TROUBLES DANS LES COLLECTIONS
Une petite grande chose Jumana Manna n. 07 Au seuil de la conservation Octobre 2024

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Jumana Manna, "Une petite grande chose", Troubles dans les collections, n. 07, Octobre 2024, /numeros/contested-conservation/une-petite-grande-chose/.
PDF généré le 16.10.2024

Présentation

Transposant la question de la conservation dans le domaine du vivant, Jumana Manna examine les implications de la conservation des semences, de la botanique du XIXe siècle aux banques de semences actuelles. Dans son texte Une petite grande chose, elle analyse de près les politiques de modernisation qui consistent à alterner effacement et protection, telles qu'elles ont été déployées dans les contextes coloniaux et au-delà. Comme le musée, les banques de semences séparent les matériaux organiques de leur environnement, les congèlent, sélectionnent et éliminent des parties, afin de les protéger.

La recherche pour son film Wild Relatives (2017) mène Jumana Manna de la Syrie au Liban, en Norvège et de nouveau au Liban, suivant les déplacements des banques de semences et des occupations changeantes des agriculteur.ice.s dans le contexte des guerres successives au Moyen Orient. Elle scrute de près le récit de sauvetage, selon lequel il s’agit de conserver pour le « jour d’après la catastrophe ». Les banques de semences accompagnent la « révolution verte » : un projet de modernisation capitaliste déployé dans la seconde moitié du XXe siècle à l'échelle mondiale comprenant le catalogage et la privatisation des semences, la limitation à certaines variétés, les engrais industriels et les pesticides produits par l'industrie chimique. Une politique mise en place à grande échelle qui a entraîné la dépendance des agriculteur.ice.s aux marchés concurrentiels monétarisés, aussi bien pour acheter des semences que pour vendre leurs productions. Jumana Manna s'interroge également sur le futur des banques de semences physiques qui « pourraient être rendues obsolètes et remplacées par des bases de données numériques - des séquences génétiques sous forme de code » - et s'inquiète de l'avenir précaire de la matérialité de la terre et des personnes qui en vivent dans le cadre de ce processus. Mais Wild Relatives pose également la question de savoir comment résister à la dépossession des sols et des semences, et comment développer des collaborations à petite échelle permettant l'autonomie alimentaire et la transmission des connaissances dans des réseaux de proximité.
Le texte a été publié dans un premier temps en anglais par le Tamawuj Journal en 2018, et est traduit ici en français dans une version légèrement modifiée par Lotte Arndt et Simon Roblin. (L.A.)

Walid, un réfugié syrien, s'occupant de sa bibliothèque de graines qu'il soigne et partage, Taanayel, vallée de la Bekaa, Liban. Arrêt sur image de Jumana Manna, Wild Relatives (2018).
Je suis d'abord et avant tout et j'espère que chaque citoyen syrien et chaque Arabe en dehors de la Syrie en prendra conscience un paysan et le fils d'un paysan. Être couché au milieu des épis ou sur l'aire de battage vaut, à mes yeux, tous les palais du monde. — Hafez al-Assad, March 8, 19801

1 - Ebla

Au troisième millénaire avant notre ère, Ebla était un royaume qui s'étendait sur tout le Nord de la Syrie. Il constituait un centre commercial majeur dans le Croissant fertile et était tout aussi important pour d'autres civilisations voisines, telles que les civilisations égyptienne et mésopotamienne. Dans les années 1970, des archéologues ont déterré des tablettes d'argile cuite dans la région. Leurs inscriptions ont permis de mieux comprendre la langue sumérienne et l'organisation politique du Levant ancien. Les tablettes ont également révélé que pas moins de dix-sept variétés de blé étaient cultivées dans les villages environnants, et permettaient de nourrir dix-huit millions de personnes. Ebla était située à environ cinquante-cinq kilomètres au sud-ouest de l'actuelle Alep, une ville qui, en 2012, est devenue le théâtre d'une bataille clé de la révolution syrienne. Quatre ans plus tard, cette bataille a pris fin après un siège étouffant infligé aux forces rebelles par le régime Assad, qui a utilisé des méthodes brutales, y compris la famine forcée.

Quelques décennies plus tôt, à l'époque où les archéologues dépoussiéraient les tablettes et découvraient la biodiversité d'Ebla, le dictateur Hafez al-Assad modernisait le système paysan de son pays, qu'il considérait comme rétrograde. Il cherchait à accroître la production et l'autosuffisance alimentaire en mettant l'accent sur le blé et le coton, dont il soumettait la production à un monopole d'État. Ce faisant, le dictateur a placé les populations rurales sous son contrôle : des villages entiers ont été inondés lorsque des barrages ont été construits pour augmenter les capacités d'irrigation, les paysan.ne.s ont été engagé.e.s pour cultiver la terre et ont reçu des quotas de rendement, et les innovations technologiques ont remplacé les méthodes agricoles traditionnelles.

