Bonjour à toutes et à tous
Je vous remercie de m'offrir cette occasion pour parler des Interventions Authochtones au musée. Je suis directeur du rapatriement et des relations avec les Autochtones au Musée canadien de l'histoire à Gatineau, Québec, Canada depuis le 21 mars 2022. Auparavant, j'étais responsable des laboratoires de traitement de la conservation des objets, du papier et de l'archéologie à l'Institut canadien de conservation (ICC) à Ottawa. Depuis un certain nombre d'années, j'ai été formé et j'ai travaillé dans diverses fonctions liées aux collections et à la recherche, ainsi que dans le domaine des politiques culturelles, dans l'ensemble du secteur fédéral des musées et du patrimoine.
Je voudrais commencer par vous présenter un récit personnel : c’est l'histoire de ma propre famille, qui n'est qu'un exemple dans le microcosme des circonstances historiques qui continuent d'avoir un impact sur les familles et les communautés Autochtones à travers le Canada aujourd'hui, y compris en ce qui concerne les relations difficiles, litigieuses et conflictuelles des peuples Autochtones avec les musées en tant qu'institutions de l'appareil idéologique de l'État. Je suis membre des bandes Delaware et Upper Mohawk des Six Nations du territoire de Grand River, près de Brantford, dans l'Ontario, au Canada. C'est là que mes deux parents sont nés et ont grandi, et que la majorité des membres de ma famille élargie continue de vivre et de travailler.
Tout comme les ressources naturelles étaient extraites des territoires traditionnels Autochtones, les enfants Autochtones étaient enlevés de leurs familles et de leurs communautés pour être envoyés dans des pensionnats à des fins d'assimilation. De même, leurs biens culturels étaient transférés dans des musées. D'où l'interconnexion, aujourd'hui, pour les militants Autochtones, des concepts de restitution des terres, des enfants et des objets des ancêtres. L'expérience des pensionnats occupe une place importante dans l'histoire de ma famille, comme dans celle de tant d'autres familles Autochtones à travers le pays. Si la famille de ma mère a été pour l'essentiel élevée à la maison dans un cadre familial traditionnel des Six Nations, il en a été tout autrement du côté de la famille de mon père. Mon père, Russ Moses, décédé en 2013, ainsi que son frère et sa sœur, ont été élevés dans le pensionnat du Mohawk Institute à Brantford, en Ontario, dans les années 1940 ; leur père, c’est-à-dire mon grand-père Ted Moses y a été élevé dans les années 1910 ; et mon arrière-grand-père Nelson Moses y a été élevé encore plus tôt, dans les années 1880. Je suis donc la première génération après trois générations passées à ne pas y avoir été envoyé, ce dont je suis bien sûr reconnaissant, le Mohawk Institute ayant fermé ses portes en tant que pensionnat en 1970.
Lorsque mon arrière-grand-père Nelson Moses a fréquenté le Mohawk Institute dans les années 1880, il s'agissait d'une école missionnaire où des jeunes hommes et des jeunes femmes de la communauté des Six Nations étaient envoyés pour être formés au clergé et à l'enseignement anglicans, avant d'être envoyés dans l'Ouest à mesure que le processus de signature des traités numérotés se poursuivait et que de nouvelles réserves indiennes étaient mises en place. Lorsque mon grand-père Ted y était dans les années 1910, il s'agissait essentiellement d'un pensionnat militaire, à l'époque de la militarisation mondiale qui allait culminer dans la Grande Guerre. Le pensionnat s'est dégradé au cours des décennies 1920 et 1930 et de la Grande Dépression. Mon père et ses frères et sœurs ont eu la malchance d'y être envoyés dans les années 1940, au plus fort de la Seconde Guerre mondiale, alors que toute prétention à l'éducation ou à la formation avait été abandonnée : les enfants Autochtones étaient là pour fournir un travail agricole forcé afin de maintenir la grande exploitation agricole et ainsi contribuer à la production alimentaire civile sur le front intérieur canadien en temps de guerre. Le Mohawk Institute lui-même s'étendait sur 350 acres de terres agricoles de premier choix dans le sud de l'Ontario, avec diverses cultures, du bétail et des vergers. Les enfants elles et eux-mêmes ne tiraient aucun bénéfice de leur travail et en étaient réduits à mendier dans les rues de Brantford pour subvenir à leurs besoins.
