotaniste Bassirou Gueye désigne, quant à lui, de manière encore plus affirmée les hors champs de cette collection. A partir de deux arbres du parc (un sand et un baoab), il montre que notre patrimoine est aussi le vivant en évoquant les savoirs médicinaux et les croyances mystiques de Sénégambie qui lui donne(ai)ent sens et permett(ai)ent aux humains de vivre en relation avec leur environnement. “L’ensemble de ce qui existe constitue un réseau de forces qui vont depuis la Force des forces jusqu’au minéral en passant par les morts, les humains vivants, les animaux, les plantes. L’univers, où rien n’est inerte, est une chaîne d’êtres ou de forces” (Souleymane Bachir Diagne). Et de fait, toute chose dans le musée remet en question la séparation même du dedans et du dehors, du vivant et de l’inerte.

Avec Maamo Maam, Mamadou Khouma Gueye met en lumière des zones d’ombres de manière paradoxale. Il élargit la focale d’observation de cette collection en apportant des éléments de contextualisation ou en faisant basculer l’attention sur des détails. Mais, par ses choix formels et l’aspect lacunaire de ces courts portraits, il cherche tout à la fois à faire entendre des connaissances anciennes, leurs modalités actuelles, des points de vue, tout en refusant de trop en dire. Alors que dans la journée, ces objets du musée sont offerts à la contemplation (qui suppose la lumière), qu’ils sont pétrifiés et tenus immobiles sous le regard, ici, la pénombre révèle leur rôle de médiateurs culturels et permet la manifestation de la force qu’ils recèlent. D’un portrait à l’autre, des liens tissent par résonance et circulation un champ référentiel dense qui les inscrit dans les cosmogonies où ils sont nés. L’Afrique n’a pas renoncé au sacré et à l’invisible, ni à la valeur sacrée des objets, de la terre, de la parole (Ibrahima Sow).

Être, exister, c’est être une force, c’est connaître le mouvement. Ainsi chaque objet récapitule en lui le flux créateur. Ces cheminements non linéaires esquissent aussi les échanges, les influences et les résistances entre différentes cultures.