Vers la fin de sa vie, le cinéaste Omar Amiralay a documenté les effets de cette modernisation dans The Chickens, un documentaire de quarante minutes en noir et blanc datant de 1977. Amiralay a tourné le film dans le village de Sadad, situé au sud de Homs, où les précipitations sont rares et où l'agriculture a toujours été secondaire par rapport au travail du textile. Encouragés par l'État, les villageois.es ont abandonné leurs métiers à tisser pour construire des poulaillers. Ils ont financé leur investissement en empruntant de l'argent à des voisin.e.s plus aisé.e.s ou en obtenant de petits prêts du gouvernement. La sensibilité d'Amiralay à l'égard de la situation difficile des agriculteur.ice.s ressort des brèves conversations qu'il a eues avec elleux. « J'ai élevé des poulets parce que je voyais tout le monde en élever », lui dit un agriculteur, tandis qu'un autre explique : « Un partenaire ressent toujours les espoirs et les souffrances de son partenaire », une affirmation que le cinéaste fait suivre du bruit de poulets qui gloussent, superposé à des voix qui scandent : « Syrie ! Syrie ! Syrie ! » Mais le secteur agricole syrien n'a pas toujours incarné ce partenariat. Avec la surproduction soudaine de l'industrie avicole et l'épidémie de la grippe aviaire, les agriculteur.ice.s qui avaient tout misé sur leurs poulaillers ont rapidement été acculé.e.s à la faillite.

Les politiques de libéralisation économique ont introduit une nouvelle série de luttes pour les agriculteur.ice.s syrien.ne.s, tout en améliorant leur niveau de vie à divers égards.2 La volonté de revaloriser et de moderniser l'agriculture tout en soumettant les classes paysannes, qui avaient été autonomes auparavant, au régime en place, était tout à fait conforme à la tendance mondiale de l'époque, comme j'ai pu l'apprendre. Une stratégie visant à mettre fin à la faim dans le monde par la diffusion à grande échelle de semences à haut rendement, de techniques d'irrigation et de produits chimiques a été lancée au milieu du XXe siècle, et elle est rapidement devenue la norme pour l'agriculture mondiale au-delà des clivages géopolitiques. Cette nouvelle norme, appelée « révolution verte », a accéléré la transformation de vastes régions du monde, qui sont passées de sociétés agraires traditionnelles à des producteurs de matières premières orientés vers le marché et coordonnés par l'État. À l'époque de la Guerre froide, les dirigeant.e.s et philanthropes américain.e.s tel.le.s que les Rockefeller, la Fondation Ford et l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) pensaient que le soutien à la gauche avait plus de chances de se répandre là où il y avait de la pauvreté. Le développement d'un modèle agricole basé sur le profit dans le tiers-monde serait donc un antidote efficace au communisme. Bien qu'elle ait augmenté les rendements de certain.e.s agriculteur.ice.s et de certaines cultures, la « révolution verte » a également poussé des millions de producteur.ice.s agricoles au chômage et a causé des dommages environnementaux et une érosion de la biodiversité sans précédents.

Assad a compris le potentiel de cette approche de l'agriculture pour l'économie de son pays. En 1977, il a offert 948 hectares de terres à Tel Hadya, au sud d'Alep, à l'ICARDA, le Centre international de recherche agricole dans les zones arides. L'ICARDA faisait partie d'un réseau mondial de centres de recherche agricole appelé CGIAR (Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale), financé par les mêmes entités qui avaient été les premières à lancer la révolution verte. L'ICARDA a d'abord été établi au Liban en 1976, mais avec l'extension de la guerre civile qui avait éclaté juste un an plus tôt, il a transféré son siège à Tel Hadya. Aujourd'hui, près de quarante ans plus tard et après la révolution syrienne, l'histoire s'est inversée et l'ICARDA a évacué son siège pour revenir au Liban. Il a emmené une partie de son personnel, de son bétail et de son matériel, mais n'a pas pu déplacer sa banque de semences.3 Très vite, l'ICARDA a commencé à dupliquer le contenu de la banque abandonnée : il s’agit de plus de 140 000 échantillons de semences provenant de petits agriculteur.ice.s et de la nature, venant de terres aussi éloignées que l'Afghanistan, le Liban et l'Éthiopie.

Réfugiées syriennes travaillant dans les champs de l'ICARDA, station de recherche de l'ICARDA, Terbol, vallée de la Bekaa, Liban. Arrêt sur image de Jumana Manna, Wild Relatives (2018).

2 - Des plis dans le paysage

[...] Dans mes rencontres avec les archives et l’intérêt que l’art contemporain y porte, j'ai remarqué qu'elles traitent presque toujours des sujets et des matériaux des villes [...]. En revanche, les artefacts relatifs aux traditions rurales, tels que l'artisanat, la musique et d'autres formes culturelles, ont tendance à être placés dans des collections ethnographiques. Dans les normes de l'ethnographie classique, la ville est synonyme de modernité, tandis que le rural et le traditionnel sont synonymes de primitif. Considérées comme figées dans le passé, ces traditions doivent être préservées de toute urgence avant d'être effacées par l'industrialisation et les progrès technologiques de l'Occident. Les termes mêmes de « préservation » et de « conservation » sont entachés d'ambiguïté depuis l'ère de l'exploration par les puissances principalement européennes aux dix-huitième et dix-neuvième siècles. En enregistrant tout en effaçant, la violence coloniale semble rendre la célébration indissociable de la destruction. Ce problème structurel est lié à la nostalgie face à l'éradication imminente et s'étend à l'archivage des objets culturels animés et inanimés.