Voilà à quoi ressemble le colonialisme. Voilà à quoi ressemble la violence coloniale contre les enfants. Voilà à quoi ressemble l'ingénierie sociale radicale. Pour ce qui est de la morale de l'histoire, je me contenterai de répéter ce que mon père Russ lui-même a écrit à la fin des mémoires sur les pensionnats qu'il a rédigés il y a de nombreuses années : "Ce n'est pas mon histoire, mais la vôtre...". Et c'est là le véritable sens de la ‘réconciliation’ : il s'agit pour les Canadiens en général de se confronter à et d'accepter la véritable histoire de leur pays, tandis que les Autochtones comme moi témoignent et restituent la vérité de cette histoire douloureuse.
Après avoir examiné l’histoire d'une famille, avançons rapidement jusqu'au 12 décembre 2022 (jour de la conférence à l’Institut National d’Histoire de l’Art à Paris, où cette intervention a été prononcée) et examinons le rôle des musées en tant que sites de rapprochement, y compris chez mon employeur actuel, le Musée canadien de l'histoire (MCH). J'utilise le mot "rapprochement" dans le sens qu'il a dans les relations diplomatiques internationales : l'établissement ou la reprise de relations bienveillantes.
Russ Moses et sa sœur Thelma. Photographie prise au Mohawk Institute Indian Residential School à Brantford, Ontario, Canada, en octobre, 1943. Cette photo a été prise lors de l'une des séances de visite mensuelle de 15 minutes seulement accordées chaque mois aux frères et sœurs. © John Moses.
Le CMH actuel remonte à 1856 et à la création, cette année-là, de la Commission géologique des provinces unies du Haut et du Bas-Canada, qui comprenait une petite collection de relevés ethnographiques et archéologiques. Le musée est donc antérieur à la Confédération canadienne de 1867 et il est en fait l'une des plus anciennes institutions publiques du pays. La fonction de musée spécialisé avec un programme de recherche anthropologique a été séparée de la Commission géologique du Canada en 1910, et le Musée national du Canada a vu le jour à cette époque. Le musée a existé sous différents noms et différents mandats législatifs au fil des décennies : Commission géologique du Canada, Musée national du Canada, Musée national de l'homme, Musée canadien des civilisations et, depuis 2013, Musée canadien de l'histoire.
L'engagement Autochtone et le partage d'informations, y compris en ce qui concerne les ressources muséales telles que les inventaires d'enregistrements de chants et de langues Autochtones présents dans les archives du musée, sont des pratiques courantes au CMH et chez ses prédécesseurs depuis la décennie des années 1960. Nous étions la principale source d’information en ce qui concerne les artefacts, et avons soutenu le travail d’interprétation pour le Pavillon Autochtone du Canada (PIC), un projet novateur et révolutionnaire, à l'Expo 67 de Montréal. Aujourd'hui encore, nous sommes à l'avant-garde de la reconnaissance de la souveraineté des informations et des données Autochtones.
L'IOCP est aujourd'hui reconnu comme un tournant dans l'autoreprésentation des Autochtones devant des publics nationaux et internationaux, et le CMH (qui était alors encore le Musée national de l'Homme) a joué un rôle clé dans ce succès. Le personnel du musée a travaillé en étroite collaboration avec les artistes Indigènes mandatés pour le pavillon et le groupe d'hôtes et d'hôtesses du pavillon, afin de rédiger le scénario de l'exposition, dont les thèmes avaient été identifiés et rassemblés lors d'une série de réunions de consultation avec des conseillers Autochtones dans tout le pays, avant l'Expo.
Le CMH a été le pionnier du rapatriement en tant que concept muséal dans les années 1970, avec la restitution de matériel de potlatch saisi aux communautés Kwak'waka'wakw' (anciennement Kwakiutl) d'Alert Bay et de Cape Mudge. Nous avons été le premier musée national au monde à entreprendre le rapatriement d'une partie des collections nationales vers les communautés d'origine - ce qui nous a valu à l'époque de vives critiques de la part du reste de la communauté muséale, qui y voyait un dangereux précédent conduisant à l'érosion des collections des musées. Comme vous le savez, le rapatriement selon l'exemple du CMH est désormais prescrit par la Déclaration universelle des droits humains et par la Commission Vérité et Réconciliation, qui nous considère comme un musée de bonne pratique.
La politique de rapatriement actuelle du CMH, approuvée par le conseil d'administration, date de 2001. Il s'agit de l'une des réponses de l'institution au rapport du groupe de travail conjoint de l'Association des musées canadiens et de l'Assemblée des Premières Nations sur les musées et les peuples Autochtones. D'autres initiatives du CMH datent de cette époque, notamment le projet sur les matériaux sacrés (y compris une place pour les matériaux sacrés dans les réserves du musée) et le programme de stage Autochtone du CMH. Il existe également une politique sur les restes humains et un cadre pour les relations avec les Autochtones (2020) fondé sur les principes d'accès, d'engagement et de connaissance.
