Une chronologie
Sam Hopkins & Simon Rittmeier
06.02.2017
Nous visitons les réserves du Rautenstrauch-Joest Museum à Cologne, un vaste complexe souterrain qui conserve environ 54 000 objets. Nous nous intéressons aux 83 objets kényans de la collection.
Les objets reposent dans des dépressions confectionnées à la main, doublées de ‘Tyvek’, un matériau qui minimise les interactions chimiques néfastes.
Trois ceintures kikonde, de larges ceintures minutieusement fabriquées à partir de cuir finement tressé, attirent notre attention. Elles sont classées dans l’inventaire comme des « ceintures d’épée » (« Schwertgürtel ») provenant de la communauté Kamba, mais elles ne semblent pas avoir de support où l’on pourrait attacher une arme.
13.03.2018
Lors d’une présentation dans le cadre du projet International Inventories Programme, nous apprenons que la collection du Rautenstrauch-Joest Museum est [principalement] composée d’armes, de vêtements et d’objets domestiques (présentation de Clara Himmelheber, conservatrice Afrique au musée Rautenstrauch-Joest de Cologne).
08-10.12.2020
Dans les dépressions dans lesquelles les objets kényans sont entreposés au musée quelque chose nous hante. C’est un sentiment que nous ne pouvons pas formuler clairement avec des mots mais qui a à voir avec la perte, la disparition et l’absence.
Nous numérisons les dépressions.
15.01.2021
En regardant les scans des dépressions, nous sommes frappés par leur ressemblance avec des formes d’îles. Ces formes nous apparaissent comme des sculptures trouvées et nous commençons à concevoir une topographie de la perte. Nous continuons à travailler sur les images, en explorant leur potentiel graphique en tant qu’îles.
Nous revenons aux scans des ceintures kikonde et choisissons leur forme comme motif du design du kanga, un tissu imprimé typiquement porté dans la côte est-africaine.
01.02.2021
En cherchant un dicton pour accompagner le motif du kanga, nous apprenons le proverbe kiswahili « Anadaiwa hata kope si zake », traduit par « Il/elle est tellement endetté·e que même ses paupières ne lui appartiennent pas » [dans l’original en anglais : S/he owes so much that even her/his eyelids are not her/his own].
Nous prenons contact avec une usine basée à Thika (Kenya) qui imprime des kangas et lui communiquons notre idée.
08.03.2021
Lors de notre visite de Thika Cloth Mills nous rencontrons la créatrice Lucy Nganga. Nous nous asseyons ensemble devant son ordinateur et finalisons le design pour l’impression.
18.03.2021
500 kangas sont imprimés pour être distribués. Les Musées nationaux du Kenya nous soutiennent afin de les distribuer dans tout le pays. Comme il est d’usage, le kanga est vendu par paire au prix du marché de 800 KES (shillings kényans).
31.03.2021
Dans le magazine Invisible Inventories, nous lisons : « Dans notre collection, nous avons environ quatre-vingts objets provenant du Kenya : principalement des textiles et des vêtements, quelques armes et beaucoup de ‘souvenirs’ achetés par les touristes. » (« Reaching for New Perspectives: A Dialogue between Museums » / « Vers de nouvelles perspectives : un dialogue entre musées »).
03.06.2021
Jentrix Chochy, chercheuse au Musée national de Nairobi, nous écrit :
« Le bracelet kikonde était porté après avoir accompli le rituel du Kithangona. Le kikonde est en général uniquement fabriqué par les “guérisseurs”, aucune autre personne de la communauté ne peut le faire. Le kikonde peut être transmis de génération en génération et la plupart du temps il est hérité dans une famille.
Le Kithangona est une forme de « magie noire » employée dans la sorcellerie pour causer du tort aux ennemis. (…) La personne affectée par le Kithangona doit aller voir celle qui a jeté le sort […], ou un autre guérisseur, pour être guérie de la magie noire qui lui a été infligée. Après avoir été guérie, elle reçoit un kikonde comme charme de protection. (…)
L’objet est actuellement menacé de disparaître dans la communauté. »
15.11.2021
Nous numérisons en 3D les trois ceintures kikonde de Cologne et les reproduisons à échelle 1:1.