Consciente de l'ampleur de ces constructions binaires, j'ai décidé de déplacer mon attention des imaginaires urbains vers les mythologies rurales, et d'examiner comment différents acteur.ice.s ont négocié leur position vis-à-vis des changements apportés au paysage agricole par la modernité. J'ai essayé de visualiser comment les approches taxonomiques de la nature ont accéléré les changements matériels et sociaux dans les cycles de vie des plantes et de leurs alliés, les petits agriculteur.ice.s.

Mes recherches m'ont conduit à George Edward Post, l'un des premiers botanistes à collecter et à classer la flore du Moyen-Orient. Après avoir terminé son service en tant qu'aumônier de l'Union pendant la guerre civile états-unienne, Post a embarqué sur un navire à destination de Tripoli, en Syrie (aujourd'hui le Liban). C'était en 1863 et il commençait une nouvelle vie en tant que missionnaire et médecin, répandant la parole de Dieu et la science moderne au Levant. Il y apprenait l'arabe à une vitesse impressionnante et décidait, peu après son arrivée, de s'installer à Beyrouth, où il cofondait l'école de médecine du Collège protestant syrien, aujourd'hui connu sous le nom d'Université américaine de Beyrouth (AUB). Pendant son temps libre, c'est-à-dire entre son travail de chirurgien, de dentiste et d'enseignant, l'archéologie et la traduction de livres en arabe, Post s'aventurait en dehors de la ville, où il collectait des plantes qu'il collait sur des feuilles de papier.

L'étude de la botanique en Grande Syrie ne ressemble à aucune autre exploration, selon Post, « non seulement en raison des événements passionnants et importants de l'histoire humaine dont elle a été le théâtre, mais aussi pour ... sa grande diversité ... et sa faune et sa flore remarquables »4. Pour le bibliste, la flore du pays de la Bible est porteuse d'indices permettant de mieux comprendre les Écritures (saintes). Post a demandé à ses étudiant.e.s de faire un exercice : collecter deux cents plantes différentes et les préparer comme spécimens d'herbier. Plus les étudiant.e.s s'éloignaient de Beyrouth pour collecter les plantes, plus Post augmentait leurs notes. C'est ainsi qu'avec l'aide de dizaines d'étudiant.e.s anonymes, il a pu créer sous son nom l'un des herbiers les plus vastes de la région. Par la suite, son herbier a été utilisé, et continue de l'être, pour des études scientifiques, des relevés et de la documentation (son accès à des archives physiques aussi vastes a également permis à Post de rédiger une encyclopédie des plantes, intitulée Flora of Syria, Palestine and Sinai (Flore de la Syrie, de la Palestine et du Sinaï)). L'herbier, que l’on peut considérer comme un paysage pré-Sykes-Picot5 de la taille d'une armoire et une morgue de formes bien conservées d'une beauté enivrante, est resté intact. Il se trouve aujourd'hui dans l'un des couloirs du département de biologie de l'AUB.

Une telle organisation minutieuse du paysage levantin est le prédécesseur des banques de gènes comme celle que l'ICARDA est en train de dupliquer entre la Syrie et le Liban. Comme un herbier, une banque de semences, avec son élan encyclopédique, est une image particulièrement moderniste ; un disque dur exhaustif qui classifie ce qui existe dans les champs. Toutes deux constituent un continuum de centralisation du pouvoir par la collecte : l'herbier est un biopouvoir, ancré dans l'histoire et le savoir colonial, tandis que le biopouvoir de la banque de gènes étend cette histoire à la gestion de la diversité et de la vie. Ce sont des corpus de production de connaissances totalisants, optimisés en un point d'accès central : les portails de type Google réorganisent non seulement l'information mondiale tout en consolidant ses points d'accès, mais redéfinissent aussi, comme toutes les entreprises spatiales coloniales, la relation entre le centre et la périphérie. Ces moteurs de recherche rendent l'information utile, la mettent au travail et lui attribuent une valeur monétaire.

Réserves dans la banque de semences de l'ICARDA, vallée de la Bekaa, Liban. Image de Jumana Manna, Wild Relatives (2018).

En effet, au XIXe siècle, lorsque le paysage levantin a été élégamment mais vigoureusement adapté à un format bidimensionnel - pratique pour l'œil d'un microscope ou les annotations d'une carte - il a également été plié pour s'adapter aux projets de grande envergure : une pratique qui avait commencé deux siècles plus tôt à étancher les ambitions nationales et commerciales de l'Europe. Les études de botanique ont mis de l'ordre dans le « désordre » des plantes et ont créé des systèmes qui ont facilité le transfert de grandes quantités de flore et de faune des quatre coins du monde vers les centres européens. En gardant à l'esprit l'histoire de ce réseau de jardins botaniques, je n'ai pu m'empêcher de lire l'agenda du système CGIAR comme héritier de cette lignée, mettant en œuvre la logique et l'histoire mêmes du capitalisme. Le capitalisme opère ici comme moyen pour organiser la nature, et avec elle, une main-d'œuvre racialisée et jetable.