La politique de rapatriement a été revue et approuvée pour la dernière fois en 2011. Elle fait l'objet d'une nouvelle révision pour s'assurer qu'elle continue à respecter ou à dépasser les normes et les attentes les plus récentes concernant les musées et les peuples Autochtones, telles qu'elles sont exprimées dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples Autochtones (DNUDPA) et dans le rapport final et les appels à l'action de la Commission de vérité et de réconciliation sur les pensionnats pour les enfants autochthones (CVR).
Le « lieu des matériaux sacrés », actuellement en cours d'agrandissement, combine une zone de stockage de musée conventionnelle et un laboratoire de traitement de conservation d'artefacts, avec un espace de réunion culturellement approprié aux besoins des aînés, des artistes et d'autres gardiens de la connaissance : il comprend un accès à un espace vert paysager en plein air afin de pouvoir accueillir des délégations Autochtones.
Artefacts associés aux pratiques spirituelles autochtones traditionnelles, pour les cérémonies du calumet, du tabac et de la purification. © Government of Canada.
Actuellement, la plupart des échanges d'informations menant potentiellement au rapatriement se font en fonction du rôle du musée en tant que gestionnaire des collections nationales et en tant que partenaire dans le processus des traités modernes comprenant les accords d'autonomie gouvernementale des Autochtones et les négociations sur les revendications territoriales globales. Chaque négociation, sans exception, comprend désormais des délibérations sur la culture, le patrimoine et les langues, ainsi que des délibérations sur les terres et les ressources naturelles. Le principe est que, tout comme les ressources naturelles ont été retirées des territoires traditionnels sans que les groupes Autochtones n'en tirent aucun avantage, les ressources culturelles ont également été retirées.
Pour certains groupes, la priorité est l'accès aux objets des ancêtres Autochtones qui se trouvent aujourd'hui dans les collections nationales, comme le CMH. Pour d'autres groupes, la priorité est la conservation et la revitalisation de la langue Indigène. Pour d'autres encore, la priorité pourrait être de trouver des méthodes pour garantir la protection des droits d'auteur et autres droits de propriété intellectuelle pour les artistes contemporains et les créateurs de contenu dans tous les médias. Pour certains groupes, il s'agit de tout cela à la fois.
En effet, au-delà de la phase de négociation de l'accord-cadre, pendant la phase de l'accord de principe et jusqu'à la phase finale, le musée suit un processus de divulgation dans le cadre duquel les inventaires du CMH de toutes ses ressources ethnographiques, archéologiques et archivistiques (y compris documentaires, photographiques et audiovisuelles) provenant du territoire traditionnel revendiqué sont fournis au partenaire Autochtone signataire du traité. À partir de là, les communautés elles-mêmes peuvent déterminer ce qu'elles souhaitent faire par le biais d'une demande officielle de rapatriement, conformément à la politique de rapatriement des musées.
La politique de rapatriement des musées est une politique fondée sur des critères qui donne la priorité au retour potentiel de catégories de matériel muséal comprenant des restes humains, des objets funéraires associés, des objets associés à des pratiques religieuses traditionnelles ou à des pratiques de guérison, du matériel dont les preuves indiquent qu'il a été collecté dans des conditions de vol ou d'intrusion sur des terres de réserve, ainsi qu'un patrimoine culturel important ou des biens détenus en commun. Je dois souligner que le rapatriement lui-même n'est qu'un résultat possible dans le cadre d'un éventail de processus d'engagement autochtone qui va de l'offre d'une formation spécialisée aux stagiaires autochtones en muséologie, à la suite ordinaire de prêts à court et à long terme, aux accords de garde (conjointe), jusqu'à la restitution physique pure et simple et au transfert du titre légal conformément à la fois au droit canadien et au droit autochtone.
Les restrictions en matière de droits d'auteur concernant les documents d'archives (y compris les enregistrements de chansons et de langues) sont celles imposées par la législation fédérale en vertu de la loi sur les droits d'auteur, à laquelle CMH, en tant que société d'État fédérale relevant de PCH (Héritage Patrimoine Canadien), est tenu d'adhérer. Les restrictions supplémentaires en matière d'accès peuvent être celles imposées par le droit contractuel et par les autorités traditionnelles elles-mêmes, qui stipulent souvent que ceux qui demandent l'accès (même si ces demandeurs s'identifient comme des membres de la communauté) doivent être renvoyés aux autorités traditionnelles des communautés pour l'approbation finale de l'accès, conformément aux protocoles d'éthique de la recherche des communautés elles-mêmes. Ces protocoles peuvent prendre la forme de résolutions du conseil de bande ou de déclarations de la société (par exemple, dans ma propre communauté, "Conducting Research at Six Nations", ou la "Haudenosaunee Council of Confederacy Chiefs Statement on Sacred Materials").
Dans ma pratique quotidienne des musées et du patrimoine, j'aime m'attaquer aux grandes questions, notamment celle de savoir qui peut parler au nom de qui en ce qui concerne les représentations de l’autochtonie dans l'espace du musée et de la galerie. Cela comprend la question, qui est autochtone, étant donné le phénomène des revendications frauduleuses ou exagérées de notre identité. Sur cette base sont formulées les valeurs et les hypothèses de la conservation et d'autres processus de prise de décision en matière de patrimoine, qu'il s'agisse d'artefacts et d'œuvres d'art individuels, ou de monuments, de sites historiques et de paysages culturels entiers, en gardant à l'esprit que les disciplines liées aux musées et au patrimoine ne sont pas moins des pratiques sociales chargées de valeurs que des recherches techniques ou scientifiques fondées sur des preuves.
Il ne faut pas se méprendre : les musées sont des institutions coloniales qui font partie de l'appareil d'État idéologique des nations, des pays et des anciens empires. Le colonialisme doit être répudié. C'est pourquoi de nombreux musées ont été des lieux potentiellement terribles pour les peuples autochtones. C'est entendu. Tout le monde le comprend. La tâche qui nous attend est de savoir comment démanteler, décoloniser et autochtoniser les institutions existantes, tout en mettant en place les conditions nécessaires à la création de nouvelles institutions du futur dirigées par des Autochtones. Des institutions qui seront des destinations de carrière et des employeurs de choix pour le nombre croissant de diplômés Autochtones chaque année dans l'ensemble des disciplines et professions liées aux musées, au patrimoine et aux galeries d'art. Des institutions dirigées par des Autochtones, qui seront des employeurs privilégiés pour le nombre croissant de diplômés Autochtones chaque année dans l'ensemble des disciplines et professions liées aux musées, au patrimoine et aux galeries d'art. Des institutions dirigées par des Autochtones où des experts sur les questions Autochtones peuvent offrir des perspectives directes et non filtrées sur les questions importantes du jour.
Lorsque je parle de décolonisation des institutions existantes, j'entends par là l'examen de l'ensemble des activités d'un musée sous l'angle du respect de la Déclaration universelle des droits humains, du respect de la Commission Vérité et Réconciliation et du respect des droits ancestraux et des droits issus des traités, y compris l'obligation légale de consulter. Lorsque je parle d´autochtonisation, je veux dire qu'il faut donner la priorité au recrutement, à la rétention et à la promotion professionnelle d'experts Autochtones sur les questions Autochtones. Enfin, lorsque je parle de démantèlement, j'entends remettre en question et dissiper les poncifs désuets et inexacts répandus dans un pays comme le Canada, qui serait un État colonisateur bénin, postcolonial, bilingue (en français et en anglais), et multiculturel.
Une telle vision réduit les cultures et les sociétés Autochtones distinctes à de simples tuiles dans la mosaïque ethnoculturelle du Canada, finalisant ainsi l'assimilation. La réalité juridique et pratique est que les peuples autochtones possèdent des droits uniques, protégés par l'article 35 de la Constitution, des droits ancestraux et des droits issus de traités, qui ne reviennent pas à d'autres groupes diversifiés en quête d'équité, et qui doivent être respectés. Encore une fois, cela doit se refléter dans les politiques et les pratiques institutionnelles de toutes sortes, et les militants et défenseurs de nos droits doivent se méfier de voir les questions Autochtones subsumées dans les discussions globales sur l'EDI (équité, diversité et inclusion).
En ce qui concerne les institutions à l'avenir, dirigées par des Autochtones, nous avons besoin d'institutions qui reposent sur la personnalité et l'action des objets des ancêtres et qui mettent en avant le savoir traditionnel notamment en incluant différentes langues.
Les peuples Autochtones n'acceptent pas passivement l'ensemble des pratiques liées aux musées et au patrimoine, y compris la conservation, par exemple celle des biens sociaux. La plupart d'entre eux souhaitent aussi comprendre comment les objets de leurs ancêtres ont pu quitter les mains des Autochtones pour se retrouver dans des musées et d'autres installations, non seulement au Canada, mais dans le monde entier, si loin de leurs communautés d'origine.