Um Nabil, mère de cinq enfants, tient un mouneh dans une petite pièce derrière la cuisine, un entrepôt de grains avec des barils de lentilles, de boulghour, de pois chiches, ainsi que de la sauce tomate, des cornichons, des fruits secs et des fromages. Elle se souvient que son père avait l'habitude d’aller de Houran au Mont-Liban à dos de chameau pour troquer sa récolte. À l'époque, la famille mangeait les céréales récoltées, faisait du commerce avec les voisin.e.s proches et lointains, et gardait une petite quantité de côté pour les semailles de la saison suivante. Aujourd'hui, elle achète la plupart de ses ingrédients au marché, des produits venant d'aussi loin que l'Argentine et d'aussi près que les fermes locales. Abu Nabil, son mari, a arrêté l'agriculture il y a trois décennies. Aujourd'hui, il vit de la vente de pesticides.
C'est vendredi après-midi. Um Nabil extrait deux tasses de boulghour et trois tasses de lentilles des barils et commence à préparer le repas en attendant que ses fils Nabil et Majd reviennent de leur service militaire. Elle sait que ses enfants ne mangeront pas son repas. Ils lui disent souvent : « C'est de la nourriture de paysans arriérés, ce n’est plus au goût d’aujourd’hui. » Comme prévu, ils arrivent à la maison et commandent une pizza, tandis qu'Um Nabil et Abu Nabil mangent la mjadara. Plus tard, Um Nabil demande à ses garçons d'aller cueillir les raisins de leur vignoble avant le coucher du soleil. Mais ils ne savent pas où se trouve le terrain et ne semblent franchement pas s'en soucier.

3 - Les enchevêtrements

A la recherche de parallèles contemporains aux herbiers des XVIIIe et XIXe siècles, j'ai visité des réserves naturelles, des institutions agricoles et j'ai parlé à des agriculteur.ice.s pour mieux comprendre les réalités auxquelles sont confrontés les petit.e.s propriétaires terrien.ne.s dans la région. Lors de ma première visite à l'ICARDA dans la vallée de la Bekaa au printemps 2016, on m'a fait visiter les champs, les laboratoires et un chantier dans le village de Terbol qui, une fois terminé, devait abriter le double de la banque de gènes d'Alep.

J'ai appris que l'ICARDA travaille principalement sur l'amélioration génétique des cultures. Grâce à la sélection, le centre diffuse de nouvelles variétés de céréales et de légumineuses telles que l'orge, les lentilles, les fèves, le blé et les pois chiches, qui sont censées augmenter le rendement et, théoriquement, aider les agriculteur.ice.s à améliorer leurs moyens de subsistance. L'ICARDA a trois objectifs principaux : la sécurité alimentaire, la réduction de la pauvreté et la lutte contre les effets du dérèglement climatique. Pour atteindre ces objectifs, l'ICARDA, dont le mandat couvre environ un tiers de la Terre, de l'Australie à l'Afrique du Nord et au-delà, utilise un large pool génétique créé par la sélection et la culture des agriculteur.ice.s au cours de centaines d'années, qu’il conserve dans sa banque de gènes. Dans ce riche réservoir, l'ICARDA croise des parents de génotypes différents qui ne se croiseraient pas dans des circonstances naturelles afin de créer des semences à haut rendement, résistantes aux maladies et tolérantes à la sécheresse (il ne s'agit toutefois pas de semences génétiquement modifiées, OGM). Lorsque les caractéristiques de ces semences sont stabilisées et uniformisées, elles sont expédiées aux institutions gouvernementales et aux entreprises du monde entier. Alors que l'ICARDA diffuse chaque année un nombre conséquent de nouvelles variétés, les gouvernements n'en certifient qu'un nombre limité, en fonction de leurs besoins climatiques et de leurs exigences en matière de contrôle et de réglementation. Tout au long du vingtième siècle, cette limitation systémique des variétés, ainsi que d'autres facteurs, ont provoqué une immense perte de biodiversité.

Pollinisation croisée de variétés de pois chiches, station de recherche de l'ICARDA, Terbol, vallée de la Bekaa, Liban. Arrêt sur image de Jumana Manna, Wild Relatives (2018).

En fait, le paradoxe même des variétés améliorées telles que celles diffusées par l'ICARDA est que leur diffusion élimine les variétés traditionnelles de semences à partir desquelles elles ont été créées. Cette contradiction est à l'origine de la création des banques de semences, qui sont nées de la prise de conscience que pour continuer à sélectionner de nouvelles variétés, il fallait sauvegarder des échantillons de variétés traditionnelles et sauvages avant qu'elles ne disparaissent.

La sélection peut être extrêmement bénéfique dans la mesure où elle permet d'accélérer un processus de sélection que les agriculteur.ice.s effectuent depuis des millénaires. Cependant, le principal problème est celui de l'échelle, de la fabrication de produits normés pour répondre aux besoins d'un marché mondialisé, plutôt que de travailler en collaboration avec les agriculteur.ice.s pour développer une variété adaptée au microclimat de chaque région. Dans l'espoir de gagner plus d'argent grâce à des rendements plus élevés, les agriculteur.ice.s ont abandonné leurs variétés traditionnelles pour acquérir des variétés modernes. Cela les enferme, ainsi que leurs sols, dans un système de dépendance à l'égard de l'État, et des entreprises qui vendent les semences et des engrais chimiques dont ils et elles ont besoin. Pris dans un cycle où les diverses variétés locales sont remplacées par des variétés modernes uniformes, les agriculteur.ice.s n'ont pas pris en compte les dangers - y compris les risques pour la santé - du système dans lequel elles et ils s'engageaient. De toute façon, ils et elles n'avaient que peu d'alternatives pour gagner leur vie.

Aujourd'hui, de nombreuses variétés anciennes, qui sont congelées à moins dix-huit degrés Celsius dans la banque de gènes de l'ICARDA, n'existent plus dans les champs des agriculteur.ice.s. Ce système se trouve dans la double contrainte d'être à la fois le protecteur et l'éliminateur de la biodiversité, une ironie qui n'a pas échappé à certain.e.s employé.e.s. Toutefois, ils et elles affirment dans leur ensemble que les jeux sont faits et qu'il est trop tard pour réparer le système. Le régime alimentaire mondial - dépendant des combustibles fossiles, contrôlé par des entreprises vicieuses (il suffit de regarder le cas de Monsanto pour en comprendre les conséquences) et caractérisé par une surproduction et un gaspillage massifs - ne disparaîtra pas. Dans ce contexte, disent-ils et elles, nous faisons de notre mieux. Pour leur part, les critiques sont moins indulgent.e.s. Ils et elles affirment que les centres comme l'ICARDA ont adopté une approche par le haut (top-down) vis-à-vis des agriculteur.ice.s. Historiquement, de telles approches « ont non seulement servi de mécanisme pour encourager le développement capitaliste dans les campagnes du tiers-monde, mais elles y sont aussi des véhicules pour l'extraction efficace des ressources phytogénétiques et leur transfert vers l'Europe, l'Amérique du Nord et le Japon »6. La principale préoccupation du CGIAR « est de faire en sorte que ce matériel soit déclaré sans effort propriété publique afin que ses chercheur.e.s puissent librement poursuivre leurs travaux »7. Bien que ces collections appartiennent au domaine public, ce sont les institutions, et non les agriculteur.ice.s, qui utilisent les banques de semences, en raison de la lourdeur des procédures bureaucratiques qu’elles demandent.

Réfugiées syriennes travaillant dans les champs de l'ICARDA, station de recherche de l'ICARDA, Terbol, vallée de la Bekaa, Liban. Image de Jumana Manna, Wild Relatives (2018).

Les ressources génétiques prélevées sur les communautés agricoles du Sud finissent souvent par être revendiquées comme propriété intellectuelle par le Nord industrialisé. La biopiraterie est un problème endémique dans l'agro-industrie et le CGIAR n'y échappe pas. Dans l'un de ces cas, des semences prélevées gratuitement à l'ICARDA ont été brevetées sans aucune modification par des entreprises privées australiennes, mais l'ICARDA a décidé de ne pas donner suite à cette affaire8. En fait, l'organisation ne porte aucune responsabilité si ses semences arrivent aux mains d’entreprises qui les brevettent à des fins lucratives, et elle n'a pas non plus la capacité de contrôler ses flux de matériel génétique. Cette passivité et ce manque de contrôle sont des problèmes fondamentaux dans l’écart structurel entre les responsabilités scientifiques, éthiques et juridiques de l’organisation.9

Dans la vallée de la Bekaa, un terrain agricole a été recouvert de ciment pour servir de camp informel de réfugié.e.s. La terre appartient à un agriculteur libanais nommé Abu Nabil, dont les quatre fils sont dans l'armée. Ne pouvant plus vivre dignement du travail de sa terre, il en a transformé une partie en camp de réfugié.e.s. Les céréales étant importées de l'étranger à des prix inférieurs, et en l'absence de subventions ou de protection de la part du gouvernement, ses rendements couvrent à peine le coût des engrais. L'année précédente, le ministère de l'Agriculture a refusé d'acheter la récolte d'Abu Nabil, parce qu'une cargaison arrivait d'Ukraine à un prix bien inférieur. Les tentes coûtent entre cinquante et cent dollars par mois, selon leur taille. Avec environ soixante-dix tentes, Abu Nabil gagne plus de soixante mille dollars par an. Quel petit agriculteur gagne autant d'argent aujourd'hui ?
Abu Adnan, un locataire syrien, vit ici avec le seul fils qui lui reste et sa femme. Son fils avait un frère jumeau, mais il a été tué sous leurs yeux par l'une des bombes barils du régime Assad. Ils ont planté une petite bande d'herbes et de légumes juste à l'extérieur de leur tente, que le fils arrose tous les jours. Avant la révolution, Abu Adnan cultivait des céréales et des légumes dans ses champs. Sous le régime de Bachar al-Assad, le gouvernement payait les agriculteur.ice.s cent lires pour un kilogramme de blé, et vendait ensuite la même quantité de blé sur le marché libre pour quatre cents lires : un bénéfice de 300 % pour le gouvernement. Ainsi, lorsque le bureaucrate passait pour collecter la récolte au prix fixé par le gouvernement, Abu Adnan payait un petit pot-de-vin, gardait son grain et le vendait à un prix légèrement plus élevé sur le marché noir. Même la vie de métayer à l'époque féodale était meilleure que la vie sous le régime Assad, dit-il.