En raison de l'héritage de l'expérience des pensionnats dans l'histoire du Canada, une plus grande proportion d'Autochtones perçoit la conservation et la revitalisation de la langue comme la première priorité en matière de culture et de patrimoine, plus que la mise à disposition et le retour des artefacts. Les musées sont considérés comme utiles dans la mesure où ils peuvent abriter des ressources linguistiques peu connues sous la forme de manuscrits et d'enregistrements audio non publiés auxquels les autochtones doivent avoir accès.
Je préconise l’application dans les musées des principes OCAP (“Ownership, Control, Access and Possession”.) de propriété, de contrôle, d'accès et de possession pour la souveraineté des Premières nations en matière de données, de numérique et d'information. Le principe de base est que les peuples Autochtones conservent leur souveraineté sur les informations les concernant, où qu'elles se trouvent et sous quelque forme que ce soit, y compris en ce qui concerne les objets des ancêtres dans les musées, le patrimoine culturel immatériel et les connaissances traditionnelles qui leur sont dévolus.
En outre, comme indiqué au début de cette présentation, de nombreux peuples Autochtones ont le sentiment que, tout comme les ressources naturelles étaient extraites des territoires traditionnels et que les enfants étaient retirés des familles et des communautés Autochtones pour être envoyés dans des pensionnats, les objets des ancêtres étaient également retirés pour finir dans des musées. C'est un fait que l'époque de la collecte la plus intense d'objets d'ancêtres Indigènes dans les musées coïncide avec l'époque des dispositions les plus draconiennes de la loi sur les Indiens, y compris la fréquentation forcée des pensionnats. Cette période s'étend approximativement de 1884 à 1951. Il importe donc de rappeler et de bien comprendre l'interconnexion réelle entre les concepts de restitution des terres, des enfants et des objets ancestraux qui nous anime aujourd’hui.
J'en viens maintenant à mon point principal. On parle beaucoup ces jours-ci de la décolonisation, de l'autochtonisation et du démantèlement des musées et des galeries d'art canadiens. Je suis d'avis que le Pavillon autochtone du Canada, novateur, qui change de paradigme, présenté à l'Exposition universelle de Montréal, est un exemple de décolonisation, de l'autochtonisation et du démantèlement. Aujourd'hui, l'IOCP est reconnu à juste titre comme un tournant dans l'autoreprésentation des Autochtones devant des publics nationaux et internationaux. C'est pourquoi je propose la création d'un Centre national d'exposition et de recherche autochtone chargé d'acquérir des collections nationales. Ce centre s'inspirerait explicitement de l'esprit et de l'intention de l'IOCP original d'Expo 67 à Montréal, et de son message-question clé adressé aux peuples autochtones eux-mêmes : « Que voulez-vous dire à la population du Canada et du monde ? » À notre époque, le Centre national d'expositions et de recherches autochtones est proposé comme le moyen par lequel le gouvernement fédéral donne suite à l'appel à l'action numéro 81 de la CVR (Comité Vérité et Réconciliation), qui demande la commande et l'installation d'un monument national en mémoire de l’internement forcé des enfants autochtones dans des pensionnats accessible au public et très visible dans la ville d'Ottawa pour rendre hommage aux survivants et à tous les enfants qui ont été perdus pour leur famille et leur communauté.
Ainsi, le Centre national d'exposition et de recherche autochtone proposé serait en lui-même le monument national dont parle la Commission Vérité et Réconciliation. Personne ne pense qu'une simple plaque commémorative ou une installation artistique ne soit suffisante dans ce contexte. En outre, la Commission Vérité et Réconciliation appelle à la création de monuments similaires dans chaque capitale provinciale et territoriale.
En conclusion, j'aimerais vous laisser sur ces quatre grandes revendications :
- I - Les musées doivent reconnaître leurs origines en tant qu'institutions coloniales et se réformer en conséquence sur la base des principes de décolonisation, de l'autochtonisation et du démantèlement de leurs structures héritées.
- II - Les institutions existantes doivent ouvrir la voie à de nouvelles institutions dirigées par des Autochtones.
- III - Les musées doivent se confronter à la question de savoir qui peut parler au nom de qui en ce qui concerne les représentations Autochtones.
- IV - Au moins au Canada, l'IOCP à l'Expo 67 de Montréal devrait être officiellement reconnue comme un tournant dans l'autoreprésentation Autochtone devant des publics nationaux et mondiaux.