4 - Dons

En 2014, l'ICARDA est revenu sur ses propres traces : après avoir quitté le Liban déchiré par la guerre en 1977, il a dû quitter la Syrie à son tour déchirée par la guerre. Afin de dupliquer sa banque de gènes, l'ICARDA a retiré des copies de sauvegarde qu'il avait stockées dans la Réserve mondiale de semences (Global Seed Vault, GSV) située à Svalbard, une île sous contrôle norvégien, dans le cercle polaire arctique. Le premier lot de semences de sauvegarde de l'ICARDA a été expédié aux installations de l'ICARDA dans la vallée de la Bekaa, et planté dans les champs. Ici, cette entité mondiale prend une saveur locale. Le travail dans les champs est effectué par des travailleur.euse.s à bas salaire, généralement des réfugié.e.s syrien.ne.s et des nomades sédentarisé.e.s. Sous la supervision de scientifiques, ces travailleur.euse.s accompagnent un cycle annuel complet de croissance dans les champs, qui comprend la plantation, la récolte, le battage et le séchage. Au rythme de quinze cycles annuels, on estime que la duplication de l'ensemble de la collection d'Alep, en passant par les sauvegardes de la réserve du Svalbard, prendra jusqu'à quinze ans. Les graines nouvellement récoltées ont ensuite été divisées en quatre lots : deux lots sont restés dans la banque de gènes de l'ICARDA nouvellement inaugurée au Liban, un lot a été envoyé à une institution sœur en guise de sauvegarde et le quatrième lot est retourné à la réserve du Svalbard pour y être stocké à long terme. Souvent appelée « chambre forte de l'apocalypse »10, la GSV stocke des copies de sauvegarde d'une grande partie des semences du monde, se présentant implicitement comme la solution de « la dernière chance » au cas où la Terre serait frappée par une catastrophe majeure. En tant que première institution à retirer ses dépôts du GSV, la transaction de l'ICARDA a capté l'imagination des médias, et a déclenché une avalanche d'articles représentant la guerre en cours à Alep comme une réalisation de l’apocalypse.

Des titres sensationnalistes tels que « Comment les Syriens ont sauvé une ancienne banque de semences de la guerre civile11 » tournaient autour d'ambiguïtés que j’interroge dans mon propre travail, à savoir la manière dont une provenance complexe est réduite à de fausses catégories. Mais aussi d’interroger comment la catégorisation scientifique et le sauvetage d’objets du patrimoine culturel semblent toujours impliquer un certain degré d'effacement, qu'il soit narratif et/ou matériel.
J'ai commencé [...] Wild Relatives, qui suit la matrice des relations impliquées dans la transaction entre le Svalbard et le Liban dont ces graines ont été l’objet, en me posant les questions suivantes : Qu'est-ce qui a été effacé dans ce processus, et entre les mains de qui se trouvent ces graines aujourd'hui ? Quelles sont les négociations impliquées dans le placement de semences syriennes dans le domaine public ? J'ai voulu répondre à cette sombre ironie : voir une collection aussi importante de semences pour l'avenir de l'humanité être hébergée à Alep, une ville où la famine était déployée comme arme de guerre.

Je me suis également intéressée aux motifs créés par l'extraction de différents types de ressources de la terre. En plus d'être la plus grande installation de stockage de semences alimentaires, le Svalbard abrite également un certain nombre de mines de charbon fermées ou en activité. Ce lieu illustre la mort et la renaissance en tant que trait caractéristique du cycle de vie des semences – lequel les différencie des autres ressources extraites de la terre. L'extraction du charbon, activité qui a incité les gens à s'installer sur l'archipel au début du XXe siècle, est en effet constituée de millions d'années de vie animale et végétale comprimée sous terre. Mais si cette ressource ne peut être extraite et brûlée qu'une seule fois pour produire de l'énergie, une seule graine se multiplie sous la forme de grain, qui peut être semé à son tour. Une graine expédiée à l'étranger peut fournir la base matérielle sur laquelle un nouveau secteur de production tout entier peut être établi.

Si les ressources phytogénétiques reçues gratuitement des pays du Sud ont généré sans récompenses des milliards de dollars pour les pays capitalistes dits développés, comment est-ce qu’on peut commencer à imaginer la contribution des petits agriculteur.ice.s du Tiers monde aux cultures et au commerce mondiaux ? Sous l'effet d'une sombre force d'exploitation, le don (gift) de ces agriculteur.ice.s s'est transformé en leur dette, l'ensemencement de leur offrande est réapparu comme une toxine dans leur sol. La réciprocité et l'échange ont été interprétés, à tort, comme de l'aide et de la culpabilité. Et peu importe ce que l’on imagine, la restauration ne pourra jamais constituer un remède à la mesure de cette dette.

Ahmad est un réfugié syrien qui vit dans la vallée de la Bekaa avec sa femme et ses deux enfants. Il parle avec tendresse d'un mouvement civil qui fait passer clandestinement des semences dans les zones assiégées et tenues par les rebelles en Syrie, ainsi que des manuels expliquant aux habitant.e.s comment cultiver sans engrais chimiques. Ahmad vivait autrefois non loin de la station ICARDA de Tel Hadya, à Alep. Certain.e.s membres de sa famille y travaillaient et il a lui-même planté des semences de l'ICARDA et des variétés locales. Il ne croit pas à la validité des travaux scientifiques du centre, arguant que ses méthodes érodent le sol et ne profitent pas vraiment aux agriculteur.ice.s, mais plutôt à l'État. Ahmad s’occupe d’un jardin biologique dont l'objectif principal est de multiplier les anciennes variétés venant de la région et de l'étranger. Il conserve ces semences dans une petite pièce aux murs d'argile, une bibliothèque de semences, avec des bocaux en verre et des sacs en papier. Toute personne souhaitant pratiquer l'agriculture biologique peut prendre des semences gratuitement. Il élève des vers, qui donnent vie au sol, et fabrique des pesticides naturels à partir d'ail et de feuilles d'ortie. Son rêve est de retourner en Syrie et d'ouvrir une école d'agriculture qui enseignera l'agriculture biologique, basée sur le partage des semences ainsi que sur l'indépendance totale à l’égard du régime et de toutes les multinationales.
La main de Walid tenant de la terre et des vers dans le jardin biologique Buzurna Juzurna (« Nos graines, nos racines »), Saadnayel, vallée de la Bekaa, Liban. Image de Jumana Manna, Wild Relatives (2018).

5 - En faire une histoire

Conformément aux tendances internationales observées au fil des décennies, l'ICARDA et ses institutions partenaires du CGIAR ont modifié leur rhétorique, en adoptant et en intégrant des concepts tels que l'« environnementalisme » et, plus récemment, la « durabilité » 12. Néanmoins, ils restent fermement ancrés dans le déterminisme technologique, cherchant des solutions scientifiques aux inégalités structurelles. Aujourd'hui, l'influence du CGIAR est en déclin en raison du pouvoir croissant de géants philanthropiques tels que la Fondation Bill & Melinda Gates, couplé au fait que la majeure partie du marché des semences est entre les mains des trois plus grandes entreprises agroalimentaires du monde : Monsanto, DuPont et Syngenta. Pour assurer sa survie, ce système public à but non lucratif développe des partenariats avec le secteur privé, et associe des représentant.e.s de Monsanto et de la fondation Bill et Melinda Gates à leurs conseils de financement. En réalité, ces organisations promeuvent une deuxième révolution verte, et répètent la promesse non tenue d’une résolution du problème de la faim et de la malnutrition pour une population mondiale en plein essor.13 La priorité accordée à la rentabilité a occulté la plus grande leçon du siècle dernier, à savoir que la crise climatique, tout comme la faim et la malnutrition, ne peuvent être traitées comme un simple problème techno-bureaucratique.14 Ce qui est remarquablement absent d’une telle approche, c’est un changement épistémologique plus profond dans lequel ces outils technologiques seraient intégrés dans un ensemble sociohistorique holistique.

Ces angles morts des politiques néolibérales sont rappelés par l'économiste politique Ali Kadri, qui écrit qu'« entre 1980 et 2010, environ 70 millions de personnes ont quitté la campagne pour les villes dans le monde arabe ». Cet exode, provoqué en partie par la révolution verte et d'autres réformes similaires, a entraîné des changements culturels et économiques dans les paysages du Moyen-Orient. Il a conduit au chômage, rendant les vies superflues et laissant peu d'alternatives économiques aux communautés rurales. Ce processus a causé la perte d'une grande partie des connaissances traditionnelles et à la décomposition des structures sociales. Les agriculteur.ice.s ont été chassé.e.s de leurs champs, qui ont été mis.es en latence sous terre, pour réapparaître dans les villes sous la forme de champignons et d’herbes folles, parfois dangereux, parfois bienfaisants - et souvent source de vie. De plus en plus, le mépris de la vie agraire et de ses formes de connaissance transmises depuis des générations engendre une progéniture amnésique de l’histoire paysanne des familles. La prolifération de cultures uniformes, qui ont été forcées à oublier de grandes parties de leur patrimoine génétique, apparait comme un effet miroir de l'amnésie des paysan.ne.s.

Les efforts redoublés les plus récents de la biotechnologie dans sa quête de contrôle de la nature rend d'autant plus urgente la nécessité d'une réglementation et d'un cadre juridique en mesure de s'adapter à la vitesse vertigineuse des avancées technologiques tout en étant capable de faire respecter les normes éthiques relatives aux séquences génétiques de conception. Des inventions récentes telles que CRISPR15, une technologie de découpage de gènes, peuvent entièrement réorganiser les écosystèmes en favorisant la transmission de certains gènes d'une génération à l'autre tout en en éliminant d'autres16. Ce processus de sélection permet de faire disparaître certains virus, certaines bactéries ou certaines espèces, ou de diffuser une caractéristique souhaitée dans toute une population, ce qui modifie radicalement les fondements de l'évolution17. Pour aller plus loin, spéculer sur un avenir où les semences sont virtuelles fait surgir le spectre des enchères boursières sur les banques de semences et les bibliothèques numériques de codes génétiques qui prolifèrent avec elles. Et si nous imaginons que les banques physiques de semences seront rendues obsolètes et seront remplacées par des bases de données numériques - des séquences génétiques sous forme de code -, qu'adviendra-t-il alors de la matérialité du sol, de la terre ? Est-ce que la transformation du sol même en une affaire virtuelle n’est plus qu’une question de temps ? Peut-être que le pliage de l'espace qui a commencé avec les explorations européennes finira par éliminer complètement l'espace, pour l'efficacité de la communication et de la survie humaines.

Entre-temps, le paysage du Moyen-Orient ne fait que s'assombrir. Alors que les discours sur l'apocalypse sont toujours aussi persistants, il convient de garder à l'esprit que l'association des obsessions scientifiques et théologiques relatives à l'apocalypse, l'extermination et l'extinction n'a fait qu'aggraver les crises. Plutôt que d'opter pour l'approche de la touche « retour » 18 - c’est-à-dire de détruire le monde et d’espérer le reconstruire avec des bases de données, des manuels, et des musées - pourquoi ne pas concevoir un monde habitable où la vie se maintient au milieu des ruines présentes et futures. Nous pouvons au contraire « cultiver la responsabilité », comme le dit Donna Haraway, en en faisant toute une histoire afin « d'être les témoins de la possibilité d'autres façons de faire »19. En faire une histoire, c’est-à-dire résister à la complaisance du « c'est trop tard de toute façon », vivre autrement, en dehors des cycles d'effacement-préservation-effacement, vivre avec plus de dons et moins de poison.


  1. Cité dans Hanna Batatu, Syria’s Peasantry, the Descendants of its Lesser Rural Notables, and their Politics, Princeton: Princeton University Press, 1999, p. 193.  

  2. Ces facteurs comprennent l'éducation, la santé, les transports, l'électricité et l'exonération de l'impôt sur le revenu. 

  3. La majorité du personnel a été déplacée, principalement dans quatre pays différents : en Jordanie, au Maroc, au Liban et en Égypte. La direction a été transférée à Beyrouth et des centres de recherche ont été établis dans la vallée de la Bekaa. 

  4. George E. Post, Flora of Syria, Palestine and Sinai (From the Taurus to Ras Muhammad, and from the Mediterranean Sea to the Syrian Desert), Beirut, Syrian Protestant College, 1896, p. 22. 

  5. Les accords Sykes-Picot ont été signés en secret le 16 mai 1916 entre la France et le Royaume-Uni, prévoyant le découpage du Proche-Orient à la fin de la première guerre mondiale en plusieurs zones d'influence au profit de ces puissances. Les accords conclus avec l'aval de l'Empire russe et l'Italie revenaient à dépecer l'Empire ottoman et s'inscrivent dans le contexte de la domination coloniale française et britannique aux effets durables dans la région. Voir David Fromkin, A Peace to End All Peace: The Fall of the Ottoman Empire and the Creation of the Modern Middle East, New York, Owl, 1989, pp. 286-88 (notes des traducteur.ice.s).  

  6. Jack Ralph Kloppenburg, Jr., First the Seed: The Political Economy of Plant Biotechnology, 1492–2000, Wisconsin: University of Wisconsin Press, 2004, p. 189.  

  7. Voir par exemple : https://www.grain.org/article/entries/1883-biopiracy-by-another-name 

  8. Voir par exemple : https://www.grain.org/article/entries/233-the-chickpea-scandal-trust-or-consequences 

  9. Même dans le cadre du fonctionnement normal du CGIAR, les pays qui en bénéficient le plus sont ceux dont le système agricole est bien développé. Par exemple, une grande partie de la production australienne de céréales et de légumineuses est basée sur des variétés de l'ICARDA. La rhétorique du CGIAR sur la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté pour les petits agriculteurs du Sud doit donc être remise en question. 

  10. Elaine Gan, “Seed Vault: Freezing Life for Doomsday,” dans : Krista Lynes (ed): Elemental: An Arts and Ecology Reader, London: Cornerhouse Publications, 2016, pp. 119–121. 

  11. Voir : https://www.wired.com/2015/04/syrians-saved-ancient-seedbank-civil-war/ 

  12. L'ICARDA travaille désormais sur la gestion de l'eau et des ressources et a introduit auprès des agriculteur.ice.s l’usage des semoirs sans labour, qui minimisent l'érosion du sol et la perte d'humidité. 

  13. A ce sujet, voir aussi Raj Patel’s “The Long Green Revolution,” dans The Journal of Peasant Studies, 2013, 40:1, pp. 1–63. 

  14. Naomi Klein, “Let Them Drown,London Review of Books (February 6, 2016), p.11. https://www.lrb.co.uk/v38/n11/naomi-klein/let-them-drown 

  15. Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats (en français : courtes répétitions en palindrome regroupées et régulièrement espacées). Cela désigne un ensemble de molécules qui permettent de modifier l'ADN de plantes et d'animaux avec une grande précision.  

  16. Voir aussi http://www.etcgroup.org/content/reckless-driving-gene-drives-and-end-nature  

  17. Des entreprises telles que Monsanto investissent dans cette technologie, et cherchent ainsi à renforcer leur domination sur le marché. 

  18. Gan, p. 121.  

  19. Voire Isabelle Stengers et Vinciane Despret, Les faiseuses d'histoires. Que font les femmes à la pensée ? Paris, Les empêcheurs de penser en rond, 2011 ; et Donna J. Haraway, Staying with the Trouble: Making Kin in the Chthulucene, Durham: Duke University Press, 2016, p. 131.